“ Oh the dead don’t die
Any more than you or I
They’re just ghosts inside a dream
Of a life that we don’t own
They walk around us all the time
Never paying any mind
To the silly lives we lead
Or the reaping we’ve all sown
There’s a cup of coffee waiting on every corner
Someday we’re gonna wake up and find the corner’s gone “
The dead don’t die – Sturgill Simpson
Jim Jarmusch (Paterson, Gimme Danger, Only lovers left alive) offre sa vision très personnelle d’une apocalypse zombie teintée de l’humour à froid et subtil qui a fait de lui une icône du cinéma indépendant depuis plus de trente ans. Il réunit une équipe de toutes générations et de toutes origines confondues : on y retrouve des visages que l’on a vus dans ses précédents films et de nouveaux venus dans son univers, notamment Danny Glover, Selena Gomez et Caleb Landry Jones. The Dead don’t die est une affaire de famille, une tranche de vie parfois poignante, qui arrive à point nommé à un moment crucial de l’histoire américaine et de l’époque actuelle qui semble nous dévorer vivants.
Avec The Dead don’t die, Jim Jarmusch vient pour la dixième fois sur la Croisette. La précédente remonte à 2016, quand Paterson était présenté en compétition officielle au Festival de Cannes. Cette même année, il présentait hors compétition Gimme Danger, un documentaire sur Iggy Pop et son groupe The Stooges. La plupart de ses précédents longs métrages ont été sélectionnés à Cannes.
Bill Murray, Adam Driver et Chloë Sevigny incarnent les trois officiers de police de la petite ville de Centerville, qui sont contraints de passer à l’action lorsque des zombies voraces envahissent leur minuscule bourgade. Sous la houlette de l’auteur-réalisateur, The Dead don’t die est à la fois une oeuvre gore et une amusante métaphore des problématiques actuelles des États-Unis. “ The Dead don’t die se passe dans une version bien singulière de notre monde, mais qui trouve un écho dans notre époque actuelle”, explique le producteur Joshua Astrachan, qui avait aussi collaboré à Patterson. “Dans l’histoire que raconte Jim, les États-Unis pratiquent la fracturation hydraulique dans les pôles, la planète a dévié de son axe, la banquise a fondu, le soleil brille la nuit, la lune brille toute la journée… et les morts se mettent à sortir de leurs tombes”.
Quand les morts-vivants de Jim Jarmusch refont surface, ils partent à la recherche d’un ancien passe-temps ou d’une vieille obsession en prononçant un unique mot d’un ton suppliant, ce qui leur donne un aspect à la fois pathétique et comique. Sturgill Simpson, chanteur de country lauréat d’un Grammy Award et auteur de la chanson du film, fait une apparition à l’écran sous les traits d’un musicien mort-vivant qui arpente les rues de Centerville en trainant derrière lui une guitare acoustique-électrique et en croassant d’une voix gutturale “Guitare !” “Toute la population zombie de l’humanité est là”, raconte Tilda Swinton qui tourne sous la direction de Jim Jarmusch pour la quatrième fois, ici dans le rôle de Zelda Winston, propriétaire d’une entreprise de pompes funèbres au fort accent écossais. “Il y a des zombies du téléphone portable, des zombies de la mode, tous les zombies qu’on peut imaginer. Il y a tellement de façons d’être apathique dans le contexte actuel : Jim n’a eu que l’embarras du choix !”
Larry Fessenden, réalisateur de films d’horreur cultes (Depraved) et ami de Jim Jarmusch de longue date, incarne Danny Perkins, un propriétaire de motel : “Les films de Jim mettent toujours en scène des personnages aux prises avec l'excentricité du monde. Si on ajoute à cela des zombies, on obtient un résultat délicieusement fantasque et assez redoutable. La violence prend des proportions incroyables et c’est le message de Jim sur le monde actuel. Mais il y a aussi une mélancolie tout en retenue qu’on retrouve dans tous ses derniers films. Il semble vouloir dire ‘Je ne sais pas si notre espèce va s’en sortir, et je ne sais pas si on peut y faire quelque chose’”.
Jim Jarmusch a envisagé de réaliser un film de zombie il y a quelques années, avant même de tourner Paterson en 2016, une comédie dramatique contemplative sur un conducteur de bus poète campé par Adam Driver. Le réalisateur a pour habitude de détourner les genres cinématographiques : il a réalisé un western psychédélique (Dead man), un croisement entre un film de gangster et de samouraï (Ghost Dog : La voie du samourai), un film d’action existentiel (The limits of control), une variation sur la comédie romantique (Broken Flowers) et un film de vampire comique et bohème entre Detroit et Tanger (Only lovers left alive) avec Tilda Swinton.
Jim Jarmusch a décidé de se réapproprier un thème devenu omniprésent dans la culture populaire : depuis 2014, on ne dénombre pas moins de 55 films et séries sur l’univers des zombies. “Les vampires sont des créatures séduisantes mais les zombies ne sont pas très intéressants en soi car ce sont des sous-humains”, estime Jim Jarmusch. “Mais chaque histoire de zombie est une métaphore d’une certaine façon car elle parle du conformisme des hommes : des créatures sans âme qui déambulent”.
Pendant le tournage de Gimme danger, le documentaire de 2016 sur Iggy et les Stooges (l'icône punk revient d’ailleurs sous les traits d’un zombie accro au café dans ce nouvel opus), le réalisateur et les producteurs ont remarqué des zombies du téléphone portable dans les rues de Miami : des piétons inattentifs collés à leurs Smartphones, qui traversaient les passages piétons et les trottoirs comme des somnambules. Cette vision s’est imposée lorsque Jim Jarmusch s’est plongé dans l’écriture, après avoir terminé simultanément Gimme danger et Paterson. Il s’est alors posé la question suivante : et si les morts-vivants se réveillaient et partaient à la recherche de ce qui les avait préoccupés de leur vivant ? “On est tous attaché à des éléments du monde matériel et on est tous des zombies d’une façon ou d’une autre. Ce n’est pas complètement délirant de se dire qu’on rechercherait ces mêmes choses si on revenait à la vie”, estime Carter Logan, fidèle producteur de Jim Jarmusch et membre du groupe SQÜRL, qui a collaboré à la bande originale évocatrice de The Dead don’t die. “Cela faisait longtemps que Jim n’avait pas écrit une comédie qui s'assume comme telle. Il y a quelques situations burlesques dans le film, mais il utilise surtout les conventions du cinéma d’horreur pour se moquer de l’absurdité de notre époque. Jim signe là son retour au film de genre : il détourne le film de zombie et crée sa vision bien singulière de ce que serait une comédie de zombies”.
Tilda Swinton ajoute : “Tous les films de zombies parlent des êtres humains, et c’est pour ça qu’on adore le genre : ils parlent de catastrophes, où tout le monde pense que c’est la fin du monde et que la situation ne peut pas être pire alors qu’en fait, si. C’est aussi le rôle du cinéma d’horreur et c’est pour ça qu’il y a des amateurs de films de zombie. Ça nous plait d’imaginer des morts-vivants et puis de nous réveiller le matin et de nous rendre compte que c’était juste un film ou un mauvais rêve”.
En matière de films de zombie, Jim Jarmusch apprécie les classiques du genre, en particulier White Zombie (1932) considéré comme le premier film de zombie, avec Bela Lugosi dans le rôle du maitre vaudou haïtien Murder Legendre qui transforme une jeune fille en mort-vivante. Il aime également I walked with a zombie (1943) de Jacques Tourneur qui s'attache à des zombies esclaves sur une île enclavée des Caraïbes, incapables de faire quoi que ce soit par eux-mêmes – une image troublante de la condition humaine pendant une guerre mondiale. On retrouve dans The Dead don’t die l’idée fataliste selon laquelle l’humanité se trouve dans une impasse. Mais c’est La nuit des morts vivants (1968) de George Romero qui a le plus inspiré Jim Jarmusch pendant qu’il écrivait et tournait son film. Les spectateurs attentifs repéreront de nombreuses références et clins d'oeil à ce grand classique du cinéma d’horreur américain. Réalisé avec très peu de moyens, il est passé du statut de film indépendant obscur à celui d'oeuvre-culte, à la fois allégorie de la guerre du Vietnam et du mouvement des droits civiques et métaphore du capitalisme et de la société de consommation. Ce film en noir et blanc produit pour 114 000 dollars est aussi le premier du genre à montrer des zombies manger de la chair humaine à l’écran, ce qui n’est pas dépourvu d'allusions socio-politiques terrifiantes. En ces temps troublés, l'humanité est de nouveau menacée. “La nuit des morts vivants est un film brillant qui a été réalisé avec des moyens très limités. On rend hommage au film avec tout un tas de détails et de références que le spectateur attentif saura repérer”, affirme Jim Jarmusch. Il pense en particulier à la Pontiac Le Mans de 1968 que Selena Gomez conduit dans le film. Dans le film de George Romero, c’est exactement le même véhicule, jusqu’à sa couleur verte unique. “Dans notre film, tout comme dans L’armée des morts, la suite du film de George Romero, les zombies reviennent sur les lieux qui leur tenaient à cœur ou vers les choses qui les obsédaient de leur vivant. J’étais intrigué par la perspective d’être humains qui, ressuscités, fonctionnent comme des organismes monocellulaires, se nourrissent de chair et de cerveaux tels des cannibales, mais qui n’ont pas vraiment de libre-arbitre en dehors de ça”.
"À première vue, The Dead don’t die est une comédie de zombie, mais il y a là un sous-texte comme dans La nuit des morts vivants, un message sociopolitique particulièrement important aujourd’hui”, rappelle Carter Logan. “On est saturé de films et de séries qui obéissent à un même schéma, à tel point que le genre du film de zombie relève presque aujourd’hui de la série B, avec des personnages qui essaient de survivre à une apocalypse. Notre film en tient compte, mais Jim ramène le film de zombie à ses origines. Il montre des êtres humains qui gardent leur sens de l’humour, au beau milieu du pire cataclysme qui ne soit jamais arrivé”.
The Dead don’t die se déroule dans le petit hameau de Centerville, traversé par une rue principale où se trouvent un restaurant, une quincaillerie et un motel. La population qui y vit est marquée de la patte unique de Jim Jarmusch : “C’est une petite ville dans une Amérique générique et non identifiée”, décrit Jim Jarmusch. “Dans cette ville fictive, tout le monde se connaît et le film s'attache à des personnages qui sont tous très différents”. Cette construction tranche avec les films précédents de Jim Jarmusch, où un personnage central – le comptable que joue Johnny Depp dans Dead man, le retraité campé par Bill Murray dans Broken Flowers – s'engage dans un parcours solitaire au milieu de paysages surréalistes, avant de rencontrer d’autres personnages. “Ce film-ci est centré sur les trois policiers mais on ne cesse de croiser d’autres personnages”, explique Jim Jarmusch. “C'est ce qui explique que le montage a été assez complexe”.
Jim Jarmusch a choisi le nom de Centerville en référence au film musical de Frank Zappa, 200 Motels (1971). Dans cette autre odyssée surréaliste, les Mothers of Invention, en tournée aux États-Unis, font étape dans la petite ville de Centerville (“un endroit super sympa pour élever des enfants”, ironise Frank Zappa dans le film) avant de reprendre leur folle virée sur les routes. En hommage à Frank Zappa, Jim Jarmusch choisit la devise “Un endroit super sympa” pour sa propre version de Centerville, comme on peut le lire sur les panneaux à l’entrée de la petite ville au début du film.
Dans The Dead don’t die, les mutations de notre planète font irruption au coeur de cette petite ville typiquement américaine, de façon de plus en plus surréaliste, en l’espace de quelques jours. À l’insu des habitants de Centerville, un événement cosmique provoqué par les hommes (lié à la fracturation hydraulique du cercle Arctique, que le gouvernement, dans le film, appelle la "fracturation polaire") a fait dévier les pôles terrestres de leur axe, perturbant ainsi la rotation de la Terre. Le soleil ne se couche alors plus à l'horaire habituel et le chef de la police Cliff Robertson (Bill Murray) et son adjoint Ronnie Peterson (Adam Driver) se rendent dans la forêt voisine : ils souhaitent en effet poser quelques questions à l’irascible Bob l'ermite (Tom Waits) sur la disparition de certains animaux de Miller (Steve Buscemi), le fermier raciste.
Si, à Centerville, la vie suit son cours normal, le monde semble courir à sa perte. Le propriétaire de la quincaillerie (Glover) passe son temps au restaurant du coin tenu par Fern, jouée par Eszter Balint, qui incarnait Eva, l’adolescente désinvolte de Stranger than paradise en 1984. The dead don’t die fourmille de telles apparitions qui font écho aux précédents films du réalisateur. Même RZA – le leader du Wu-Tang Clan de Staten Island, qui a produit la bande-originale de Ghost dog et fait une apparition dans Coffee and cigarettes– surgit sous les traits du livreur U.P.S. du coin.
Le style de Jarmusch, mélange d'humour et d’excentricité tout en retenue, est à l'oeuvre dans The Dead don’t die : le croque-mort à l’accent écossais Zelda Winston (Tilda Swinton) manie des sabres de samouraï dans sa tanière d’inspiration bouddhiste quand elle n’est pas occupée à donner aux récents défunts un relooking digne d’un défilé de mode dans la maison funéraire. Un Bill Murray pince-sans-rire maintient l’ordre avec une pointe d’humour dans cette petite ville dont le renégat n’est nul autre que Bob l’Ermite. Avec son tempérament colérique, ce dernier concentre les soupçons de toute la bourgade.
Jim Jarmusch ne s’est jamais privé de faire jouer des musiciens dans ses films : aux côtés de RZA et Tom Waits, on trouve la sublime chanteuse de renommée mondiale Selena Gomez. Elle rejoint la bande d’excentriques de The Dead don’t die, dans le rôle d’une jeune voyageuse qui débarque à Centerville juste à temps pour l’apocalypse zombie. Jim Jarmusch est un grand fan de la musique de Selena Gomez, notamment son tube "Bad Liar" qu’il considère comme “une musique pop maitrisée et révolutionnaire”. “J’imaginais une bande de jeunes branchés qui atterrissent par hasard à Centerville au cours d’un road trip”, raconte Jim Jarmusch. “Je voulais qu’il y ait plusieurs générations dans le film et Selena, avec ses compagnons de voyage Austin Butler et Luka Sabbat, représentent les personnages d'une vingtaine d'années”.
Si Selena Gomez et ses acolytes incarnent une liberté débridée qui tranchent avec les conventions étriquées de Centerville, un autre trio de jeunes gens, Maya Delmont, Taliyah Whitaker et Jahi Winston, donnent une tonalité plus sombre à l'ensemble. Ces adolescents sont enfermés dans le centre de détention de Centerville et regardent la télévision depuis la prison tandis que le pays – et Centerville en particulier – bascule dans le chaos. Jim Jarmusch alterne entre des moments de comédie légère et de messages sur le destin des jeunes générations qui ne se reconnaissent pas dans le modèle dominant. Il témoigne ainsi d'une véritable affection pour ses personnages les plus jeunes. “J’adore les adolescents et j'éprouve de l'empathie à leur égard. Les jeunes ont ouvert la voie sur le plan culturel, que ce soit dans la musique, le design, la mode. On peut penser à 'Frankenstein' de Mary Shelley, à la moitié de l’oeuvre de Mozart ou aux écrits de Rimbaud, l’un des plus grands poètes de tous les temps”, précise Jim Jarmusch. “Les jeunes gens sont souvent en souffrance, si bien que je voulais qu’il y ait trois adolescents de différentes origines dans un centre pénitentiaire. On ne les voit jamais devenir des zombies : pour moi, ils représentent un avenir meilleur”.
Quand la nuit tombe sur Centerville, l’apocalypse zombie explose d’un coup : les habitants sortent de leurs tombes à la recherche de chair humaine et de confort matériel. Ils dévastent une population humaine assiégée et entièrement à leur merci. Un des premiers zombies que l’on voit est un méchant ivrogne du village, campé par l’icône Carol Kane, qui donnait la réplique à Jim Jarmusch dans IN THE SOUP (1992) d'Alexandre Rockwell, également interprété par Steve Buscemi. Carol Kane et Steve Buscemi refont équipe avec Jim Jarmusch pour sa production la plus ambitieuse à ce jour.
Quand il écrivait les rôles de The Dead don’t die, Jim Jarmusch avait en tête plusieurs acteurs et amis, y compris les trois policiers de Centerville. Ce sont en quelque sorte les personnages principaux dans une œuvre chorale qui réunit des dizaines d’acteurs. “Jim aime que les acteurs et toute l’équipe constituent une grande famille. Il favorise cette ambiance pendant le tournage”, témoigne Carter Logan. “Il va chercher les acteurs auxquels il pense pour tel ou tel rôle, ce qui fait gagner du temps. Il n’a pas besoin de passer des semaines en répétition”.
Bill Murray a déjà tourné trois fois sous la direction du cinéaste : dans Broken Flowers,The limit of Control et Coffee and cigarettes. Dans Broken Flowers, Jim Jarmusch avait donné à son personnage dragueur le nom bien trouvé de Don Johnston. Cette fois, il affuble le chef de la police du nom de Cliff Robertson, en hommage à l’acteur hollywoodien éponyme. “J’étais enthousiaste quand j’ai lu le scénario qui était plutôt drôle – et je ne me doutais pas que Jim pouvait écrire une comédie dans cette veine”, reconnaît Bill Murray. “Comme j’ai déjà joué dans ce que je tiens pour le meilleur film de zombie de tous les temps, Zombieland, j’ai presque eu peur que The Dead don’t die m’enferme dans un genre. Peut-être que je vais être associé au film d’horreur de zombie désormais !”
Adam Driver retrouve aussi la famille Jim Jarmusch, peu après avoir tenu le rôle-titre du précédent long métrage du réalisateur, Paterson. Sur le tournage de cette comédie poétique, l’acteur et le réalisateur plaisantaient en se disant qu’ils feraient un jour un film appelé Peterson, interprété par un personnage violent et psychopathe, par opposition au héro pensif et rêveur de Paterson. Quand Jim Jarmusch a écrit The Dead don’t die en pensant à Adam Driver pour le rôle de l'adjoint au visage impassible, il a immédiatement baptisé le personnage Peterson.
Chloë Sevigny a joué dans Broken Flowers après avoir tourné dans le segment de Ten minutes older (2002) réalisé par Jim Jarmusch, “Int. Trailer. Night”. En incarnant Mindy Morrison, l’agent aux manières courtoises, Chloë Sevigny s’éloigne de son habituel style direct et désinvolte pour un jeu plus discret mais parfois hilarant. “C’est le seul personnage du film qui semble affecté par l’apocalypse zombie. Elle est traumatisée”, résume Chloë Sevigny. “Quand j’ai lu le scénario avec Jim, il a bien vu que je trouvais que ce n’était pas une femme très forte. Il m’a dit qu’il y avait déjà beaucoup de femmes fortes dans le film et que j’allais être celle qui flippe. J’ai compris que j’allais devoir prendre sur moi pour le bien du film”.
Très tôt dans l’écriture, Jim Jarmusch est allé voir Tilda Swinton, déjà à l’affiche de l’élégant Only lovers alive en 2013 aux côtés de Tom Hiddleston. Il a demandé à l’actrice quelle sorte de personnage elle voulait jouer : “Je lui ai dit que je souhaitais incarner une employée des pompes funèbres qui est bien embêtée car, comme le nom du film l’indique, les morts ne sont plus morts”, explique Tilda Swinton. “C'est ce que je lui ai répondu, et 18 mois plus tard, Jim m’a envoyé le scénario”. Sous les traits de Zelda Winston, Tilda Swinton donne une touche de glamour à la petite ville banale de Centerville, avec son accent écossais marqué, ses longs cheveux d’un blond argenté, ses kimonos fleuris et son obsession pour les sabres de samouraï. Une obsession qui tombe à point nommé pour affronter les décapitations massives de la seconde partie du film. “Personne ne sait grand-chose de Zelda, ni même d’où elle vient”, explique Tilda Swinton. "À un moment donné, on parle de son air étrange et quelqu’un affirme qu’elle est écossaise, ce qui est déjà assez exotique pour la population de Centerville. Elle est auréolée de mystère : elle est bizarre mais se distingue des autres tordus du film”.
Pour compléter le tableau des habitués du cinéma de Jim Jarmusch, il faut citer Steve Buscemi, qui incarne le fermier raciste Miller après avoir tourné avec le réalisateur en 1989 dans Mystery train avec Joe Strummer. Steve Buscemi et Jim Jarmusch se connaissent depuis la fin des années 1970, à l'époque où Jim Jarmusch était étudiant en cinéma à NYU et s'apprêtait à réaliser son premier film Permanent vacation. Steve Buscemi était quant à lui un acteur qui n’avait pas encore percé dans le cinéma indépendant. Jim Jarmusch évoque un de ses plus vieux amis qui, dans le film, arbore une casquette rouge avec le slogan “Keep America White Again” ("Pour une Amérique blanche") : “J’ai créé le personnage du fermier Miller comme quelqu’un d’extrêmement raciste et étroit d’esprit, justement parce que Steve est la personne la plus ouverte d’esprit que je connaisse”.
Tout comme les acteurs, de nombreux techniciens qui avaient déjà collaboré avec Jim Jarmusch occupent ici le même poste, sauf lorsqu'ils ont été promus. Alex DiGerlando, qui a entamé sa carrière au sein du département artistique sur Broken Flowers avant d'être chef-décorateur de la première saison de True Detective, a conçu les décors de Centerville et de ses environs. La chef-maquilleuse Judy Chin et la chef-costumière Catherine George sont deux fidèles collaboratrices du cinéaste : la première a entamé sa collaboration sur Ghost dog : la voie du samourai et la seconde – avant d'être chef-costumière de Paterson – sur Coffee and cigarettes, où elle était chef habilleuse de Cate Blanchett. Quant au mixeur son Drew Kunin, il travaille avec Jarmusch depuis 1984 puisqu'il supervisait les effets sonores de Stanger than paradise.
Le chef-opérateur Frederick Elmes, qui a éclairé Eraserhead et Blue Velvet de David Lynch entre autres grands classiques, refait équipe avec Jarmusch après avoir signé la photo de Paterson, Broken Flowers Paterson, Night on earth et une partie importante de Coffee and cigarettes (dont le court métrage Somewhere in California). "Fred est l'un de nos plus grands directeurs de la photo en activité", déclare le réalisateur. "Il est investi dans son travail, il a plein d'idées novatrices et il sait mettre en valeur avec simplicité ce qu'on voit à l'écran. On travaille ensemble depuis longtemps et il m'a beaucoup appris en matière de mise en scène". Elmes a choisi de tourner l'essentiel du film en "nuit américaine" – technique cinématographique permettant de tourner en plein jour des scènes censées se dérouler la nuit, qui ramène au style des films à tout petit budget comme La nuit des morts vivants. C'est ainsi que la plupart des séquences nocturnes, dont plusieurs des scènes d'attaques zombies, ont été tournées en plein jour, puis retouchées en postproduction pour simuler l'obscurité.
Les méthodes astucieuses d'Elmes pour régler les problèmes – acquises au fil de plusieurs dizaines d'années d'expérience, remontant à l'époque où il accompagnait les courts métrages de David Lynch – se sont révélées utiles pour plusieurs passages se déroulant dans l'habitacle d'une voiture. Il s'agit notamment des scènes où Selena Gomez et ses copains sont dans la Pontiac Le Mans, et de celles où Bill Murray, Adam Driver et Chloë Sevigny se trouvent dans la voiture de police. En effet, étant donné que la plupart des scènes au volant ont été tournées en studio, les acteurs se sont retrouvés à fixer un mur quand ils regardaient à travers le pare-brise. Elmes et les techniciens du département Effets Visuels ont inséré, de manière infographique, des images de paysages au cours de la postproduction. Autant dire qu'il s'agit d'un travail des plus méticuleux.
Pour Jarmusch, le plus difficile était le recours aux effets spéciaux – physiques et numériques – afin de mettre au point des zombies d'allure délibérément traditionnelle. Réputé pour son approche minimaliste de la mise en scène, Jarmusch s'aventurait, pour la première fois de sa longue carrière, dans l'univers du maquillage prosthétique, des effets visuels et des effets physiques (organes et viscères en silicone, par exemple) convoqués pour rendre les décapitations et les morsures à la gorge plus réalistes au cours de la postproduction.
"Tout le monde connaît The Walking dead, si bien que le spectateur est devenu exigeant vis-à-vis de l'allure d'un zombie aujourd'hui", explique le chef-décorateur. "On a proposé une version d'un zombie qui n'est pas aussi grotesque et austère et qui emprunte aux classiques du genre comme La nuit des morts-vivants". "Tuer la tête", comme on l'entend souvent dans The Dead don’t die, devient le mot d'ordre de plusieurs personnages qui découvrent que le seul moyen efficace d'éliminer les morts-vivants consiste à les décapiter violemment. Dans l'une des scènes les plus mémorables, Tilda Swinton tranche successivement plusieurs têtes de zombies avec son sabre japonais, traversant avec grâce et élégance Centerville dans son ample kimono conçu par Catherine George. Les têtes ne se contentent pas de rouler dans The Dead don’t die: elles tombent et voltigent avec fracas, révélant alors une étrange poussière noire.
"Il y a une chose à laquelle je tenais pour nos zombies – qu'ils soient dépourvus de sang et de fluides corporels", indique Jarmusch. "Quand on les décapite, on voit qu'ils ne sont constitués que d'une poussière noire". Le cinéaste ne voulait surtout pas d'un bain d'hémoglobine à la Tom Savini, le "roi du gore", dont les maquillages prosthétiques et les geysers de sang sont devenus les marques de fabrique du cinéma de George Romero, Tobe Hooper et Dario Argento dans les années 70 et 80. Pour ses effets physiques, à l'instar du maquillage prosthétique, Jarmusch a sollicité la société Prosthetic Renaissance qui a collaboré à Black Swan, The Wrestler et plusieurs films de Martin Scorsese.
Pour les effets visuels, utilisés pour les décapitations notamment, le cinéaste a fait appel aux superviseurs Alex Hansson et Sam O'Hare de Chimney, studio de VFX installé aux quatre coins du monde (Los Angeles, New York et Gothenberg en Suède). Tout récemment, Chimney a conçu les effets visuels de Atomic Blonde, dont une séquence de combat d'une dizaine de minutes où Charlize Theron livre un combat sans merci à plusieurs ennemis. Le chef-cascadeur Manny Sivero, autre fidèle collaborateur de Jarmusch, a chorégraphié les attaques et les scènes de décapitation, faisant appel aux effets physiques (pour les têtes tranchées, par exemple) de Prosthetic Renaissance. Les plans de ces têtes coupées tombant par terre ont été soigneusement filmés pour qu'ils puissent être retravaillés par la suite par le département VFX en postproduction.
Pendant la préparation, Prosthetic Renaissance a conçu des bustes à partir des têtes des comédiens, dont celles de Chloë Sevigny et Carol Kane. Manquant de temps pour fabriquer celui de Selena Gomez, l'équipe, composée du fondateur de la société Mike Marino et de Mike Fontaine, ont trouvé le moyen de se servir du maquillage prosthétique sur le cou de l'actrice pour créer l'effet d'une gorge éviscérée. Grâce aux effets visuels utilisés en postproduction, l'équipe de Chimney a pu effacer le corps de Selena Gomez à la palette numérique. Il ne restait alors plus que sa tête – qui apparaît, tranchée nette, dans une scène où Adam Driver la tient par les cheveux – tandis que l'actrice bat furtivement les paupières après sa décapitation. "Ce qui est génial dans le film, c'est qu'il y a un vrai croisement entre les effets infographiques, les effets physiques, le maquillage et les costumes", signale DiGerlando. "C'était chouette de réfléchir à la manière dont tous ces éléments pouvaient s'assembler, comme les pièces d'un puzzle, et contribuer à instaurer une atmosphère dépassant le strict cadre du scénario".
Les premiers zombies du film sont des amateurs de café, interprétés par Iggy Pop et Sara Driver (Basquiat ; Un adolescent à New York UN). En raison de ses contraintes budgétaires, Jarmusch ne pouvait pas se permettre de maquiller soigneusement tous les acteurs et figurants en zombies et devait donc privilégier certains d'entre eux comme Iggy Pop et Sara Driver. Plusieurs zombies se contentent d'un léger maquillage effectué par la chef-maquilleuse Judy Chin et de costumes conçus par Catherine George, correspondant aux différentes époques auxquelles ils appartiennent. "Il fallait que je décide au cas par cas pour quels zombies on devait faire appel au maquillage prosthétique, ou pas, mais le but était d'avoir un mélange de techniques différentes en gardant en tête La nuit des morts vivants comme modèle du genre", reprend le cinéaste. "C'est donc un mélange lié en partie à un choix artistique et en partie à des contraintes budgétaires".
Alors que les zombies fans de café sortent de leur tombe et quittent le cimetière de Centerville – Sara Driver en bottes à hauts talons et coiffure bouffante, Iggy Pop en gilet de cuir et pattes d'éph en velours à rayures –, on peut admirer le travail de Catherine George. En effet, elle s'est inspirée de Keith Richards et Anita Pallenberg, le couple rock'n'roll ultime du début des années 70. Avant le tournage, la chef-costumière a confié les costumes des deux acteurs à un spécialiste qui, à l'aide de peinture, de poussière et de papier de verre, les a vieillis et patinés. "Les costumes de Catherine ont largement contribué à donner le sentiment que chacun des morts-vivants est une créature bien spécifique", souligne Joshua Astrachan. "Je ne pense pas avoir déjà vu ça au cinéma. On a vraiment l'impression que ces zombies sont des individus à part entière, appartenant à des époques distinctes. C'est bouleversant".
Pour parachever le style des zombies, le coiffeur Jasen Sica n'a presque pas retouché la coiffure d'Iggy Pop – si ce n'est qu'il a donné à ses cheveux une allure répugnante – afin que sa silhouette emblématique reste parfaitement identifiable. En se servant d'un après-shampoing et de poussière, il a transformé Sara Driver en blonde sexy – mais cradingue – des années 1972, donnant à sa coiffure un côté bouffant à la Brigitte Bardot. "Je voulais qu'elle soit jolie et qu'elle n'ait pas les cheveux en vrac", précise Sica.
Tandis que ce couple maudit se dirige vers le restaurant de Centerville en quête de caféine et de chair humaine, le travail de Judy Chin et de son équipe – en collaboration avec Marino et Fontaine de Prosthetic Renaissance – prend alors toute sa dimension. "Jim voulait qu'on retrouve le style hollywoodien classique des films de zombies, loin de séries comme The Walking dead", indique Judy Chin. "Il a raison quand il dit que les zombies de La nuit des morts-vivants sont plus effrayants que dans n'importe quel autre film. Pourtant, si on regarde attentivement les figurants en arrière-plan, certains ne sont pas du tout maquillés. Mais ils sont terrifiants ! On n'est pas forcément obligé de recourir à un maquillage gore ou délirant pour être flippant". Mike Marino ajoute : "Jim, de manière générale, n'est pas partisan d'une débauche d'effets, si bien que le recours aux effets physiques et au maquillage prosthétique était inédit pour lui. Dans les films à effets, on a besoin d'une organisation minutieuse et d'un gros boulot en amont du tournage. Il comptait sur nous pour qu'on lui explique comment se débrouiller".
Hostile au maquillage prosthétique pour Iggy Pop, l'équipe maquillage a blanchi son teint pour faire ressortir ses pommettes saillantes et accentuer le vieillissement de son visage, tout en faisant en sorte que ses traits restent reconnaissables. "Son visage et la forme de son crâne sont incroyables", reprend Marino. "Il suffisait d'un peu de maquillage sur son visage, d'accentuer les veines et de lui appliquer des croûtes. On ne pouvait concevoir un zombie épuré qu'avec un acteur comme Iggy Pop".
Le maquillage de Sara Driver était encore plus simple : l'équipe a utilisé des couleurs et des textures naturelles, des gels coiffants et des laques pour conserver son style rétro. "Le personnage de Sara est mort au début des années 70, si bien qu'on a joué sur l'effet d'un fard à paupières bleu et des faux cils, en conservant ses traits mais en donnant à sa peau une allure craquelée", précise Judy Chin. "J'ai ajouté un peu de couleur sur ses joues pour bien détacher ses pommettes". Pour que ses dents aient l'air gâtées, Judy Chin a fait appel aux services de la société spécialisée Mouth Effects.
Si le physique imposant de Iggy Pop est aussi rigide et déstabilisant, c'est grâce à Mike Fontaine qui a vaporisé le corps entier de l'acteur à la bombe de latex : Iggy Pop devait ainsi rester immobile et les bras en l'air pendant de longues heures dans la caravane de maquillage. Le comédien raconte : "Jim a dit à l'équipe de maquilleurs que j'avais l'air trop en forme pour être un zombie convaincant et qu'il fallait me donner une allure un peu déglinguée. Ils fondent sur vous et vous maquillent pendant une heure ou deux pendant que vous êtes assis. Et puis, on vous asperge de latex et on commence à se sentir comme un personnage d'Edgar Allan Poe. Il y a des saletés dans vos cheveux et vos yeux, vos vêtements sont répugnants et vous êtes couvert de faux sang".
Avant le tournage, l'équipe de Prosthetic Renaissance a organisé plusieurs rendez-vous pour réfléchir aux matériaux susceptibles d'être utilisés pour reproduire l'effet des zombies en train de manger de la chair humaine ou des membres du corps. Mike Marino témoigne : "Jim voulait qu'on voie Iggy en train de mâcher des intestins et on a donc débarqué sur le plateau avec une fontaine à eau remplie de saucisses, mais aussi de sauce barbecue pour simuler le sang et de gros morceaux de banane ramollie ressemblant à du gras – le tout dans une eau à 37° !" Sara Driver dévore la chair d'une employée du restaurant, interprétée par Eszter Balint, à l'affiche de Stranger than paradise (1984) produit par Sara Driver, alors âgée de 25 ans. Au cours du tournage, la séquence morbide a semblé durer une éternité : Sara Driver continuait à dévorer les fausses entrailles du corps éventré d'Eszter Balint, composé sur mesure par l'équipe de Prosthetic Renaissance. "Jim ne disait pas 'Coupez', si bien que je continuais à dévorer la pauvre Eszter", se rappelle Sara Driver.
Transformer Iggy Pop et Sara Driver pour la première attaque de zombies de The Dead don’t die n'était pas simple. Mais les séquences de l'apocalypse zombie étaient bien plus complexes encore. Alors que le film bascule peu à peu vers un assaut massif de morts-vivants, les équipes maquillage, costumes et coiffures ont dû coopérer étroitement et se coordonner pour métamorphoser les nombreux figurants en zombies. "Certains jours, on maquillait jusqu'à une vingtaine de personnes dans la caravane en même temps, c'était du délire", indique Mike Fontaine. "On leur appliquait plusieurs couches successives, comme de la peinture, mais on a trouvé des moyens de gagner du temps pour créer les effets de croûte noirâtre voulus par Jim, à l'instar de marc de café mélangé à de la colle qu'on tartinait sur le visage et le corps des acteurs à l'aide de pinceaux". Marino ajoute : "C'était un vrai défi de maquiller tant de zombies en un si court laps de temps. On tâchait de répondre aux demandes de Jim le plus vite possible tout mettant tout en oeuvre pour que les zombies soient réussis sur un plan esthétique". Travaillant avec plusieurs dizaines de figurants, dont chacun devait être rapidement transformé en zombie (aux côtés des acteurs principaux), Judy Chin et ses trois assistants étaient censés maquiller d'innombrables personnes sous une chaleur estivale épouvantable… qui empêche le maquillage d'adhérer facilement à la peau. "Quand on n'est pas un vrai peintre, c'est difficile de faire en sorte qu'un individu ait l'air d'être réellement mort", indique la chef-maquilleuse. "Ça a l'air simple à faire – creuser les yeux, faire ressortir les pommettes et donner au visage de l'acteur une allure émaciée et macabre. Mais c'est difficile à réaliser en n'utilisant que de la peinture pour marquer les contours des pommettes, sans donner le sentiment qu'il s'agit d'un contour. Notre mission consistait à donner l'impression que nos zombies n'étaient pas passés entre les mains d'une équipe de maquilleurs !"
The Dead don’t die a été tourné dans le nord de l'État de New York en juillet et août 2018. Avant le tournage, le régisseur d'extérieurs Jeff Brown a rencontré Jarmusch et Alex DiGerlando pour trouver une petite ville susceptible de camper Centerville et raisonnablement proche de New York, tout en étant la bourgade américaine typique. "On recherchait une ville pittoresque et spécifique qu'on remarque immédiatement", indique Brown. "Il fallait qu'on sache aussitôt si tel ou tel bâtiment était le commissariat ou un motel". Au bout de deux semaines de repérages infructueux dans les petites villes de banlieue boisées et cossues des comtés de Rockland et Westchester, Brown et son équipe ont étendu leurs recherches à des comtés plus éloignés dans l'espoir de trouver une bourgade charmante et rurale. "S'il y avait des bâtiments de plus de deux étages, ça n'allait pas", poursuit Brown. "De même, si le coin était trop construit ou trop moderne, ou qu'il y avait de grandes chaînes de magasin, ça ne nous convenait pas du tout". Sur les conseils de la Hudson Valley Film Commission, l'équipe a sillonné les comtés d'Ulster, Delaware, Dutchess, Sullivan, Greene et Orange, dont la plupart abritaient de petits villages et des fermes. Avec le soutien de la Commission et de Google Maps, l'équipe des repérages a réussi à réduire la liste des lieux de tournage envisageables à 15 bourgades.
Au cours de repérages ultérieurs avec Jarmusch, Brown, Elmes, DiGerlando et le producteur Carter Logan, l'équipe est tombée sur le village de Fleischmanns, situé près de Middletown dans la région montagneuse du comté de Delaware, dont la population s'élève à 322 habitants seulement. Le dernier film à y avoir été tourné, Julian Po avec Christian Slater, remonte à 1997. Ce petit village, situé dans les Catskills, à une trentaine de kilomètres de Woodstock et loin de toute autoroute, était heureux d'accueillir ce nouveau tournage.
"Dans le scénario, Centerville est une petite ville où l'on trouve un restaurant, une quincaillerie et un commissariat, mais elles ne sont pas si nombreuses à correspondre à nos critères", indique Brown. "Le village de Fleischmanns était parfait parce qu'il comporte une rue principale avec des magasins et des devantures, mais aussi des maisons donnant sur des champs".
La taille modeste du centre-ville permettait de contrôler facilement les déplacements des zombies au moment où ils déambulent, très nombreux, vers la fin du film. Parmi les divers bâtiments situés à proximité de l'artère principale, on trouve un commissariat (créé par la production dans un magasin désaffecté), un motel et une ferme. Hormis les scènes du restaurant et de la station-service, la production avait déniché les sites qu'elle recherchait dans ce petit village du comté de Delaware. Mieux encore, Fleischmanns et ses environs abritaient une population qui était prête – et désireuse – d'être métamorphosée en zombies dans la chaleur épouvantable du mois d'août.
Une fois le village repéré, DiGerlando a construit les intérieurs de l'entreprise de pompes funèbres où Zelda Winston (Tilda Swinton) embaume des cadavres et pratique les arts martiaux : l'intérieur est à mi-chemin entre une maison victorienne et un lieu de culte bouddhiste. DiGerlando a construit la quincaillerie de Thompson ex nihilo, aménageant d'infimes détails dans un espace confiné pour une scène décisive où les zombies attaquent Danny Glover et Caleb Landry Jones retranchés à l'intérieur. Le décorateur de plateau Kendall Anderson a sillonné la région à la recherche de magasins de bricolage en dépôt de bilan pour que la production puisse racheter leur matériel et reproduire fidèlement la quincaillerie d'une petite ville.
Si chaque spectateur pourra interpréter The Dead don’t die librement, la chanson atemporelle et nostalgique, qui donne son titre au film, offre sans doute quelques pistes intéressantes. Écrite par le chanteur de country Sturgill Simpson, lauréat d'un Grammy Award, elle fait écho à l'intrigue et à la mythologie américaine – surtout en ces temps troublés. C'est une chanson qui parle d'apathie, d'indifférence et de fugacité des êtres dans un monde en mutation, où des personnages tentent de préserver leur libre-arbitre et leurs libertés de plus en plus restreintes – comme si nous étions tous des zombies cherchant à se raccrocher à leur petit confort matériel. "Il y a un café qui nous attend à chaque coin de rue", raconte Simpson dans la chanson. "Un jour, nous allons nous réveiller et constater que le café a disparu".
Jarmusch, grand fan du chanteur depuis son premier album "High Top Mountain" (2013), l'a contacté très en amont du projet : il souhaitait une chanson qui puisse être entendue fréquemment dans le film afin de souligner les thématiques du récit. On voit d'ailleurs les "hipsters", Selena Gomez en tête, acheter un CD de la chanson dans la supérette de Caleb Landry Jones, tandis qu'Adam Driver prononce à haute voix le titre dans la voiture de police. Après avoir envoyé le scénario au chanteur, Jarmusch lui a seulement demandé d'écrire la chanson dans un style country classique et de lui donner le titre du script. "'The Dead Don't Die' est un petit bijou qui pourrait avoir été écrit en 1961 et être tombé dans les oubliettes de l'histoire", signale Jarmusch dont le groupe SQÜRL a composé la partition extra-diégétique du film. "C'est la seule musique de source du film et on entend des extraits de la chanson environ cinq ou six fois". La chanson poignante de Simpson, avec ses accords de country traditionnels et ses voix émouvantes, souligne la nature éphémère de la vie humaine et nous invite à nous ressaisir et à apprécier les détails autour de nous. "Il y aura de vieux copains dans cette ville que vous connaissez bien – et à qui vous parliez autrefois lorsque vous leviez votre nez de votre téléphone", conclut Simpson.
Synopsis :
Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : The Dead don’t die – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.
The Dead Don't Die
Un film écrit et réalisé par Jim Jarmusch
Produit par Carter Logan, Joshua Astrachan
Avec Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Chloë Sevigny, Steve Buscemi, Danny Glover, Caleb Landry Jones, Rosie Perez, Iggy Pop, Sara Driver, RZA, Carol Kane, Selena Gomez, Tom Waits
Directeur de la photographie : Frederick Elmes
Montage : Affonso Gonçalves
Production : Animal Kingdom
Distribution : Focus Features
Date de sortie : 14 Mai 2019 (Cannes), 14 juin 2019 (Etats-Unis)
Durée : 103 minutes
(Source : Dossier de presse)