Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?

Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?
Titre original:Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?
Réalisateur:Philippe De Chauveron
Sortie:Cinéma
Durée:97 minutes
Date:16 avril 2014
Note:

Issus de la grande bourgeoisie provinciale, Claude et Marie Verneuil ont élevé leurs quatre filles selon des règles chrétiennes et républicaines. Elles ont pris à cœur la leçon, puisque les trois premières se sont respectivement mariées avec des Français d’origine arabe, juive et chinoise. Tous les espoirs des parents de voir au moins l’une de leurs filles se marier à l’église reposent désormais sur Laure, qui a déjà trouvé un fiancé catholique. Ce qu’elle a omis de révéler à Claude et Marie, c’est que la famille de Charles vient de la Côte d’Ivoire et qu’elle a autant de réserves face à ce mariage que les Verneuil.

Critique de Tootpadu

Nous sommes toujours remplis d’appréhension face aux comédies françaises populaires, qui remportent un succès démesuré auprès du public. Peut-être cette attitude circonspecte est-elle basée sur des questions de culture, puisque l’humour à la française, véhiculé par des comiques comme Dany Boon et Franck Dubosc, nous laisse généralement de marbre. Ou bien est-ce simplement notre snobisme de cinéphile sérieux qui s’exprime à travers notre aversion face aux blockbusters locaux, presque exclusivement du genre comique ? En tout cas, même si le sujet de ce nouveau phénomène du box-office nous intriguait, nous n’avions guère l’espoir de passer un bon moment en sa compagnie, ne serait-ce qu’à cause des antécédents navrants du réalisateur Philippe De Chauveron. Contre toute attente, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? remplit pourtant pleinement le contrat d’un divertissement léger, sur un sujet important, certes, mais sans chercher à faire évoluer les mentalités autrement qu’en douceur.

D’ailleurs, si la tolérance et l’ouverture d’esprit sont écrites sans équivoque sur l’étendard de ce film plaisant, il ne fait pas pour autant preuve d’un progressisme téméraire. L’histoire d’un mariage mixte qui met à rude épreuve la cohésion d’une famille des plus respectables nous rappelle forcément la trame de Devine qui vient dîner … de Stanley Kramer, un film produit il y a près d’un demi-siècle dans un contexte américain aux traditions sociales infiniment plus sectaires qu’en France. Si les créateurs de ce film-ci avaient réellement voulu jouer la carte du reflet d’une société aux mœurs en pleine évolution, ils auraient par exemple pu faire épouser la dernière des filles Verneuil une femme africaine, afin d’ébranler sans la moindre frilosité les fondements de la tradition familiale. Pour mieux préserver l’optimisme sans borne qui irradie le ton du film, il n’en est bien sûr rien, tout comme les rares obstacles au bonheur sont balayés avec une désinvolture parfois trop expéditive.

Car si cette comédie inoffensive peut rêver à dépasser les dix millions de spectateurs en salle, ce qui n’est désormais plus qu’une question de semaines, voire de jours, c’est aussi parce qu’elle sait faire siens les dispositifs élémentaires du théâtre de boulevard. Le récit avance ainsi à tout-va, sans temps mort, mais sans moment de réflexion non plus, qui pourrait soulever l’épineuse question du racisme, hélas encore présent dans certaines souches de la société française. A l’heure où l’extrême droite tient en haleine la vie politique française, le succès retentissant de ce pamphlet filmique pourrait être compris comme un pied de nez à toutes les formes d’intégrisme et d’intolérance. Sauf que l’angle d’attaque de la narration est si gentiment consensuel et que les clichés qui fusent de tout part sont si exsangues que ce film s’emploie davantage à confirmer les idées reçues, aussi peu agressives soient-elles, qu’à mettre une société toute entière face à ses responsabilités dans un monde qui évolue à toute vitesse, que la vieille France le veuille ou pas.

 

Vu le 11 juin 2014, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 23

Note de Tootpadu: