En secret

En secret
Titre original:En secret
Réalisateur:Maryam Keshavarz
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:08 février 2012
Note:
En Iran, Atafeh et Shirin sont plus que des amies. Elles s’aiment d’un amour tendre qui ne peut même pas s’exprimer librement pendant les soirées branchées de la scène clandestine, que les adolescentes fréquentent pour se soustraire à la chape de plomb d’une société intégriste. Quand Mehran, le frère aîné d’Atafeh, rentre à la maison après une cure de désintoxication, il trouve du réconfort dans des pratiques religieuses de plus en plus zélées. Il va jusqu’à rejoindre la redoutée police des mœurs, qui désapprouve violemment du style de vie occidental d’Atafeh et Shirin.

Critique de Tootpadu

Il y a parfois des sélections étonnantes dans ce festival dédié au cinéma américain. Après l’inclusion plus ou moins discutable l’année dernière de Abel de Diego Luna, voici un film iranien qui ne joue même pas dans une communauté qui évolue en vase clos sur le sol américain, comme celle des juifs orthodoxes dans Jewish connection de Kevin Asch. En dehors de la prise en compte des capitaux de production et du parrainage par le festival de Sundance, le seul rapport entre En secret et les Etats-Unis, c’est que la vie à l’américaine – ou tout au moins son reflet dans les pays du Golfe sous forme de l’El Dorado régional qu’est Dubaï – doit apparaître comme un idéal à atteindre pour une jeunesse iranienne, muselée par un régime totalitaire. Que ce soit une chanson de l’émission « American Idol » reprise lors d’un rare moment d’insouciance ou le doublage artisanal de Harvey Milk qui marque les débuts timides de la mobilisation contre l’homophobie ambiante, la culture américaine s’impose comme un phare vers lequel les adolescents iraniens en manque de repères laïques se tournent.
Depuis son point de vue de l’exil, le premier film de la réalisatrice Maryam Keshavarz dresse le portrait saisissant d’une société sous étroite surveillance. L’inclusion des plans pris par des caméras installées à cet effet peut d’abord paraître comme un gadget formel prétentieux. Au fur et à mesure que l’intrigue progresse et que l’étau se resserre autour des deux filles secrètement amoureuses l’une de l’autre, l’apparition de ces appareils d’espionnage jusque dans les recoins de l’intimité indique pourtant qu’une existence libre est impossible en Iran. Le syndrome de vouloir tout observer et enregistrer est bien sûr aussi présent dans les pays occidentaux, à la différence près que ce flux visuel ininterrompu n’y sert guère pour imposer un catalogue de lois fortement répressives. Si Atafeh et Shirin ne peuvent pas construire une vraie relation de couple, c’est surtout parce que l’emprise du mécanisme de soumission à un code de conduite sévère s’accroît grâce à ces yeux indiscrets qui épient absolument tout.
La complexité morale du scénario doit beaucoup au fait que le méchant dans l’histoire n’est pas un simple bourreau inhumain, mais le frère d’une des victimes de ce contrôle abusif. Le passé de toxicomane de Mehran rend celui-ci d’autant moins intransigeant envers d’autres déviants des mœurs imposés. C’est une réaction pas forcément saine pour détourner le regard de sa propre imperfection, d’autant plus schizophrène que Merhan n’a subi aucune pression avant de s’engager sur le chemin du fanatisme réactionnaire. La puissance sournoise d’un système condamnable devient encore plus évidente ainsi, puisque même les parents relativement progressistes de Atafeh s’y plient. L’heure d’un véritable bouleversement social et moral en Iran est donc très loin. Le mouvement de fuite, à petite échelle pour le personnage principal et plus globalement pour les esprits contestataires qui ne peuvent exprimer leur désaccord que depuis l’exil américain, ressemble tristement à une victoire temporaire de la mainmise des mollahs.

Vu le 5 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Premier film de la compétition officielle du festival de Deauville qui semble ne pas avoir sa place ici, compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'un film américain et qu'il aurait gagné à être présenté au sein du festival de Marrakech.

Ce premier film de Maryam Keshavarz dresse un portrait de l'Iran actuel, un pays où la femme n'est pas l'égal de l'homme, où écouter de la musique est un crime et surtout où le fanatisme religieux fait qu'une personne peut espionner sa propre famille et la dénoncer. De tels éléments sont condamnables à nos yeux, car la religion devrait être portée sur des valeurs saintes et guider l'homme vers un équilibre et non un musellement social et culturel.

Une histoire contée se doit d'être illustrée avec talent, reposer sur de bons comédiens convenablement dirigés et surtout éviter d'être une pâle copie, volontairement ou non, d'un film français.

Cependant, même si ce film ose prendre des risques en montrant un amour naissant entre les deux personnages féminins, il aurait dû mettre plus rapidement le cadre en place et développer la consistance des êtres décrits. Faute de rythme et de rebondissements, cette oeuvre se révèle être une âpre déception et un total hors sujet dans ce 37ème festival de Deauville.

Vu le 5 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: