Her

Her
Titre original:Her
Réalisateur:Spike Jonze
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:19 mars 2014
Note:

Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…

Critique de Noodles

     Il aura fallu attendre pas moins de cinq années pour assister au retour de Spike Jonze dans nos salles obscures. En 2009, ce cinéaste qui aime prendre son temps entre chacun de ses longs métrages semblait avoir pris un nouveau tournant avec Max et les Maximonstres. En effet, l’univers d’apparence enfantine développé dans cette œuvre laissait présager une sorte d’éloignement avec les précédents Dans la peau de John Malkovitch (1999) et Adaptation (2003). Au contraire, Her nous rappelle ces films issus de sa collaboration avec le scénariste Charlie Kaufman.

C’est dans un Los Angeles futuriste, bien plus proche d’une mégapole japonaise que de l’actuelle ville californienne, que le personnage principal est contraint d’affronter seul un divorce difficile. Alors que la technologie galopante continue son travail de destruction de toute communication directe et chaleureuse entre les individus, c’est justement auprès d’elle que Theodore trouve du réconfort : l’OS, un programme en constante évolution doté de la tendre voix de Scarlett Johansson, va vite s’avérer être l’amie et l’amante parfaite. De nombreuses scènes du film se contentent de montrer Joaquin Phoenix filmé en plan serré, conversant tendrement avec sa bien-aimée virtuelle via une oreillette, en nous laissant apprécier un jeu d’acteur remarquablement maitrisé.

Chose surprenante, Her est entièrement empreint d’une réelle douceur à la fois dans son traitement narratif et dans le montage, mais également dans son traitement esthétique. A ce titre, on ne peut que féliciter le merveilleux travail effectué par le directeur de la photographie Hoy Van Hoytema, grâce à qui le film bénéficie d’une forte identité visuelle. Quant à la réalisation, elle sait parfois faire preuve d’une plaisante audace. C’est le cas par exemple lors de la scène de sexe virtuel à laquelle s’adonnent Theodore et l’OS Samantha, qui expriment bruyamment leur plaisir alors que les spectateurs sont confrontés à un écran entièrement noir.

Her s’amuse du mythe de l’amour parfait, et nous pousse à nous questionner sur le rapport entre la technologie et de possibles sentiments. A bien des égards, un tel sujet rapproche le film de la série d’anticipation Black Mirror (créée par Charlie Brooker), qui nous laisse découvrir une société façonnée par les dérives de nos technologies actuelles. Pourtant, l’objectif de Her n’est certainement pas de blâmer complètement la relation quelque peu malsaine qu’entretien Theodor avec le personnage virtuel qu’est Samantha. La réflexion à laquelle nous invite le film est bien plus complexe que cela, et ne saurait en aucun cas sombrer dans le pessimisme.

Finalement, Her est une œuvre mélancolique et emplie de nostalgie, tout comme l’excellente bande son composée par Arcade Fire. Il s’agit surtout d’un film d’une rare intelligence, qui prouve une bonne fois pour toutes que Spike Jonze est un réalisateur incontournable du cinéma actuel. Espérons simplement que nous n’aurons pas à attendre aussi longtemps avant qu’il ne nous livre un nouveau bijou.

 

Vu le 13 Mars 2014, au Club Marbeuf.

Note de Noodles:

Critique de Mulder

A ma ville préférée, à la Cité des anges…

 “This is me trying to make sense of this insane experience of being alive” Spike Jonze

Très rares sont les films qui m’affectent et m’émeuvent aussi profondément non pas que certains drames ou comédies dramatiques ne me touchent pas mais ils sont très rares à être aussi forts. Je dois remonter au film de Gus Van Sant Will Hunting pour ressentir cette même émotion profonde et sincère. Le réalisateur et scénariste  Spike Jonze signe ici son deuxième scénario et les nombreuses récompenses que celui-ci a remportées sont amplement méritées (dont Oscar du Meilleur scénario original 2014). La filmographie de Spike Jonze lui a permis depuis plus de quinze ans d’aborder aussi la comédie fantastique Dans la peau de John Malkovich (1999), la comédie pessimiste (2003), le conte fantastique Max et les maximonstres (2009). La thématique du film Her est celle de l’intelligence artificielle supra développée et de sa connexion à l’être humain. Ce sujet aurait pu donner une comédie débridée et sans profondeur mais l’apport de Spike Jonze comme scénariste et réalisateur permet de savourer un drame futuriste magnifique de sobriété.

Chaque plan du film témoigne de l’attachement du scénariste/réalisateur à un sujet qui le passionne. Le long cheminement d’une dizaine d’années qui lui aura permis de concrétiser son film est palpable à l’écran.  A une époque dans laquelle notre technologie ne cesse d’évoluer et que des sociétés comme Apple dotent leur téléphone d’une intelligence artificielle balbutiante comme le système Siri, ce film repose sur une évolution tangible de l’informatique. En découvrant, ce magnifique et très émouvant film il est impossible de ne pas se rappeler des films devenus des classiques tel 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968) et la voix de l’ordinateur de bord HAL 9000 (Heuristically programmed ALgorithmic Computer). Le réalisateur aborde cette thématique de l’intelligence artificielle par le prisme d’une histoire romantique d’ un homme en instance de divorce. La voix cette A.I en version originale est celle de la comédienne Scarlett Johansson. Le choix du réalisateur pour ce personnage est excellent car la voix chaude et langoureuse de la comédienne fascine autant le personnage principal que les spectateurs. A cela, le casting permet au réalisateur de s’entourer de son cercle d’amis pour d’autres voix d’A.I (Kristen Wiig, Bill Hader) et de comédiens aguerris (Joaquin Phoenix, Amy Adams, Rooney Mara, Olivia Wilde, Chris Pratt).

Le film donne à réfléchir via cette intelligence artificielle sur ce qu’est réellement la notion d’humanité, à savoir si nous sommes uniquement une enveloppe corporelle ou une âme prisonniere d’un corps que nous n’avons pas pu choisir. En donnant à son personnage principal un travail de concepteur de lettres pour des personnes n’arrivant pas à s’exprimer, c’est le thème de cette création qui en ressort. Impossible donc de ne pas faire le parallèle entre la créature créée par l’homme telle Frankenstein et celui d’un Dieu envers ses créatures humaines. Les nombreux degrés de lecture de ce film en font l’un des plus intelligents, fouillés que j’ai pu découvrir depuis trop longtemps au cinéma. Ce film n’est pas qu’un divertissement car il amène à de nombreuses réflexions. Spike Jonze ne cherche pas à satisfaire l’attente cinématographique des spectateurs mais plutôt à les amener à voir le monde sous un autre angle. C’est en cela aussi que son film est une réussite exemplaire.

Dans un cinéma hollywoodien prisonnier du modèle économique visant la réussite commerciale certaines fois au détriment de l’originalité et de la créativité, Her a tout du film culte d’une génération ayant du mal à communiquer en direct et sans utiliser les moyens modernes de télécommunication (internet, téléphone cellulaire.). Tel l’A.I Samantha, Spike Jonze créé un nouveau cinéma intelligent, sensible et généreux. Il est impossible de ne pas voir dans ce film l’échec d’une génération ayant perdu ses repères moraux. Cette histoire universelle traitant d’un amour impossible est un pur chef d’œuvre aussi bien sur la forme que sur le fond. Il s’en dégage  une euphorisante mélancolie.

Ce film  est-il simplement de la science-fiction ou plutôt de l’anticipation de nos progrès actuel ? Seul notre avenir nous le dira mais en tout cas, Her marque une date et ouvre une nouvelle voie dans le cinéma américain, celle d’un cinéma de science-fiction guère éloigné de notre réalité… Un acte de foi d’un réalisateur surdoué qui nous marquera à jamais…

Vu le 10 avril 2014 au Pathe Beaugrenelle, Salle 09, place G8, en VO

Note de Mulder: