
Titre original: | Famille Jones (La) |
Réalisateur: | Derrick Borte |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 96 minutes |
Date: | 17 novembre 2010 |
Note: | |
La famille Jones s’installe dans sa nouvelle maison, dans une banlieue huppée. Elle est rapidement acceptée par ses voisins et à l’école, grâce à ses acquisitions dernier cri qu’elle affiche de façon ostentatoire. L’apparence de cette famille modèle est par contre trompeuse, puisqu’il ne s’agit même pas d’une vraie famille, mais de quatre as de la vente, réunis là pour faire décoller le chiffre d'affaires des marques qu’ils sont censés promouvoir.
Critique de Tootpadu
« Rien ne fait vendre mieux que la sincérité. » Ce dicton commercial, issu du film publicitaire au début de Nixon de Oliver Stone, trouve une seconde jeunesse assez ingénieuse dans le premier film du réalisateur Derrick Borte. L’intérêt que le cinéma américain porte à tout ce qui a trait aux stratégies de vente suggestives et autres échantillons représentatifs de la population ne date pas de hier, puisque cette thématique était déjà la prémisse d’une satire sociale comme Magic town de William A. Wellman à la fin des années 1940. Mais le mimétisme de consommation atteint un niveau plutôt inouï dans La Famille Jones. La mentalité de mouton y est pointé du doigt avec un cynisme mordant. Et la course aux biens matériels laisse plusieurs personnages sur le carreau, physiquement et surtout moralement.
L’endoctrinement des foules à acheter toujours plus de babioles de luxe, du parfum jusqu’à la voiture de sport, en passant par le sushi surgelé et les boissons alcoolisées pour adolescents, s’avère en effet un moteur redoutable pour l’avancement de l’intrigue. Les membres de l’unité de vente sont progressivement pris dans le tourbillon enivrant des chiffres d’affaires qui explosent, grâce à une philosophie mercantile qui cherche à inspirer toujours plus par l’exemple brillant de cette famille modèle. Avant même que l’identité véritable des Jones ne nous soit révélée, le scénario excelle à laisser glisser quelques grains de sable, qui n’enrayent pas encore le mécanisme parfaitement huilé de cette publicité de proximité, mais qui laissent présager que cette famille est bien trop proprette pour être vraie. L’acceptation dans leur nouvel environnement social ne pose ainsi point les mêmes problèmes qu’aux nouveaux voisins d’une banlieue toute aussi banale, voire ennuyeuse, dans des films comparables sur le blues des banlieues, comme American beauty de Sam Mendes, par exemple. Non, les parasites publicitaires occupent en un temps record un vide de style, de mode, et plus globalement de savoir vivre, qui en dit plus long sur la finalité du scénario que sur la mentalité supposée des péquenauds nouveaux riches qui pullulent dans les villes dortoirs.
Dommage alors que le scénario n’a trouvé rien de plus original pour démontrer les failles du système qu’une bonne dose d’humanité, avec une couche sirupeuse de considérations romantiques par dessus. Passe encore que la jeune génération se défoule après son existence factice en jouant à la nymphomane ou en cherchant une sortie discrète du placard. L’histoire d’amour entre les deux têtes d’affiche – David Duchovny et Demi Moore qui livrent des interprétations étonnamment solides – fait cependant trop facilement appel aux bons sentiments, qui contredisent carrément la critique sociale initiale. Le déséquilibre entre l’accusation des dérives de la société américaine et sa célébration à travers un déroulement conventionnel et prévisible de l’intrigue, dès que les Jones approchent du statut d’icône de la consommation, risqueraient ainsi de rendre le film pour le moins schizophrène, si ce n’était pour la mise en scène convenablement ferme de Derrick Borte.
Enfin, les retrouvailles avec Lauren Hutton contiennent leur part d’ironie, puisque c’est elle qui avait participé activement au culte de la beauté à l’époque de sa carrière comme un des premiers super-modèles, à la fin des années 1970. La voir ici dans le rôle de la marraine de l’entreprise d’aveuglement des masses a quelque chose de profondément savoureux et presque revanchard.
Vu le 1er septembre 2010, à la Salle UGC, en VO
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
La Famille Jones ou comment faire exploser la notion de la cellule familiale et brancarder la société de consommation mondiale en un même film.
Sur un créneau assez simpliste, une fausse famille américaine, opération marketing virale, a pour mission de vanter à leur entourage des marques différentes, afin de maximiser les ventes des grands groupes de l'industrie informatique, du prêt-à-porter et de l’alimentaire.
Ce film, dans la mouvance de l'état d'esprit de « Californication » ( ce n’est pas un hasard si David Duchovny a le rôle principal), est jubilatoire à des degrés différents. Ce film s'apparente à une véritable satire de notre société actuelle pro technologie (ipad, écran télé 3D) dans laquelle le fait de ne pas avoir le denier gadget revient à être un « has been ». Mais cela a un revers important : le manque d'argent qui découle du fait d'acheter sans cesse peut pousser à la perte de la cellule familiale, voire au suicide.
La force du film de Derrick Borte est de s'appuyer sur une interprétation solide (David Duchovny, Demi Moore) et sur un scénario bourré de rebondissements (les enfants ont des mœurs surprenantes). Ce film frappe surtout avec conviction et ironie sur nos mœurs et nos faiblesses.
Il n'y aura jamais de recette miracle pour réaliser une bonne comédie, mais une alchimie est importante et nécessaire entre le réalisateur, ses acteurs et son scénario. Le cinéma indépendant est un cinéma où des acteurs peuvent trouver des rôles intéressants, et où des réalisateurs peuvent s'exprimer librement, sans devoir s'adapter au bon vouloir des exécutives des grands studios ou des producteurs.
La Famille Jones, malgré une fin trop convenue, s'impose comme une réussite mineure.
Vu le 10 septembre 2010, au Casino, Deauville, en VO
Note de Mulder: