Master-Class - Albert Dupontel

Par Mulder, Paris, 09 octobre 2013

Q : Pouvez-vous nous dire d’où vous est venu l’idée de ce film ?

Albert Dupontel : merci pour votre question, c’est en voyant le documentaire très sérieux de Raymond Depardon, 10e chambre – Instants d'audience (2004), documentaire évidemment touchant, vrai et sincère que cela m’a donné l’idée de ce film. Comme quoi les choses vraies et simples peuvent accéder à un récit un peu granguilionesque (?). Si vous n’avez pas vu ce documentaire, je vous le recommande vivement. Depardon a posé sa caméra pendant six mois dans un tribunal correctionnel avec des vraies tranches de vie et l’héroïne de ce documentaire, des passages principaux est la juge Michèle Bernard-Requin (présidente de la 10ème Chambre). Vraie juge dans la vie et qui dans le film fait le juge à la fin du film. C’est un des petits points sérieux de ce film.

Q : J’aimerais juste savoir si vous vouliez dénoncer involontairement le manque de.. ? Face à vous je bégaye et je perds mes mots. En fait ma question était de savoir pour quelles raisons le titre du film était 9 mois ferme et savoir si vous vouliez dénoncer quelque chose via votre film.

Dupontel : on comprend pourquoi certains font de l’informatique (ton humoristique). Ne perdez pas votre sang froid c’est l’essentiel (ton humoristique). Du coup, je ne me rappelle même plus quelle était la question. C’est quelqu’un qui parle le même dialecte que moi. Qu’est-ce que je peux vous dire par rapport à cela, je n’en sais rien. J’ai perdu le fil de la conversation, excusez-moi. Répétez la question si vous voulez. La justice n’a pas besoin de moi pour être ridicule (ton humoristique). Ce n’est pas mon attention de parler de la Justice en s’en moquant mais c’était des petits clins d’œil qui sont anodins, ce que je voulais c’était vraiment faire une histoire d’amour improbable entre le juge et son jugé. Cela part de cela. Pour tous mes films j’essaye de faire rencontrer des gens qui ont une probabilité de rencontre très faible. Je trouve que l’on est tous un peu perdu dans l’existence. On vit et on meurt sans savoir pourquoi. Plus je vieillis, plus je rencontre cette récurrence chez les gens que je croise. Dans ce documentaire magistral de Depardon, j’ai trouvé ce magistrat aussi perdu que les accusés. Quand je suis allé dans un tribunal pour un excès de vitesse, j’y ai passé une journée et j’ai été assez fasciné entre les faits divers sans aucun intérêt qui étaient exprimés et les pauvres magistrats qui passaient leur vie à écouter cela. Je ne sais pas après lequel était le plus en prison, était-ce le gars qui venait ou le magistrat et sa prison c’était un tribunal et quelque part il passe sa vie à entendre des choses assez insignifiantes et sans grand intérêt et aussi très tristes. C’est de ce constat là que j’ai fait ce film. Cette femme raconte un peu sa vie. C’est pour cela qu’il y a dans ce film un début très scolaire avec une voix off et Sandrine qui regarde la caméra frontalement. Je voulais faire un truc très sobre et très sommaire. Elle raconte sa vie. Elle se ment. Elle dit mon père est parti, c’est un lâche et tous les hommes sont des lâches. L’homme est un irresponsable mais il veut que l’on s’occupe de lui. Elle se raconte un peu qu’elle est la justice. C’est ce pseudo taré et débile qui va la révéler à elle-même. C’était le sens de l’écriture du scénario.

Q : … question inaudible..

Dupontel : je vais vous faire répéter la question, si je la comprends cette fois-ci.

Q : Concernant l’écriture du film, combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ?

Dupontel : j’ai été assez laborieux sur celui-là. Ce n’est pas toujours le cas. J’ai mis environ dix-huit mois entre le tout début et les réécritures qui ont suivies car à chaque fois que le casting changeait, je l’ai à chaque fois renouvelé. J’ai eu beaucoup de mal à l’écrire car pour des raisons personnelles, j’ai dû m’enfermer dans une chambre en Espagne en décembre 2010 en jurant que je n’en ressortirais qu’avec un scénario. C’est ce que j’ai fini par faire. En général, je fais beaucoup de notes sur des cahiers et j’avais deux cahiers qui étaient remplis de dialogues et qui sont plus ou moins dans le film, des références et etc.. Après tout cela, je ne pouvais ne plus travailler. Je pense avoir très peur de travailler, c’est une grosse paresse. Cela a été assez laborieux et une fois que cela a été fait, j’ai changé l’écriture petit à petit en fonction du décor que l’on trouvait, des acteurs, très importanst. Sandrine est arrivée tardivement dans le casting. Tout cela a un peu changé l’écriture. Je pense que normalement en étant un peu moins paresseux cela représente un an. Pendant ce temps, vous direz que Woody Allen fait trois films. Chacun fait ce qu’il peut. L’écriture, cela a été un peu laborieux.

