Titre original: | Diplomatie |
Réalisateur: | Volker Schlöndorff |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 84 minutes |
Date: | 05 mars 2014 |
Note: |
Fin août 1944, les forces alliées sont aux portes de Paris. Nommé fraîchement en tant que commandant de la ville occupée, le général allemand von Choltitz a pour ordre de détruire tous les monuments importants avant de se rendre à l’ennemi. Un ordre qu’il compte bien exécuter sans broncher. Alors que les charges explosives sont déjà en place et que von Choltitz attend les dernières directives de Berlin, le consul suédois Nordling s’introduit discrètement dans son bureau à l’hôtel Meurice. Le diplomate a priori neutre espère faire changer l’officier d’avis sur cette question cruciale pour la survie culturelle et humaine de la capitale française.
Nous passons parfois à pied devant la cathédrale de Notre-Dame, afin de rejoindre au plus vite les salles obscures de la rive gauche parisienne. Sur notre chemin, nous avons tendance à nous énerver contre les nombreux touristes qui nous bloquent le passage, plutôt que de nous émerveiller avec eux devant l’édifice presque millénaire. Et pourtant, il a fallu de très peu à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le visage de notre ville adoptive perde de sa superbe, voire qu’elle devienne un champ de ruines sur lequel l’union européenne n’aurait jamais pu se construire. Le nouveau film de Volker Schlöndorff revient sur cette nuit fatidique où tout a failli basculer à travers un magnifique huis-clos, qui mélange très adroitement la fiction et la réalité historique, l’anecdote et des enjeux énormes.
En effet, la confrontation à fleurets mouchetés entre deux vieux loups des relations internationales qui est au centre de Diplomatie n’a jamais eu lieu. Le général von Choltitz et le consul Nordling se connaissaient, bien sûr, mais ils ne se sont jamais livrés à un marchandage nocturne à l’issue incertaine jusqu’à la fin, tel qu’il est décrit dans ce film passionnant. C’est donc à une sorte d’hypothèse dans un univers historique parallèle que s’emploie le récit. On peut apparenter cette façon de recréer librement l’Histoire à une relecture par le biais de la fiction d’un moment hautement tendu, où le chaos destructeur menaçait de se déchaîner pour cause d’entêtement idéologique et non pas en faveur d’un quelconque avantage stratégique.
Les deux adversaires, interprétés superbement par Niels Arestrup et André Dussollier, représentent dans ce contexte littéralement explosif des conceptions diamétralement opposées sur pratiquement tout, si ce n’est leur reconnaissance mutuelle qu’ils ne sont que des pions sur cet échiquier politique qui les dépasse largement. Tandis que le militaire souscrit encore à un code d’honneur et une fidélité aveugle aux ordres qui allaient perdre de plus en plus de leur influence dans l’après-guerre et au fil de l’évolution sociale qui a eu lieu depuis, le diplomate opère déjà en tant qu’agent peu scrupuleux d’une vision plus nuancée du monde et des avantages que l’on peut en tirer pour soi-même ou dans un but plus altruiste. Derrière son apparence d’homme raffiné et inoffensif, Nordling est l’archétype parfait de ces bureaucrates humanistes qui parlent beaucoup, mais qui préfèrent laisser les décisions épineuses aux autres.
Entre ces deux extrêmes aux ambiguïtés flagrantes, la narration a l’intelligence de ne jamais clairement choisir son camp. Alors que le suspense factice de la destruction de Paris est étonnamment efficace, la petite guerre malicieuse entre les deux personnages principaux est carrément fascinante. Puisque la balance entre la part d’ombre et de lumière tangue successivement en faveur de von Choltitz ou de Nordling, le film nous rappelle avec une vigueur et une rare élégance cinématographiques à quel point ce sont des choix solitaires et instantanés qui décident souvent sur le sort de l’humanité toute entière.
Vu le 28 janvier 2014, au Gaumont Ambassade, Salle 3
Note de Tootpadu:
Trop souvent les films adaptés de pièces de théâtre à succès déçoivent car ils ne sont que de simples transpositions sans aucune modification . On se retrouve ainsi face à une mise en scène trop statique, pratiquement sans vie et sans réel apport. La force du théâtre est l’interactivité entre des comédiens jouant devant un public difficile une pièce et celui-ci. Comme ce fut le cas avec le film d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte Le Prénom (2012), le film Diplomatie retient tout à fait notre attention et profite non seulement d’un texte parfaitement ciselé mais surtout d’une vraie mise en scène de cinéma.
Le réalisateur Volker Schlöndorff (Palme d’or au Festival de Cannes et Oscar du meilleur film en langue étrangère pour le film Le Tambour) semble avoir pris un véritable plaisir à co-scénariser et revisiter avec l’auteur de la pièce Cyril Gely cette histoire. Le réalisateur retrouve ainsi dans les deux rôles principaux les deux immenses comédiens André Dussollier et Niels Arestrup qui avaient déjà interprété la pièce de théâtre dont ce film en est l’adaptation.
Basé sur des faits réels racontant les différents échanges qui ont eu lieu avant la fin de la seconde guerre mondiale entre le consul suédois Raoul Nordling et le Général von Choltitz, l’auteur Cyril Gely en a tiré une pièce de théâtre ayant connu un très grand succès. Volker Schlöndorff en a fait un film dans le sens que sa mise en scène colle parfaitement à un univers cinématographique se déroulant dans un cadre restreint. Le film se passe donc exclusivement dans le bureau du général Général Von Choltitz, Gouverneur du Grand Paris. C’est donc une longue discussion entre deux personnages sur le sort de Paris.
Autant on savait que Niels Arestrup par ses choix de films non commerciaux était un très grand comédien autant nous sommes surpris par le comédien André Dussollier plus habitué à apparaître dans des films dits commerciaux et dans lesquels son immense talent n’était guère souligné. Plus à l’aise sur les planches pour interpréter des rôles conséquents, ce comédien ne semblait interpréter ses rôles au cinéma avec une logique alimentaire. C’est donc avec un immense plaisir que nous le découvrons dans l’un de ses meilleurs rôles depuis trop longtemps. L’alchimie qui se créé aussi bien entre les deux personnages que les deux comédiens donne à ce film le cachet d’une véritable leçon de cinéma. On oublie ainsi grâce à l’admirable mise en scène de Volker Schlöndorff qu’il s’agit d’une adaptation d’une pièce de théâtre. Ce huit clos s’impose comme une réussite exemplaire et nous interpelle aussi bien par cette tension palpable que par ses documents d’archives parfaitement utilisés pour renforcer ses propos.
Vu le 27 février 2014 au Siège Gaumont Neuilly Sur Seine
Note de Mulder: