
Titre original: | Savages |
Réalisateur: | Oliver Stone |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 131 minutes |
Date: | 26 septembre 2012 |
Note: | |
Ophelia aime simultanément les deux amis Ben, le doux, et Chon, le fougueux. Ensemble, le botaniste et le vétéran de guerre ont monté l’affaire lucrative d’une culture de cannabis. Grâce à la qualité supérieure de leur produit, ils mènent la belle vie à trois dans leur maison luxueuse à Laguna Beach. Leur bonheur n’est pas fait pour durer, puisque le cartel mexicain de la redoutable Elena compte profiter de gré ou de force de leur savoir faire, afin de les éclipser du marché très concurrentiel de la drogue. Quand Ben et Chon refusent de participer à cette association imposée, la baronne du crime organisé fait enlever Ophelia par son homme de main cruel Lado.
Critique de Tootpadu
A cause de ses gènes de militant, Oliver Stone est dans l’impossibilité de faire un simple divertissement, sans la moindre ambition de critiquer le dysfonctionnement de notre civilisation. Son engagement en faveur d’une vision contestataire des choses s’est articulé dans le passé soit à travers des films au message ouvertement politique, comme JFK et Nixon, soit par le biais de documentaires qui idéalisent a priori l’esprit révolutionnaire de hier et d’aujourd’hui en Amérique latine. Le monde parallèle des marchands de drogue à grande échelle ne pouvait donc pas échapper à son rouleau compresseur de bonnes intentions avec un relent de contre-culture, qui voit partout la perte de l’innocence par la faute de l’argent et du pouvoir.
En toute logique, le seul personnage dans Savages appelé à accomplir une transformation digne de ce nom est Ben, l’activiste humanitaire qui devient un assassin d’abord hésitant, mais néanmoins déterminé. Or, même ce cheminement vers la perversion de l’âme suit une route caricaturale, à l’image des autres personnages qui sont essentiellement des stéréotypes plus ou moins grandiloquents. Le style filmique toujours aussi lourd d’Oliver Stone n’empêche cependant pas autant le récit à prendre de l’ampleur, que l’éparpillement narratif persistant. Celui-ci ignore comment rendre organique une histoire avec beaucoup de points isolés hauts en couleur, mais sans fil rouge en mesure de maintenir une tension à peu près cohérente.
Dans ce désordre formel manifeste, quelques personnages auxiliaires ont ainsi tendance à tirer la couverture à eux, ce qui ne s’avère pas toujours bénéfique pour un film avec un potentiel considérable, exécuté un peu n’importe comment. Les plus éclatants et jouissifs d’entre eux se trouvent du côté des interprétations ébouriffantes de Salma Hayek et John Travolta, tandis que le pauvre Benicio Del Toro campe une fois de plus un truand malpropre. Quant au trio de protagonistes, qui était initialement censé être au centre de notre inquiétude, sa fadeur est pour beaucoup dans le manichéisme bancal de ce film fâcheusement inégal.
Vu le 8 septembre 2012, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Oliver Stone est un réalisateur à part dans le paysage hollywoodien. Ses films sont comme des témoignages d’une époque décadente (W L’Improbable président, World trade center, JFK) ou des pamphlets anti-guerre (Platoon, Né un 4 juillet, Entre ciel et terre). Chacun de ses films dresse tel un sujet de reportage d’un grand journaliste qu’il est à part entière, un constat d’une époque en crise économique (Wall Street), politique ou culturelle. Ce n’est donc pas un hasard qu’entre deux documentaires (South of the border et Castro in winter) que Oliver Stone prend une sorte de pause culturelle pour répondre à deux commandes de studios, une suite ratée d’un film très réussi Wall Street L'Argent ne dort jamais et Savages. Ce dernier, nous avons eu l’occasion de le découvrir en avant-première au festival du cinéma américain de Deauville. Belle réussite qu’est ce film par son sujet très bien traité, son casting monstrueux et surtout une fin des plus originales possibles.
En Californie, à Laguna Beach, deux frères d’armes, Ben (Aaron Taylor-Johnson) botaniste et grand voyageur et Chon (Taylor Kitsch) sont inséparables, y compris dans l’amour mutuel qui les lie avec O (Black Lively). Leurs affaires florissantes liées à des graines ramenées par Chon leur ont permis de proposer le meilleur cannabis possible. Même si celui-ci est produit pour des raisons légales (thérapeutiques), ils profitent de leur production pour les vendre à plus grande échelle. Ils travaillent ainsi en collaboration étroite avec un agent des stups (John Travolta). Malgré tout, leur succès ne leur portera pas bonheur, car il attirera l’attention d’un cartel mexicain de Baja dirigé par Elena (Salma Hayek). Face à leur refus de rapprochement avec ce cartel, O est enlevée et la guerre est donc déclarée.
Contrairement à ses derniers films, le scénario est très bien construit et très prenant. Impossible de relâcher son attention tout au long de ses cent-trente minutes sans aucun temps mort. Oliver Stone, maîtrise totalement son sujet et nous livre une histoire à la croisière de True romance et d’un polar tel Heat. Violent, hargneux, sensuel tels sont les adjectifs que l’on pourrait utiliser pour décrire ce grand cru. Tirant le meilleur de son casting, Oliver Stone nous livre un film puissant aux poussées lyriques très nombreuses. L’humour omniprésent permet de réduire l’impact de la violence de certaines scènes et de nous attacher à des personnages suffisamment construits pour prendre vie devant nous. Oliver Stone, scénariste devenu réalisateur, nous surprend donc et livre enfin le film que son public attendait de lui depuis le choc que fut pour certains Alexandre (cf. la critique de Tootpadu).
Ce film a divisé une nouvelle fois notre rédaction, car le regard que nous portons sur ce même film ne repose pas sur la même approche. Loin de nous délivrer un film que l’on pourrait qualifier de trip hallucinogène à la manière d’un Terrence Malick capable de passer dix minutes à nous filmer une campagne de manière magistrale mais hors contexte, Oliver Stone nous fait rentrer de plein fouet dans l’action du film. Certes, ce film est commercial et par moments racoleur, mais sa profondeur nous capte de la première scène à la dernière. La mer est donc omniprésente du début à la fin, comme un symbole de vie paisible retrouvée dans un monde chaotique où règne la loi du plus fort, voire du plus malin.
Vu le 8 septembre 2012, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO
Note de Mulder: