Terri

Terri
Titre original:Terri
Réalisateur:Azazel Jacobs
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:08 août 2012
Note:
Terri n’a pas d’amis. Il vit seul avec son oncle, atteint de phases d’amnésie sévère. Terri cherche à ne pas faire de vagues, pour éviter que ses camarades de classe l’agressent par leurs remarques désobligeantes sur sa corpulence impressionnante, à cause de laquelle il porte des pyjamas à l’école. Un jour, il doit comparaître devant le proviseur adjoint, monsieur Fitzgerald, à cause de ses retards répétitifs. Ce conseiller pédagogique croit voir en Terri un jeune perturbé, qu’il souhaite prendre sous son aile par le biais d’une série d’entretiens informels tous les lundis matins.

Critique de Tootpadu

Encore des vieux gâteux, encore des jeunes dont la corpulence invite forcément à la raillerie et au regard complexé sur soi-même, et encore un lycée où l’exclusion est la règle : les éléments récurrents des films montrés jusqu’à présent en compétition de ce festival de Deauville se sont visiblement donnés rendez-vous dans Terri. Et pourtant, nous tenons là (enfin !) le premier film entièrement sympathique d’une sélection guère exceptionnelle pour le moment. La raison pour laquelle le film de Azazel Jacobs fait chaud au cœur n’est pas un éventuel chantage sentimental, qui s’éterniserait en gestes factices d’apitoiement sur le sort de ce pauvre gamin, regroupé avec les cas sociaux et autres handicapés physiques en mal d’intégration à cause de son surpoids notoire. Non, dans le domaine de la guimauve manipulatrice de mauvaise qualité, nous avons déjà eu notre dose festivalière grâce à Yelling to the sky de Victoria Mahoney. L’accomplissement principal de ce film touchant est plutôt de savoir progresser délicatement depuis une situation de départ contraignante, voire désagréable, pour aboutir après maintes bizarreries à un semblant de normalité, qui n’a point trahi le caractère particulier du protagoniste.
Terri a beau avoir une poitrine qui le fait rivaliser avec les plus grosses paires de seins du lycée et un tour de taille digne d’un hippopotame, il n’est pas pour autant un monstre. Sa personnalité est au contraire excessivement sensible à toute forme de discrimination, ce qui l’a incité à vivre comme un solitaire, à l’écart de tous ceux qui ne perçoivent pas en dessous des kilos de graisse en trop un individu capable de ressentir les choses comme les personnes aux attributs physiques ordinaires. Cette lucidité des sentiments, d’ailleurs souvent à fleur de peau, ne le préserve pas toujours de quelques rares erreurs de jugement. Celles-ci peuvent surgir tels les vestiges d’une innocence enfantine a priori perdue à jamais, chaque fois que cet adolescent meurtri ose baisser la garde. Or, le récit s’emploie justement à percer la carapace de ce personnage plus intelligent qu’il ne paraît. Cette démarche ludique vise à lui faire prendre conscience de la vérité éternelle, selon laquelle la balance penche toujours en faveur des moments enrichissants, au détriment des déceptions et autres humiliations, lorsqu’on fait preuve de courage et qu’on s’ouvre au monde dans le but d’interagir d’une façon constructive et sans préjugés avec lui.
Décrit de cette manière sans doute trop verbeuse, l’essence de ce film risque de paraître comme un hymne sirupeux à la différence et à toutes ses déclinaisons, aussi étranges soient-elles. La mise en scène veille cependant à une sobriété du ton, qui ne permet ni méchanceté gratuite, ni optimisme démesuré. Elle sait adroitement nous ramener à l’évidence que la vie vaut la peine d’être vécue, peu importe que l’on soit exceptionnellement petit ou grand, maigre ou gros. Dans la médiocrité ambiante de la plupart des films que l’on voit ces jours-ci à Deauville et dans un flou moral encore aggravé par des ambitions formelles moyennement exécutées, on se doit de saluer, et même d’applaudir, pareille assurance en des lendemains qui ne chantent peut-être pas, mais qui sauront être embellis par une recherche décomplexée de la rencontre avec l’autre !

Vu le 7 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le droit à la différence est un droit immuable, que ce film exploite avec finesse. Loin des critères américains désignant les personnages principaux des comédies américaines, Terri est un obèse qui se ballade en pyjama dans son école. Sans parents et élevé par son oncle, il n'a aucun repère alimentaire, religieux et encore moins d'éducation. Sa rencontre avec un principal qui a dans son passé été, lui aussi, mis à l'écart par ses camarades, lui permettra d'avoir une autre vision de lui-même et de tenter sa chance avec une étudiante de sa classe.

Jacob Wysocki, comédien non professionnel, s'en tire plus que bien pour son premier film en exploitant ses défauts apparents de manière convaincante. Le film repose sur ses épaules et sur celles de John C. Reilly (rencontré à Deauville l'année dernière). Ce film exploite ainsi au maximum les faibles moyens mis à sa disposition (une école, une forêt, un restaurant, une maison) et se dévoile comme une œuvre attachante et minimaliste.

Ce film illustre ce que devrait être le cinéma indépendant américain, soit des œuvres touchantes, sans concession et illustrant la véritable nature de la vie de la grande majorité de la population américaine. Société dont la mauvaise alimentation est trop fréquente (récits d'obésité), l'accès à la culture difficile (droits d'entrée universitaire trop élevés) et qui se dévoilé très vulnérable aux maux de notre société actuelle.

Ce film simple et efficace mérite toute sa place au sein de la sélection officielle, même s’il ne devrait pas être récompensé.

Vu le 7 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: