American Bluff

American Bluff
Titre original:American Bluff
Réalisateur:David O. Russell
Sortie:Cinéma
Durée:137 minutes
Date:05 février 2014
Note:

Entre fiction et réalité, AMERICAN BLUFF nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui ait secoué l’Amérique dans les années 70. 

Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito. Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, pourrait bien tous les conduire à leur perte…

Critique de Mulder

“Some of this actually happened”

En mars prochain deux films vont clairement s’opposer lors de la 86ème cérémonie des Oscar. En effet, le film d’ Alfonso Cuarón Gravity et American Bluff sont les deux films les plus nommés dans dix catégories. American bluff inspiré d’une histoire vraie raconte comment un escroc a été engagé à la fin des années 70 par le FBI pour monter une opération permettant d’incriminer des politiciens corrompus. Sur ce canevas pourtant classique David O. Russell témoigne une nouvelle fois qu’il n ‘est pas seulement l’un des meilleurs (co)scénaristes actuels mais également un réalisateur digne des plus grands tel Martin Scorsese dont l’ombre plane sur ce film.

En pratiquement dix-neuf ans (1994-2013), David O. Russell n’a réalisé que sept films. Après avoir présenté son premier film en 1994 (Spanking The monkey) dans différents festivals et réalisé quatre films en dix ans (Flirter avec les embrouilles (1996), Les Rois du désert (1999), J'adore Huckabees (2004)) il décide de prendre une pause de six années afin de revoir complètement sa manière de travailler et surtout de concevoir ses films. Ce n’est qu’en 2010 que celui-ci revient à la mise en scène par l’excellent film Fighter, son troisième film avec Mark Wahlberg. Ce film lui permet également de travailler avec Christian Bale et Amy Adams. Il rapporte deux Oscar lors de la 83ème  Cérémonie (meilleur acteur dans un second rôle (Christian Bale) et meilleure actrice dans un second rôle (Melissa Léo)). Christian Bale complètement métamorphosé s’impose dès la première scène dans l’un de ses meilleurs rôles. Il perd ainsi vingt kilos et prend pour l’occasion l’accent de Boston pour rendre encore plus crédible son personnage. De nouveau le réalisateur retrouve pour son septième film Christian Bale et Amy Adams et collabore pour la seconde fois également avec  Bradley Cooper, Jennifer Lawrence et Robert De Niro (dans un caméo remarquable). David O. Russell témoigne dans son nouveau film d’un don réel pour sublimer le talent des acteurs qu’il dirige. Les trois Golden Globe remportés ce mois-ci ne sont pas usurpés : meilleur film musical ou comédie, meilleure actrice dans une comédie (Amy Adams) et meilleure actrice dans un second rôle (Jennifer Lawrence).

American Bluff témoigne une nouvelle fois du fait qu’un scénario solide et parfaitement maîtrisé permet d’attirer d’excellents comédiens plutôt habitués à des rôles dans des Blockbusters à gros budget. Après avoir signé le brillant scénario du thriller de Tom Tykwer L'Enquête - The International (2009), Eric singer co-signe le scénario du nouveau film de David O. Russell. Ce dernier a réécrit en partie ce scénario car les principaux personnages manquaient d’épaisseur selon ses dires. Le souci des détails se ressent aussi bien dans les  costumes des acteurs mais aussi par la musique du film permettant aux spectateurs de se replonger dans les seventies. A ce titre, la première scène du film montrant l’acteur Christian Bale chauve en partie collant sur sa tête des cheveux et montrant ses nombreux kilos en trop donne le ton.

Rare sont les films ou chacun des rôles principaux et secondaires sont si bien campés et mis en valeur. Que cela soit l’impressionnant (et habituel) jeu d’acteur de Christian Bale ou ceux de Bradley Cooper, Amy Adam, Jeremy Renner ou encore Jennifer Lawrence, le film constitue à lui seul un panel complet d’acteurs en parfait osmose avec leur réalisateur. Après avoir déjà joué ensemble dans le précédent film de David O. Russell Happiness Therapy (2012), Jennifer Lawrence montre une nouvelle fois une prestation parfaite dans un rôle difficile et loin de son personnage de Katniss Everdeen dans la trilogie Hunger games.

Ce film permet également une nouvelle fois au réalisateur de traiter de thèmes qui lui sont propres. Que cela soit le thème de la rédemption, de la volonté d’avancer ou encore une ambition démesurée, le réalisateur projette dans son nouveau film tout son talent quitte à faire de ces personnages des anti-héros. On sent bien que le réalisateur a un réel besoin de reconnaissance et que son film est pour lui un moyen de témoigner du fait qu’il a compris les erreurs de ses premiers films. En soignant aussi bien la forme que le fond, son film est le plus beau des hommages au cinéma des années 70 où seuls comptaient réellement la qualité du scénario, l’investissement des acteurs dans leurs rôles et une réalisation parfaite. Cette volonté de commencer son film à la moitié du récit afin de revenir sur les évènements précédents pendant la moitié du long métrage pour ensuite aller de l’avant est également un pari risqué mais remporté de main de maître. Le réalisateur semble donc nous apporter sa propre version de l’American way of Dream. Son film dépasse ainsi le simple cadre du divertissement et s’’impose comme une démonstration de certaines personnes nées avec des mauvaises cartes en main et voulant avancer coûte que coûte dans leur vie.

Enfin, le film s’apparente à regarder de plus près à une véritable partie d’échecs où chacun des joueurs essaye de placer ses pions pour rester dans la course. Que ce soit l’agent du FBI Richie DiMaso, l’escroc Irving Rosenfeld ou encore l’ex-femme de celui-ci, chacun essaye d’avancer socialement afin d’améliorer sa vie et lutter contre la fatalité. On ne peut alors qu’applaudir ce grand réalisateur capable de nous délivrer non seulement un divertissement de haute qualité mais surtout une leçon de cinéma que l’on n’est pas prêt d’oublier..

Sans contexte, l’un des meilleurs films de cette année.

Vu le 15 janvier 2014  à la salle Royal Monceau en VO

Note de Mulder: