Bobby Fischer against the world

Bobby Fischer against the world
Titre original:Bobby Fischer against the world
Réalisateur:Liz Garbus
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:00 2011
Note:
En juillet 1972, le jeune champion américain d’échecs Bobby Fischer affronte le champion du monde en titre, le Russe Boris Plassky. Le tournoi, qui doit se dérouler sur une durée de vingt-quatre parties en Islande, marquera le sommet précoce du parcours de ce jeune prodige. Réputé autant pour son génie que pour son comportement excentrique dès le début de sa carrière professionnelle à l’adolescence, Fischer allait tout plaquer par la suite, devenant du coup un des grands mystères du monde des échecs, qu’il avait pourtant rendu plus populaire qu’aucun autre joueur du siècle dernier.

Critique de Tootpadu

Notre rêve d’acquérir comme par miracle un quotient intellectuel démesuré, en gestation au plus tard depuis le récent Limitless de Neil Burger, a connu un coup d’arrêt brutal par le biais de ce documentaire sur l’ascension et la chute fulgurantes du joueur d’échecs Bobby Fischer. Si la réalisatrice Liz Garbus avait osé quitter les sentiers battus d’un film platement informatif sur un génie monomaniaque, responsable de son propre déclin, Bobby Fischer against the world aurait même pu mettre en doute notre passion pour le cinéma, dont l’investissement temporel n’est pas toujours justifié par un rendement sous forme de satisfaction personnelle ou de reconnaissance professionnelle. En même temps, l’homme exceptionnel au cœur de ce documentaire solide a tout fait de son vivant pour brouiller les pistes et laisser planer le doute sur ses véritables facultés mentales. Ce n’est donc pas quatre ans après sa mort que l’on apprendra toute la vérité sur une âme tourmentée, capable à la fois des prouesses les plus incroyables dans sa discipline sportive et des idioties de paranoïa dépourvues du moindre bon sens dans sa vie privée.
A partir du moment charnier d’une vie bêtement brisée, c’est-à-dire du championnat du monde en 1972 évoqué avec pas mal de suspense pour quiconque ne se souviendrait pas de son issue historique, la trame narrative du documentaire cherche à déceler les signes annonciateurs de la folie pendant les années de formation de Bobby Fischer. Cette démarche s’avère d’autant plus raisonnable, quoique guère innovante, que la deuxième partie de la vie de ce surdoué de l’échiquier est entièrement exempte d’un dernier sursaut de génie. Elle sombre au contraire d’une façon irrémédiable dans des tirades insensées contre les peuples dont Fischer est originaire. Le revirement est si radical qu’il n’invite même pas à la quête d’une explication logique à tant de désarroi psychologique et émotionnel, juste au constat amer que celui qui aurait pu être le plus grand maître d’échecs a choisi de son propre gré de devenir un vieux crétin.
Le documentaire à l’américaine répond formellement à un cahier de charges si étroitement formaté, qu’il devient quasiment impossible d’y trouver une exception suffisamment courageuse pour faire voler en éclats ce carcan limitatif. La facture de ce film-ci est si sage, avec ses interventions des témoins de l’époque, entrecoupées de documents d’archives plutôt prodigieux, qu’elle court constamment le risque de nous ennuyer. Pour réellement chercher à comprendre la courbe icarienne de l’existence de Bobby Fischer, il aurait sans doute fallu une approche qui ne considère pas nécessairement la normalité comme seul comportement acceptable pour des esprits d’exception. Le génie s’est certes achevé lui-même par ses folies de grandeur, mais Liz Garbus n’y voit le plus souvent qu’un cas d’école pour un esprit excessif, en bien et en mal.

Vu le 3 septembre 2011, au Casino, Deauville, en VO

Note de Tootpadu: