Sorties-Cinema - La route sauvage : du bestseller de Willy Vlautin au film d’Andrew Haigh

Par Mulder, 20 avril 2018

Pour son quatrième long métrage, l’auteur et réalisateur anglais Andrew Haigh a choisi d’adapter au cinéma, un roman de l’écrivain Américain, Willy Vlautin. C’est en 2011, peu de temps avant la sortie américaine de Week-end, que Haigh a découvert Lean on Pete – publié en français sous le titre Cheyenne en automne. Le roman partage des thématiques avec ses films : la solitude du personnage principal, les liens inattendus qu’il parvient à créer - notamment avec Lean on Pete, un vieux « quarter horse ». Andrew Haigh a tout de suite vu le potentiel cinématographique du récit : les grands espaces de l’Ouest américain que les personnages traversent, mais aussi la puissance émotionnelle de leur parcours, ainsi quea la capacité d’espoir, dans l’adversité, du jeune Charley. Pour Andrew Haigh, il y avait la matière d’une odyssée américaine contemporaine

Le livre de Willy Vlautin a comme personnage central un adolescent de 15 ans, solitaire et autonome, que le monde ne cesse de décevoir, mais qui refuse d’abandonner sa quête de stabilité, de liens avec autrui et d’un foyer. Alors qu’il traverse les plaines de l’Ouest à la recherche d’une famille, le jeune héros, Charley Thompson, trouve un équilibre dans l’amitié qui le lie au cheval de course dont son propriétaire bourru, Del Montgomery, lui a confié la garde et le soin. « Willy Vlautin décrit de façon très vivante la vie quotidienne au champ de course, explique Andrew Haigh. Ce n’est pas comme dans les grands hippodromes : ici, les portefeuilles ne sont pas bien garnis et personne ne fait fortune. Mais une communauté s’y forme – presque une famille. »

Willy Vlautin a placé en épigraphe de son roman ces mots de John Steinbeck, tirés de À l’Est d’Eden : « J’en conviens, nous sommes faibles, malades, laids et querelleurs, mais si nous n’étions que cela, il y a bien longtemps que nous aurions été rayés de la surface de la Terre. » La phrase résonne au fil du roman, à travers l’infatigable résilience du jeune Charley, particulièrement dans la deuxième partie du livre, alors qu’il parcourt la campagne américaine. « Charley veut recevoir de l’amour et en donner, explique Andrew Haigh. Plus le récit progresse, moins stable est sa situation ; le voyage vers un lieu, une famille auxquels il pourrait appartenir n’est pas sans danger. Le roman est déchirant mais jamais sentimental.

L’amitié de Charley pour Lean on Pete révèle la gentillesse naturelle de ce gamin, sa compréhension profonde que nous partageons tous le besoin d’être protégé. » Willy Vlautin a lui-même trouvé une sorte de seconde maison au champ de courses de Portland Meadows. Le romancier s’est pris d’amitié pour les jockeys, les entraîneurs, les parieurs, cette faune qui lui a inspiré ses personnages, comme Del Montgomery, que joue Steve Buscemi. « J’aime parier sur les chevaux, admet Willy Vlautin, mais j’ai aussi de l’affection pour eux et je me demande souvent ce qui leur arrive quand ils ont fini de courir. D’une certaine façon, mon roman met en scène ma propre relation avec les chevaux, mais il parle surtout du fait d’avoir 15 ans – l’âge de Charley. Il est tout près d’être indépendant, que cette indépendance prenne la forme d’un travail ou d’une voiture, mais il se retrouve à tailler la route pour sauver un cheval devenu son ami. » Outre son activité d’écrivain (plus de quatre romans), Willy Vlautin a également décrit son Amérique dans les chansons qu’il a écrites pour le groupe country-rock Richmond Fontaine, dont il était le leader et chanteur. Dans la seconde partie, Cheyenne en automne devient le journal de voyage de Charley dans les grandes plaines, autant d’instantanés sur les coins et recoins d’un monde rural et de ceux qui l’habitent. L’Ouest américain comparable à celui qu’ont décrit Steinbeck, Raymond Carver et Sam Shepard

Ce n’est pas uniquement le folklore des champs de course de seconde zone et de ceux qui les fréquentent qui a attiré Andrew Haigh. La solitude du personnage principal, son désir de liens affectifs, familiaux ou amicaux, fait écho à ses précédents films : la rencontre des deux héros de Week-end, et l’amitié inattendue qui les lie l’espace de quarante-huit heures, les failles qui se créent au coeur du couple de vieux mariés de 45 ans, les relations compliquées du petit groupe de personnages de Looking, la série à laquelle il a participé en tant qu’auteur, producteur et réalisateur - jusqu’à en signer l’ultime épisode sous la forme d’un long-métrage pour HBO. « Il y avait une simplicité dans le roman que je voulais retrouver dans le film, explique Andrew Haigh. Le voyage de Charley n’est pas qu’un classique récit d’apprentissage qui le conduirait vers l’âge adulte. Il y a quelque chose de plus fondamental : ce qui l’entraîne est un besoin désespéré d’appartenance à un foyer, une famille - la quête d’un lieu où il se sentirait protégé. » Le cinéaste appréciait aussi la façon dont le romancier ne juge ni ne condamne aucun de ses personnages, quels que soient leurs actes. « Il sait que ce sont des gens essayant de garder la tête hors de l’eau et que cet effort a un impact sur leur conduite. C’est vraiment un texte sur la recherche de compassion de la part de ceux qui sont dans le besoin. »

Ce n’est qu’après avoir tourné 45 ans et plusieurs épisodes de Looking qu’Andrew Haigh est parti pour Portland rencontrer Willy Vlautin. Celui-ci lui a montré quelques lieux du roman, notamment le champ de course. Puis le cinéaste a décidé de suivre la route de Charley et de son cheval : il a traversé l’Oregon, l’Idaho, le Wyoming, l’Utah et le Colorado, s’arrêtant dans de petites villes de l’Oregon comme Tillamook ou Burns, assistant à des courses de chevaux et s’immergeant dans la culture locale. « J’ai dormi dans les motels nommés dans le roman. J’ai reconnu les lieux que Willy Vlautin avait décrits. J’ai aussi campé, mangé du chili en boîte, pris des centaines de photos. Ce serait ridicule de penser que j’ai pu ressentir ce que Charley éprouve au cours de son voyage, mais les trois mois de “road-trip” m’ont au moins donné une idée du monde que Willy décrit dans ses romans. Les paysages que j’ai traversés sont magnifiques, connaitre le pays tout entier prendrait des années mais cette région a une identité, radicalement différente de l’Europe. Et je peux même dire que l’Utah est très différent du Colorado, que Portland n’a rien à voir, socialement et politiquement, avec l’est de l’Oregon. La diversité est prodigieuse. C’était parfois choquant au cours de mon voyage de voir le patriotisme intense des Américains, même quand leur pays les laisse dans des situations économiques insoutenables. Les gens croient au rêve américain, même si très peu parviennent à le vivre. »

Andrew Haigh a envoyé plusieurs versions du scénario à Willy Vlautin, qui a donné son avis sur la façon dont le cinéaste avait condensé l’histoire, parfois réunissant plusieurs personnages en un seul. « Savoir ce qu’il fallait garder ou enlever était assez difficile, explique Andrew Haigh, et Willy s’est avéré indispensable pour ces choix. Il s’est aussi montré très disponible pour nous donner les contacts des entraîneurs et des jockeys qui travaillent à l’hippodrome de Portland Meadows. » Capter la vérité d’une région, voire d’un pays, était essentiel au projet. « Charley est au coeur de l’histoire, explique Tristan Goligher, mais le récit questionne aussi la façon dont la société occidentale abandonne les plus vulnérables. Il a une portée politique. Par ailleurs, l’histoire est contemporaine, mais elle tisse des liens avec le cinéma américain des années 70, des films comme Madacam cow-boy, par exemple. Ce genre de drames n’est plus si fréquent sur les écrans. »

La principale difficulté a été de trouver un adolescent capable de jouer le rôle de Charley Thompson, qui est de toutes les scènes du film. Cette tâche a été confiée à la directrice de casting Carmen Cuba. « Nous avons vu très tôt Charlie Plummer, mais nous avons continué à recevoir de jeunes acteurs. Mais nous savions qu’il avait quelque chose de spécial, notamment grâce au film King Jack, dans lequel il s’était fait remarquer. ». Charlie Plummer avait eu un rôle récurrent dans la série Boardwalk empire avant de se révéler, à l’adolescence, dans des films comme King Jack, Prix du public au festival de Tribeca 2014, The Dinner, ou la série Netflix Granite Flats. Depuis il a joué John Paul Getty Jr dans Tout l’argent du monde, de Ridley Scott. Pour son audition avec Andrew Haigh, il avait préparé une vidéo et écrit une lettre détaillée, expliquant pourquoi il serait l’interprète idéal de Charley Thompson.

« Cela m’a prouvé qu’il avait compris le personnage, explique Andrew Haigh. Et j’admire chez lui son intériorité, sa capacité à enfouir ses émotions. » Charlie Plummer a puisé dans sa propre vie la matière de son interprétation : « Enfant, j’ai beaucoup bourlingué, explique-t-il, j’ai connu huit ou neuf écoles différentes. J’ai pu comprendre la quête de Charley d’un foyer stable. Ce qui me frappait, c’est son refus d’abandonner, quelles que soient les circonstances. Je n’ai pas vécu ce qu’il traverse mais moi aussi j’ai appris à ne jamais renoncer, même quand les choses paraissent insupportables. Cela en fait un personnage plein d’espoir. »

Bien que l’équipe casting ait vu des centaines d’adolescents, Andrew Haigh n’a jamais caché sa préférence pour Charlie Plummer. « Les qualités que je demande à mes acteurs sont toujours les mêmes : sensibilité et subtilité. Charlie possède les deux. Beaucoup de comédiens auraient pu trouver en eux les émotions du personnage, mais Charlie a quelque chose en plus, d’à peine visible : quelque chose de délicat, difficile à nommer, mais qui paraît toujours sincère. »

Steve Buscemi a été le premier à suivre Charlie Plummer et à compléter la distribution du film. Les deux s’étaient déjà rencontrés sur le plateau de Boardwalk Empire. Pour Steve Buscemi, le personnage de Del Montgomery s’ajoute aux nombreux « losers » sympathiques qu’il a eu l’occasion de jouer. « Del a grandi près du champ de course, probablement dans le sillage de son père, c’est à peu près tout ce qu’il connait de la vie, raconte Buscemi. Il regrette les jours de gloire d’antan et à présent, l’âge venu, il se débat pour joindre les deux bouts. C’est un type qui a du coeur, mais qui n’est pas sentimental. Sa vie a été dure et cette dureté a façonné sa façon de voir le monde. » Andrew Haigh complète le portrait : « Je ne voulais pas que Del soit juste un sale type. Il essaye de s’en sortir, c’est tout. Steve est un acteur qui dégage une sympathie immédiate, y compris sur le plateau. »

Au départ, Chloë Sevigny avait été auditionnée pour le rôle de Tante Martha, mais c’est finalement le rôle de Bonnie, l’amie jockey de Del, dont Charley va devenir proche à son tour, qu’elle a joué. « Bonnie est terrienne et maternelle, explique Chloë Sevigny. Jusqu’à un certain point. Elle ne traite pas Charley comme un petit garçon ». Bonnie est à la fois dure et vulnérable. « Elle est tombée de cheval un certain nombre de fois, mais elle est remontée, parce qu’autrement, elle sait qu’elle finirait serveuse. Elle aime passionnément l’excitation du champ de course et a forgé une sorte de camaraderie professionnelle avec Del. J’ai toujours aimé jouer des femmes actives, des femmes qui ne sont pas des petites choses fragiles. J’aime que mon personnage soit l’égal des personnages masculins. » Chloë Sevigny et Steve Buscemi avaient partagé l’affiche de Happy hour (1996), le premier film de l’acteur en tant que réalisateur.« Je trouvais très excitant de les voir réunis à nouveau » se souvient Andrew Haigh. « Il y a entre eux une familiarité, une alchimie qui ne peuvent pas s’inventer. » Travis Fimmel et Steve Zahn ont complété la distribution, respectivement dans le rôle de Ray, le père de Charley, et dans celui de Silver, le vagabond que croise le jeune homme. « Deux personnages au fond très proches, poursuit le réalisateur. De grands enfants qui n’ont pas su grandir et qui ne savent pas protéger ceux dont ils ont la garde. Les deux sont des bonnes personnes qui prennent de mauvaises décisions, les deux comédiens ont su retranscrire cette complexité. »

La distribution de La Route sauvage ne serait pas aussi complète sans sa partie animale : une vingtaine de chevaux de race pour la course de Portland Meadow, et six “chevaux acteurs”, dont Starsky, qui fait ses débuts à l’écran dans le rôle de Lean on Pete. Les dresseurs Lauren Henry et Roland Sonnenburg, ainsi que Terry Bechner, conseiller spécial pour les scènes de course, ont travaillé de près avec l’équipe avant et pendant le tournage. « C’est un défi d’essayer d’obtenir deux choses différentes d’un cheval, précise le producteur Tristan Goligher : d’une part, une interaction émotionnelle avec un acteur humain, de l’autre des actions simples comme les courses ou même l’accident ». Les deux réclament un entraînement intensif pour les acteurs et pour les chevaux. Charlie Plummer est arrivé à Portland trois semaines avant le début du tournage pour rencontrer Andrew Haigh et discuter du personnage, tout en s’acclimatant avec le fait de travailler avec son partenaire principal, une bête de 700 kilos ! Des exercices très spécifiques ont permis une alchimie palpable entre le garçon et l’animal. « Les chevaux sont intelligents et ils sentent si vous vous sentez à l’aise ou non avec eux », raconte le jeune comédien. Au fil des exercices de familiarisation avec son partenaire, Charlie Plummer s’est particulièrement attaché à Starsky. « Une amitié sincère s’est développée au cours de l’histoire. Charley est en recherche constante d’amour - de la part de son père, de Del, de Bonnie, et finalement de sa tante. Quand Lean on Pete lui donne cet amour, un peu différemment, c’est le sentiment le plus extraordinaire qu’il puisse ressentir. » Andrew Haigh complète : « Tous les matins, dès son réveil, Charlie apprenait à s’occuper du cheval. Quand j’ai vu la connexion entre eux et la façon dont il protégeait Starsky, j’ai su que tout irait bien. »

La distribution de La Route sauvage ne serait pas aussi complète sans sa partie animale : une vingtaine de chevaux de race pour la course de Portland Meadow, et six “chevaux acteurs”, dont Starsky, qui fait ses débuts à l’écran dans le rôle de Lean on Pete. Les dresseurs Lauren Henry et Roland Sonnenburg, ainsi que Terry Bechner, conseiller spécial pour les scènes de course, ont travaillé de près avec l’équipe avant et pendant le tournage. « C’est un défi d’essayer d’obtenir deux choses différentes d’un cheval, précise le producteur Tristan Goligher : d’une part, une interaction émotionnelle avec un acteur humain, de l’autre des actions simples comme les courses ou même l’accident ». Les deux réclament un entraînement intensif pour les acteurs et pour les chevaux. Charlie Plummer est arrivé à Portland trois semaines avant le début du tournage pour rencontrer Andrew Haigh et discuter du personnage, tout en s’acclimatant avec le fait de travailler avec son partenaire principal, une bête de 700 kilos ! Des exercices très spécifiques ont permis une alchimie palpable entre le garçon et l’animal. « Les chevaux sont intelligents et ils sentent si vous vous sentez à l’aise ou non avec eux », raconte le jeune comédien. Au fil des exercices de familiarisation avec son partenaire, Charlie Plummer s’est particulièrement attaché à Starsky. « Une amitié sincère s’est développée au cours de l’histoire. Charley est en recherche constante d’amour - de la part de son père, de Del, de Bonnie, et finalement de sa tante. Quand Lean on Pete lui donne cet amour, un peu différemment, c’est le sentiment le plus extraordinaire qu’il puisse ressentir. » Andrew Haigh complète : « Tous les matins, dès son réveil, Charlie apprenait à s’occuper du cheval. Quand j’ai vu la connexion entre eux et la façon dont il protégeait Starsky, j’ai su que tout irait bien. »

Synopsis :
Charley Thompson a quinze ans et a appris à vivre seul avec un père inconstant. Tout juste arrivé dans l’Oregon, le garçon se trouve un petit boulot chez un entraineur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière. Le jour où Charley se retrouve totalement livré à lui-même, il décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n’a qu’un lointain souvenir. Dans l’espoir de trouver enfin un foyer, ils entament ensemble un long voyage…

La Route sauvage (Lean on Pete)
Un film écrit et réalisé par Andrew Haigh
D'après le roman de Willy Vlautin
Musique : James Edward Barker
Montage : Jonathan Alberts
Photographie : Magnus Joenck
Production : Tristan Golighter
Sociétés de production : The Bureau, Film4 Productions et British Film Council
Sociétés de distribution : Curzon Artificial Eye et A24 Films
Genre : drame
Avec Charlie Plummer (Charley), Chloë Sevigny (Bonnie), Steve Buscemi (Del), Travis Fimmel (Ray), Steve Zahn (Silver), Justin Rain (Mike), Lewis Pullman (Dallas), Bob Olin (Mr. Kendall)

Photos: Copyright A24 Films

(Source: Dossier de presse)