Hannah et ses soeurs

Hannah et ses soeurs
Titre original:Hannah et ses soeurs
Réalisateur:Woody Allen
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:21 mai 1986
Note:
Deux ans dans la vie des trois filles d'une famille new yorkaise d'artistes. Hannah est une femme apparemment parfaite, remariée à l'homme d'affaires fortuné Elliot. Holly est une actrice au chômage, au caractère plutôt instable, qui tente d'oublier ses soucis dans la drogue et dans son travail de traîteur. Enfin, Lee avait, elle aussi, des problèmes de dépendance, jusqu'à ce qu'elle rencontre Frederick, un peintre austère et plus âgé qu'elle, qui souhaite parfaire son éducation intellectuelle. Mais lorsque Elliot confesse son amour pour Lee, la relation entre ces trois soeurs très différentes se désintègre.

Critique de Tootpadu

Bien que Woody Allen soit un cinéaste dont l'ensemble de la filmographie a plus d'importance que chaque film pris séparément, il lui arrive de créer des oeuvres aux qualités propres irréfutables. Certes, ça fait bien longtemps que nous attendons un nouveau coup de maître de la part du petit New Yorkais, mais au cours des années 1970 et '80, il lui arrivait plus couramment de toucher réellement au génie. La preuve avec ce conte moral des plus sophistiqués, qui garde cependant les pieds sur terre.
Son plus grand succès commercial se distingue en effet par la sublimation du style d'Allen. Les névroses et autre coups de coeur timides qui animent son univers deviennent ici des aspects presque secondaires d'une histoire familiale aussi fascinante que banale. En poussant la structure chorale de son film encore plus loin que d'habitude, en juxtaposant des personnages à première vue très différents, mais finalement assez semblables, Allen adopte un ton qui est aussi loin du misérabilisme plaintif de ses derniers films que de la loufoquerie burlesque de ses comédies précédentes. Sans aucun doute comiques, ses observations préservent toujours une certaine tristesse et, chose plutôt rare dans la philosophie dépressive d'Allen, une chaleur humaine qui émane de l'aspect familier. Grâce au rythme des saisons, qui est encore morcelé par les chapitres plus ou moins aléatoires, nous développons une affinité particulière avec ce groupe de personnages en pleine tempête sentimentale.
Toujours un dénicheur infaillible des répliques ingénieuses, Woody Allen se dépasse encore ici, avec une écriture d'une extrême finesse et intelligence. Il multiplie les dispositifs générateurs de blagues subtiles et il réussit, pour une fois, de donner à ses personnages une réelle profondeur, au lieu d'en faire de simples colporteurs de névroses ou, pire encore, de clichés sociaux ou intellectuels. D'ailleurs, l'approche qu'il prend par rapport à la culture est également assez originale et d'une discrétion d'autant plus irrésistible. Les bribes de musique classique, les citations de poésie, et comme d'habitude, la petite pause au cinéma pour revoir un film des frères Marx, sont autant d'occasions admirablement transformées afin de beigner le film dans une noblesse d'esprit et de coeur exceptionnelle.
A côté d'une écriture aussi impressionnante, et en même temps aussi légère et sans contrainte, la mise en scène et l'interprétation deviennent vite de simples exécutants fidèles. Ainsi, l'ensemble prestigieux des acteurs ne détourne jamais l'attention de la richesse de l'histoire et la réalisation, bien plus inspirée que d'habitude, se montre assez habile pour trouver des images adéquates pour traduire la douce perfection des paroles.
En attendant de revoir Annie Hall, dont nos souvenirs sont bien trop vagues, nous considérons ces péripéties de Hannah comme un des films majeurs d'Allen, d'une certaine façon à mi-chemin entre la gravité de Crimes et délits et de l'extravagance loufoque de Coups de feu sur Broadway.

Revu le 2 août 2005, à l'Escurial Panorama, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: