Dark horse

Dark horse
Titre original:Dark horse
Réalisateur:Todd Solondz
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:29 août 2012
Note:
Abe rencontre Miranda à un mariage. Ce célibataire endurci, qui vit encore chez ses parents à trente ans passés, tout en travaillant dans l’agence immobilière de son père, et qui ne croit plus au bonheur, se précipite dès leur premier rendez-vous galant pour lui demander de devenir sa femme. Contre toute attente, elle ne refuse pas catégoriquement cette proposition maladroite, puisqu’elle se dit qu’elle pourrait tomber sur quelqu’un de pire. Pourtant, Abe n’est pas aux anges, à cause des contrariétés d’une vie qu’il a depuis toujours perçue comme un outsider.

Critique de Tootpadu

Dans le cinéma américain actuel, il n’existe pas d’humour plus cinglant et désopilant que celui de Todd Solondz ! Après le jubilatoire Life during wartime, le regard méchant de ce réalisateur, qui évolue volontairement en marge d’une industrie trop frileuse pour moquer sérieusement les défauts de la société occidentale, est de retour pour notre plus grand bonheur de cinéphile un peu subversif sur les bords. Ce n’est pas uniquement la ressemblance frappante entre notre cher confrère Mulder et le protagoniste de cette satire impitoyable qui nous a interpellés, mais surtout le ton grinçant et sublimement ironique avec lequel Todd Solondz tourne en dérision les tentatives désespérées de Abe de s’affranchir de sa position héréditaire de perdant.
Aussi touchant ce personnage risible soit-il, le sort cruel qu’il subit dans Dark horse suit la logique implacable de la dénonciation d’un style de vie – que l’on qualifierait sommairement de geek –, qui ne l’a aucunement préparé aux dures réalités de la vie. Abe s’est recroquevillé sur lui-même et sur sa vision dépitée du monde qui l’entoure, au point que l’apparition inespérée d’une issue à cette existence solitaire et amère l’a complètement déboussolé. L’aspect le plus sadique du film est que ce grand nounours dispose d’une lucidité assez aiguisée pour se rendre compte qu’il se fait invariablement avoir, ne serait-ce que lors d’une démarche aussi anodine que l’échange d’un jouet de collection rayé. Son échappatoire de tant de déception accumulée consiste en un recours récurrent aux séquences oniriques, qui ajoutent encore une couche de délire à l’histoire déjà haute en couleur de cet homme immature, qui court consciemment à sa perte.
Rien que les chansons abusivement sirupeuses et volontaristes, qui soutiennent moralement Abe dans ses moments les plus désespérants, auraient suffi pour nous convaincre de l’humour noir de Todd Solondz, si amusant et hélas si rare dans un environnement comique dangereusement cadenassé et bêtement puéril. Les interprétations de Jordan Gelber et du reste d’une distribution très éclectique, puisqu’elle comporte des noms comme Mia Farrow et Christopher Walken, Selma Blair et Justin Bartha, ne sont alors que la cerise sur le gâteau d’un film, dont la méchanceté immodérée est peut-être sa plus grande qualité.

Vu le 7 septembre 2011, au Morny, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Après son film Happiness qui l'a fait découvrir à un plus large public, Todd Solondz continue à porter un regard désabusé et pourtant très réaliste et sensible sur notre société actuelle. Cette fois, il décide de porter son intérêt sur un geek d’une trentaine d’années, passionné par les films et les comics. Sa chambre remplie de jouets de toutes sortes non déballés est bien représentative du mouvement geek actuel. De la même manière qu'il vit encore chez ses parents, il a du mal du fait de son physique difficile de trouver son âme sœur et piétine totalement pour la conquérir, lorsqu’elle se présente sous les traits de Selma Blair. Travaillant encore pour son père (interprété par un Christopher Walken ahuri), il semble donc avoir du mal à sortir du cocon familial et à mûrir pour atteindre son indépendance.

Cette douce chronique très pessimisme se laisse suivre avec un air désabusé et nous renvoie à nos problèmes quotidiens, comme le fait de ne pas être apprécié à notre juste valeur, de ne pas avoir obtenu à notre naissance une apparence suffisamment attractive pour la gente féminine. L'acteur principal semble donc être une extension d'un réalisateur décalé qui continue à faire carrière dans le cinéma indépendant avec un univers propre à lui.

Une nouvelle fois, le cinéma indépendant témoigne qu'il est encore possible de réaliser des films avec un budget minuscule tout en ayant un casting solide (Justin Bartha, Mia Farrow, Christopher Walken, Selma Blair). En effet, cette forme de cinéma reste le meilleur moyen pour des acteurs habitués aux seconds rôles, voire pour des comédiens confirmés, ayant connu leur heure de gloire, d'obtenir des rôles conséquents et dignes d'intérêt.

Ce film fait donc partie des bons crus de la sélection des Premières, mais reste une œuvre mineure, face à d'autres films de la dite sélection, comme Drive, Echange standard, et Crazy stupid love.

Vu le 7 septembre 2011, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Mulder: