Detachment

Detachment
Titre original:Detachment
Réalisateur:Tony Kaye
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:01 février 2012
Note:
Le professeur remplaçant Henry Barthes entame une mission d’un mois dans un lycée de la banlieue défavorisée de New York. Alors qu’il s’applique à maintenir l’ordre parmi ses élèves adolescents qui ne respectent rien, ni personne, sa vie privée, jusque là rythmée par les visites chez son vieux grand-père, va se compliquer, suite à sa rencontre avec Erica, une jeune prostituée.

Critique de Tootpadu

Devenir prof de nos jours est plus que jamais une vocation. Que ce soit aux Etats-Unis ou en France, les fonctionnaires de l’enseignement public sont le plus souvent mal payés et doivent se coltiner à longueur de journée des jeunes qui n’ont plus de discipline, de rêve, et d’ambition. Le premier film grand public de Tony Kaye depuis American history X tente de transmettre la frustration quotidienne des professeurs par des images filmiques, qui savent faire une croix sur la guimauve volontariste qui caractérise normalement les drames scolaires. L’arrivée du substitut dans le lycée en perte de vitesse de Detachment n’est ainsi point le déclencheur d’une prise de conscience salutaire de la part de ses pauvres élèves sans avenir. L’intrusion passagère d’un homme, à la fois d’une lucidité déchirante quant à l’état délabré du système et en mesure d’être à l’écoute de ceux qui sollicitent encore son aide, sert plutôt de révélateur à tout ce qui ne va plus dans le monde de l’éducation.
A l’opposé d’un film aussi sympathique et éloigné de la réalité qu’Ecrire pour exister de Richard LaGravenese, le regard sur les conditions de travail des professeurs n’autorise ici aucune lueur d’espoir. Les professions de foi relativement idéalistes des vrais enseignants qui ouvrent le film, et qui sont en quelque sort reprises ensuite par la confession intime du personnage principal, devront rapidement s’éclipser au profit d’une représentation réaliste de l’école qui fait littéralement peur. Le lycée où Henry Barthes fait escale est en pleine ligne de mire de la jungle urbaine, dont les deux faces complémentaires sont les adolescents provocateurs et violents et l’administration qui ne trouve pas la formule magique pour transformer un secteur à problèmes en un établissement exemplaire. Même l’action aussi bien intentionnée, quoique limitée dans le temps pour ne pas finir comme ses collègues émotionnellement épuisés, du protagoniste ne pourra porter ses fruits dans un environnement laissé à l’abandon par tous les participants.
Ce n’est pas tant la seule touche à peu près constructive qui atténue l’impact de ce film engagé, ni les deux actions parallèles de la jeune prostituée recueillie et du grand-père qui n’a plus toute sa tête, d’ailleurs le motif récurrent par excellence de ce festival de Deauville. La mise en scène a en effet eu l’idée pas entièrement concluante d’expliquer le mal de vivre de ce prof remarquablement sincère par un événement traumatisant de son enfance, qui refait bien trop régulièrement surface, sous forme de souvenirs partiels tournés en super 8, pour ne pas perturber l’harmonie et la vigueur du récit. La même observation vaut pour les autres dispositifs formels assez encombrants, qui renforcent certes le ton ironique de l’ensemble, mais qui affaiblissent en même temps le lien étroit qu’il entretient avec la réalité désespérante du champ de bataille sociale dans les salles de cours.

Vu le 9 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Couvrir un festival permet de découvrir des films qui ne sortiront peut-être jamais en salles, des films d'auteur, et des premiers films de jeune réalisateurs. Cela permet surtout de sortir du carcan du cinéma commercial pour retrouver un cinéma sans fard, un cinéma vérité. Notre société actuelle prône l'individualisme, la réussite à tout prix, l'exploitation de l'homme par l'homme, le fait que les moins méritants sont de plus en plus les mieux rémunérés, contrairement à ceux qui s'investissant totalement sans aucune reconnaissance. Par conséquent, notre société est en pleine crise économique, sociale et psychologique. Face à ce monde en chute libre et en perte de repères éthiques, il faut se détacher de ce monde imparfait pour garder son âme pure et ses valeurs.

Le professeur de ce film est un homme qui s'est détaché des autres et qui vit dans son propre monde. Son père est en phase terminale dans un hôpital et sa meilleure amie qu'il a recueillie est une jeune adolescente ayant dû vendre son corps pour survivre. Triste constat d'une Amérique post-11 septembre 2001, qui a perdu ses repères, ses valeurs et dont le pessimisme profond s'enraciner dans les quartiers les plus défavorisés.

Le réalisateur d’American history X bénéficie pour son film de l'appui de stars mondiales réputées, tels Adrien Brody et William Petersen. Le plaisir que prennent ces acteurs à jouer sur un scénario solide et racé sans fioriture se voit à l'écran et reflète le pessimisme de notre société, enracinée dans une crise économique et sociale.

Le métier de professeur montré dans ce film témoigne de la difficulté que ceux-ci ont à obtenir le respect d'une jeunesse sans repère parental et moral. Cela rejoint ainsi la description faites dans le film Esprits rebelles. Ce film très réussi montre que le cinéma américain indépendant est un cinéma de liberté d'expression sans aucune concession.

Vu le 9 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: