
Titre original: | Island (The) |
Réalisateur: | Michael Bay |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 135 minutes |
Date: | 17 août 2005 |
Note: | |
Au milieu du XXIe siècle, dans un espace confiné, dit utopique, Lincoln Six-Echo décide d'aller dans le seul endroit encore libre du monde, The Island. Malheureusement, il découvre que toute sa vie est un mensonge et que l'on souhaite sa mort. Avec une jeune femme partageant sa cause, Jordan Two-Delta, il va fuire à ses risques et périls.
(Source Allociné)
Critique de Tootpadu
Auparavant, Michael Bay était pour nous un des pires réalisateurs hollywoodiens en activité. Pompeux, dépourvu du moindre sens du rythme et de la composition du cadre, il nous infligeait régulièrement des épopées interminables, de la malbouffe cinématographique qui se fait un plaisir d'insulter et d'agresser le spectateur. D'où notre immense appréhension avant d'aller voir sa nouvelle crotte potentielle, une occasion redoutée de sortir au bout de pratiquement trois heures de la salle avec un mal de crâne pas possible et les yeux esquintés.
Mais c'était sans compter avec les voies impénétrables du cinéma, c'était l'enterrement précoce d'un cinéaste qui semble enfin prêt à se racheter. Car ce spectacle futuriste, qui se dresse en même temps adroitement comme une glace à quelques dysfonctionnements de notre société de consommation, est indéniablement le meilleur film de Michael Bay à ce jour. Certes, en vue de ses autres aberrations esthétiques, ce compliment ne veut pas dire grand-chose. Mais rien qu'à partir de ses qualités propres, ce premier véritable film de Bay nous a agréablement interpellé.
Son premier point fort est la promotion de la curiosité, une démarche intelligente qui constitue une rupture flagrante avec l'arrogance machiste et plouc des ignominies comme Armageddon ou Pearl Harbor. En tant que donnée de départ, cette quête de réponses à nos interrogations existentielles ouvre la voie à un scénario relativement élaboré pour ce genre de film musclé. Bien entendu, on achoppe toujours sur quelques invraisemblances flagrantes, ces raccourcis paresseux qui permettent au récit d'avancer au détriment de la probabilité. Et la fin aurait été bien plus ingénieuse, si elle avait été placée au moment de la découverte de la sensualité et de la perte de l'innocence, au lieu de traîner encore pendant vingt minutes dans un conte héroïque, censé sauver le monde. Cependant, avec ses multiples bifurcations et ses personnages presque impatients d'évoluer, sans oublier une critique sociale facile mais efficace, le scénario sert de base solide au talent redoutable de Michael Bay.
A notre grande surprise, ce dernier, le maître du montage catastrophique et du style absolument creux, prouve pour la toute première fois qu'il est capable de façonner un divertissement aussi tonitruant qu'intelligent. Il serait alors de la mesquinerie pure et de la rancune exagérée de lui reprocher les quelques rechutes dans le nihilisme esthétique qui pointent occasionnellement leur vilain nez. Dans l'ensemble, The Island se montre formellement à la hauteur de ses ambitions. Bay n'y accède évidemment pas au stade du visionnaire, mais il réussit là où d'autres avant lui ont lamentablement échoué. La course poursuite sur l'autoroute rappelle ainsi, en infiniment plus spectaculaire et réaliste, la débauche d'effets spéciaux mal gérée dans Matrix Reloaded. De même, son recours aux jeux de lumière et aux couleurs complémentaires épousent parfaitement le cadre futuriste de l'histoire. Les emprunts à des films plus novateurs (THX 1138 de son ami George Lucas, pour commencer) démontrent par contre les limites de l'imagination du réalisateur, qui se profile ici pour la première fois comme un styliste doué.
L'échec commercial, tout au moins aux Etats-Unis, de cette première production Bay sans Jerry Bruckheimer ne peut se lire que comme une preuve supplémentaire des goûts bornés du public américain. Un peu comme l'immense Alexandre d'Oliver Stone, qui a lui aussi été conspué par les Américains, The Island est une oeuvre brute et perfectible, mais qui dispose de suffisamment de courage créatrice pour assumer ses choix. Enfin, c'est l'explication fortement idéalisée, puisque les producteurs et Michael Bay, suivant là encore le raisonnement peu glorieux de Stone, n'arrêtent pas de chercher des coupables pour la défaite cuisante au box-office américain de ce divertissement intelligent de haut vol.
Vu le 22 août 2005, à l'UGC George V, Salle 2, en VO
Note de Tootpadu: