Table-ronde - Table Ronde avec l'acteur Aaron Eckhart (vf)

Par Mulder, Paris, Hôtel Park Hyatt Vendôme, 07 janvier 2014

 

Aaron Eckhart : Bonjour à tous. Je prétends parler français mais c’est faux . Allons-nous faire cette interview en français (joke) ?

Q : Aaron, c’est la première fois que vous interprétez un personnage totalement supernaturel.

Eckhart : Je pense que l’on peut dire cela en effet. Pour moi, ce film traite d’un homme à la recherche de son âme et de l’amour. C’est un homme qui a été rejeté par son père. Il essaye de trouver sa propre identité. C’est cela qui m’a intéressé dans ce film. Lorsque j’ai lu le script, je me suis dit super c’est comme ma vie, mon adolescence. Quand j’étais adolescent, je me sentais moche et je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie. J’avais l’impression que tout le monde me haïssait, j’étais effrayé. Je n’aimais pas mes parents comme la plupart des adolescents en rébellion. Ils sont basiquement à la recherche de ce qu’ils veulent faire de leur vie et en lutte. C’est ce que j’ai trouvé dans l’histoire de Frankenstein à laquelle tout le monde se réfère. C’est ce que j’ai apprécié dans ce script.

Q : Mais dans le livre de Mary Shelley, c’est plutôt une histoire psychologique. La créature Frankenstein est très profonde

Eckhart : Dans l’histoire du cinéma, nous sommes tous partis des écrits de Mary Shelley. Frankenstein est très perceptif et apprend vite. Il s’adapte avec ses observations. Il survit. Il a toute cette culpabilité due au fait qu’il a été rejeté mais il recherche l’amour. Il effraye tout le monde. Dans les précédents films, nous avions cette image d’un homme avec des boules dans la tête et qui marchait difficilement. Il ne parlait pas non plus très bien. Avec le live de Mary Shelley, j’ai fait une comparaison avec les différentes adaptations au cinéma et je peux vous dire que dans ces films, il ne s’agit pas de Frankenstein. Il est une personne très sensible. Il recherche l’amour. C’est ce qu’il recherche. C’est ce qu’il veut dans sa vie. C’est à propos de tout cela. J’ai mis cela dans le film. A la base, c’est une approche très proche du Frankenstein de Mary Shelley. C’est très différent aussi. C’est un monde fantastique composé de gargouilles et de démons. L’essence du film c’est un homme qui est à la recherche de l’amour et d’autres choses. Je suis parti du livre de Mary Shelley et je suis arrivé à cette vision de ce personnage. C’est un homme qui essaye de faire sa propre voie dans ce monde.

Q : Concernant votre entraînement, est-ce que c’est quelque chose que vous pratiquiez déjà ou que vous avez appris spécifiquement pour ce rôle ?

Eckhart : oui, six mois avant le film, je me suis entraîné. Connaissez-vous la technique du combat de bâton ? Je n’avais aucune idée de ce qu’est cette technique de combat. J’ai lu le script et je me suis demandé ce qu’il y avait à propos de ces bâtons. Est-ce que je devais réellement utiliser ces bâtons ? C’est ce qu’ils appellent le combat de bâton. J’ai dit alors ok. Ainsi, un jour, un homme est venu frapper à la porte. Son nom est Ron Balicki. Il est un des meilleurs combattants au monde de combat de bâton. Chaque jour nous nous somme entraînés pendant environ trois heures et nous avons combattu. J’ai appris à combattre parfaitement. Nous avons aussi appris la technique du combat dans l’obscurité et d’autres choses et je me suis alors rendu en Australie. J’ai dit à mon entraîneur qui travaille également dans les spéciales opérations de résistance d’essayer de me tuer. Il a essayé chaque jour mais n’a jamais réussi. Ce que vous voyez dans le film est uniquement une petite part de ce qu’est le combat de bâton parce que certaines choses que j’ai apprises pour ce film ne sont pas dans ce film. Un film peut faire deux heures ou plus. Nous avons faits de nombreuses scènes de combat de bâton, de nombreux combats aussi. J’étais en excellente forme pour ce film parce que je devais enlever mon t-shirt. Pour jouer un tel personnage, il faut être en excellente forme. Ainsi ce fut un film très physique et le plus éprouvant que j’ai pu faire. Nous avons tourné et également combattu de nuit. Voilà en ce qui concerne les combats de ce film.

Q :.Vous semblez habitué à jouer des personnages avec une double personnalité. Comment avez-vous préparé ce rôle ? Comment avez-vous travaillé pour réinventer ce monstre d’anthologie ?

Eckhart : pour tout dire, ce n’est pas moi. Je n’ai fait que lire le script. Stuart Beattie est le scénariste et réalisateur, c’est son histoire. Il a imaginé tous les éléments comme les gargouilles et les démons. Il a imaginé les combats de bâton. Stuart a choisi les arts martiaux pour son film. Il a une ceinture noire et a également pris des leçons de combat de bâton et il a dit que cela serait bien dans ce film et c’est ainsi que les combats de bâton sont arrivés dans ce film. Vous savez comme acteur, je dois faire une multitude de choses. Les personnes me demandent si je fais telle ou telle chose. Je suis un acteur. Je fais pratiquement tout que cela soit un bon ou mauvais caractère. Cela ne m’importe pas. Je ne fais que jouer. C’est une chose différente pour moi. Cela me permet d’être dans différentes atmosphères et de travailler avec différentes personnes. Je dois avoir différentes pensées. En ce qui concerne ce personnage je pensais que les personnes allaient me demander si j’avais vu d’autres acteurs dans ce rôle. Ce n’est pas la manière dont je travaille. Je dis que ce n’est pas la manière dont je sens les choses. Quand je sens que je suis amoureux et que personne ne m’aime en retour. J’ai essayé de chercher dans mon inconscient et trouver matière en moi pour ce rôle. Comme vous vous en rappelez I Frankenstein présente un caractère dans le film qui sait que personne dans le monde ne connaît Frankenstein. Il y avait beaucoup de pression à ce sujet. C’était un pari risqué parce que plusieurs personnes pouvaient devenir folles face à cette relecture. Elles ont leur propre idée de ce que devrait être Frankenstein et aussi leur opinion ce qui devrait aussi bien joué Batman et Superman. Chacun a sa propre idée.

Q : Quelle est votre opinion ?

Eckhart : J’apprécie Ben Affleck. Je pense que c’est un très bon choix. Je pense que Ben est un grand acteur mais comme vous le savez on ne peut pas plaire à tout le monde. Vous verrez, cela sera intéressant de voir ce que les gens vont en penser. Je pense que les gens qui ont aimé le livre de Mary Shelley ne seront pas contents mais les enfants n’ont aucune idée préconçue à partir de cela. Ils vont adorer le film. Ils vont adorer les combats de bâton. Ils vont aimer les superbes gargouilles et tout cela. Regardez le public actuel, il veut cela, il aime cela. Ce que le public va aimer dans ce film est son climat atypique, ce voyage vers la vie. Ce film est à propos de ma vie, votre vie et ce que vous voulez faire de votre vie. Il faut avoir le courage d’écouter votre instinct, de vous écouter et d’avoir le courage de chuter et de vivre votre vie. Pour moi, ce film est à propos de tout cela, de vous éloigner de vos parents et d’autres choses et de construire votre propre personnalité. C’est un film sur la lutte du bien contre le mal. Je pense que la base de ce film est très solide et témoigne d’un vrai respect. C’est probablement plus que vous vouliez savoir.

Q : Vous avez joué un méchant dans le film The Dark Knight et maintenant vous interprétez l’effrayant Frankenstein. Trouvez-vous un certain plaisir à interpréter ce type de rôle ?

Eckhart : J’apprécie m’investir dans ces personnages parce que comme vous le savez comme au théatre, il y a ce masque triste. Si on faisait un exercice en mettant chacun un masque différent et en devenant un autre personnage un peu comme dans une école de cinéma, c’est incroyable ce qui pourrait nous arriver. Vous devenez un personnage totalement différent en fonction de votre masque. Pour ce film, j’étais assis pour un maquillage deux à trois heures chaque matin. J’étais en face d’un miroir et les maquilleurs me mettent différentes choses sur mon visage. A force, vous devenez furieux. Après deux heures, vous êtes nerveux. C’est ce qui est arrivé. Sortir ses griffes c’est bien aussi. Mettre un tel costume a eu un impact sur mon corps, mes pensées et cela m’a aidé. Ainsi quand vous jouez un tel personnage qui a des cicatrices vous êtes maquillé et vous ressemblez à quelque chose d‘autre afin de le représenter. Ainsi quand je regarde ce personnage, je peux imaginer son passé. Tu dois jouer avec toi-même. Avec le personnage Double-face , personne ne savait à quoi il devait ressembler. Son apparence a été générée par ordinateur. Uniquement Christopher Nolan savait à quoi il devait ressembler. Quand j’ai vu The Dark knight pour la première fois, je fus impressionné. C‘était impressionnant. C’était hallucinant. C‘était aussi réussi que ces gargouilles dans ce film et personne ne savait à quoi elles allaient ressembler. Le réalisateur disait vouloir regarder en arrière mais il n’y avait rien au préalable. Comme je suis dans ce film ? Quand je regarde ce film, ces gargouilles qui viennent et me prennent, leur puissance c’est aussi impressionnant. Vous vous demandez comment elles font.

Q :. Nous parlons du livre de Mary Shelley mais le film est tiré d’un comics, le saviez-vous ?

Eckhart : oui il a été à la base de la conception de ce film. Le réalisateur Stuart Beattie a utilisé le comics et cela a été autant son inspiration que le livre de Mary Shelley. Tout le film repose sur la vision de Stuart de ce monde. Stuart peut voir les règles dans ce monde. Il y a tout un tas de règles sur ce film. Les démons meurent de telle manière. Tout vient des idées de Stuart dans ce film. Il a tout changé. Tout est différent.

Q : Lisez-vous des comics ?

Eckhart : Regardons voir. J‘ai lu des comics où apparaissait Harvey Dent. Je ne suis pas un grand lecteur de comics. Je les apprécie mais je pense que ces comics sont parfaits pour de tels films ou comme The Dark Knight parce qu’ils sont très héroïques. Ils sont en noir et blanc. Il n’y a pas de gris dans les comics. C’est par exemple, je te tue ou tu me tueras, nous allons faire l’amour. Les comics ont généralement un message fort. Les gars sont de la vieille école. Il y a beaucoup de force dans ces comics qui fonctionnent parfaitement dans ces films. Ainsi quand les comics ont des personnages principaux féminins, c‘est la même chose. Je ne sais rien d’Angelina Jolie dans le film Wanted mais elle y est excellente

Q : Quelles ont été les scènes les plus difficiles dans le film pour vous ?

Eckhart : Ce furent celles avec les bâtons. Elles furent très dangereuses et difficiles parce que quand vous êtes dans un tel film, vous jouez et non prétendez et voulez tuer ce gars. Ainsi vous devez jouer de telle manière et vous tenir difficilement parce que vous devez stopper à partir d’endroits précis et vous avez aussi l’impression d’être un sac de pommes de terres et ils vous redemandent de rejouer les mêmes scènes. Imaginez-vous que vous êtes frappé. Vous devez être très précis avec ces gens-là qui ne savent pas comment le faire, c’est simple. Mais quand vous avez deux acteurs qui viennent juste d’apprendre leur rôle c’est impossible. C‘est très difficile. C’est la chose la plus difficile dans ce film.

Q : Avez-vous été blessé durant le tournage ?

Eckhart : oui, je me souviens d’avoir eu le bras cassé durant le tournage en sautant d’un rocher, heurté le sol et ils m’ont dit qu’ils gardaient la prise et qu’elle serait dans le film. Je suis allé voir un médecin et j’ai fini ce film avec un bras cassé. Il est impossible de ne pas être blessé dans ce genre de film.

Q : Pensez-vous être trop vieux pour ce genre de film ?

Eckhart : non

Q : Jouerez-vous dans d’autres films indépendants ?

Eckhart : Ce qui est intéressant sur le fait d’être vieux, je peux l’être mais je peux encore vous botter les fesses. Ce n’est pas parce que vous faites un film que vous ne pouvez pas en faire un autre. Je peux les faire tous. Pourquoi je n’essaierais pas non plus de réaliser un film, d’en produire un, d’écrire une chanson ? C‘est uniquement vous qui dites que je ne peux pas le faire. Moi, je dis que je peux faire tout ce que je veux.

Q : Quel est votre prochain projet ?

Eckhart : Je ne sais pas si vous pouvez appeler cela un film d’action. Ce film s’appelle Incarnate (réalisé par Brad Peyton), j’y joue un alcoolique en rechute dans une chaise roulante et qui doit continuer à vivre. C’est une sorte de Double-Face. Il aide les gens. C‘est une toute petite production et j’apprécie ce personnage. La plupart des raisons pour lesquelles je choisis ces films c’est le personnage. Le challenge d’être dans une chaise roulante est fun ou que le réalisateur me dit que je dois utiliser ses bâtons. Ainsi, je serai dans une chaise roulante. Je ne sais pas ce que je ferai ensuite. Je pense que vous avez dû entendre parler du film London is falling (suite du film La chute de la maison blanche du réalisateur Antoine Fuqua) mais je n’en sais pas plus pour le moment. Je vais sûrement y participer. Incarnate sera un film sympa, c’est un film d’horreur. Je ne sais pas si pour vous I, Frankenstein est un film d’horreur, pour moi c‘est plutôt un film d’action et fantastique. Après les films d’horreur, j’aurai tout fait. C’est tout ce que je peux faire. Je suis retraité (en plaisantant). Je n’ai que 45 ans. J’ai encore une dizaine d’années à travailler mais c’est quelque chose à laquelle vous devez penser.

Q : J’ai une question à propos de Harvey Dent. Pensez-vous qu’il y aura une autre version dans quelques années ?

Eckhart : Je pense que s’ils le font, je ne sais pas si je serai dedans. Je pense qu’il s’agira de quelqu’un d’autre. Ils vont réinventer le rôle. C’est intéressant parce que les films The Dark Knight et The Dark Knight rises c’est la vision de Christopher Nolan et il est un vrai génie. Il est tellement brillant. Je ne sais pas ce qu’ils voudront faire de ce personnage. J’ai aussi été surpris concernant la production d’un film avec Batman et Superman. Cela sera intéressant. Je pense réellement qu’ils donneront le rôle de Harvey Dent à un autre comédien. Ils vont le réinventer. Je ne sais pas par contre si les spectateurs voudront le voir.

 

Avec tous nos remerciements à Alexia Pépin et Zvi David Fajol de l’agence WayToBlue
Propos recueillis par Marie Laure
Transcription et traduction : Mulder
Montage video: Mulder