Q : J’aimerai savoir comment vous êtes venu à Sandrine Kiberlain ?

Dupontel : Sandrine, c’est un heureux accident en fait. Je voulais faire le film en anglais au départ. Terry Gilliam que peut être les cinéphiles ont reconnu dans le rôle de Charles Meatson "famous man-eater" m’avait dit il y a longtemps un échec en anglais voyage plus qu’un succès en français. Malheureusement il a raison. C’est le drame de notre culture qui est en train de disparaître. Ayant beaucoup brodé au cinéma indépendant dans les années fin 1980, début 1990, cela fait plusieurs fois que j’essaye de faire une production française mais en anglais. J’avais commencé avec une actrice anglaise Emma Thompson pour ne pas la nommer. On avait commencé à travailler et la production s’est révélée plus compliquée et on a eu des problèmes de sous, je n’étais pas certain de garder les prérogatives qui sont les miennes à savoir une liberté totale sur le montage, j’y tiens énormément. Je suis allé en France et j’ai sollicité des actrices de grand talent mais je ne trouvais pas ce que je voulais. Cela a été assez bizarre. J’en ai fini par douter très fortement de la validité intellectuelle de ce personnage en me disant que c’est une construction d’esprit qui t’arrange mais en fait n’existe pas. J’ai laissé tomber le projet en mai 2012 et entre temps Sandrine avait lu le scénario via un agent et a fait savoir à la productrice qu’elle voulait qu’on se rencontre. Je lui ai demandé beaucoup dans un sens, savoir si elle voulait faire des essais et elle m’a dit oui avec beaucoup d’humilité ce qui était sûrement un très bon signe. Dans les essais, j’ai fait la scène de l’auto jugement de son ventre, son doigt vengeur sur son ventre et qui est pour moi la scène la plus violente du film quand quelqu’un arrive à se nier à ce point-là et quand on est juge en plus à utiliser la procédure d’un tribunal pour quelque part vouloir tuer son enfant. Je lui ai fait faire cela mais également la scène qui est plus une comédie où elle accuse mon personnage de tous les faits divers depuis dix ans. Dans les deux cas, il a fallu que je la filme pour m’en rendre compte. Tout ce qui est de Sandrine en dehors de son talent d’actrice, il y a un truc qui ressort, c’est son humanité, une tendresse, une compassion. Lorsqu’elle s’énerve, on ne lui en veut pas. Lorsqu’elle sur son bureau, on a envie de l’aider. J’ai dû la filmer pour m’en rendre compte, ce qui en dit long sur mon intuition de casting directeur. C’est comme cela que je suis arrivé à Sandrine. Aujourd’hui, je n’arrive pas à imaginer quelqu’un d’autre dans le rôle ce qui prouve que ce rôle-là l’attendait.

Q : bravo pour cet excellent film que vous avez réalisé. La récurrence dans tous vos films c’est vous, comment en continuant sur le casting est ce que vous vous dites ce rôle je vais le jouer.

Dupontel : quand j’ai voulu faire ce film en anglais, j’avais sollicité déjà des acteurs anglophones Ewan McGregor par exemple que j’aime beaucoup mais à première vue le scénario ne l’intéressait pas, enfin bref. Ce n’était pas du tout une obligation. Quand je suis rentré en France, je redécouvre un artisanal bio dans lequel j’ai fait des films et à défaut d’être une plus-value artistique, c’est sûr je suis une plus-value budgétaire car je participe très largement et gracieusement au financement de mes films et c’est en plus en plus un personnage, une marionnette que je manipule depuis mes spectacles et que j’aime bien et qui est assez spontanée, qui me permet bien d’asseoir ma démonstration, qui m’aide à raconter une histoire. C’est un cousin germain de Bernie. Il est assez facile. Je n’écris pas du tout pour me donner un rôle mais il est pratique. C’est aussi bête que cela. En plus, je me suis rendu compte à la fois sur Le Vilain et sur ce film que le fait de jouer avec des actrices était quelque chose qui me rapprochait beaucoup d’elles. Je pense avoir gagné l’estime de Catherine Frot en « irruptant » ( ?) avec elle devant la caméra mais parfois c’était un peu laborieux. J’ai gagné la complicité de Sandrine en faisant ce film. Je gagne plus de mes acteurs en participant. C’est autre chose qu’un mec didactique derrière son combo qui dit ce qu’il faut faire. J’ai essayé de faire avec eux. Cela me rapprochait beaucoup d’elles. Voilà, c’est un peu la raison. C’est évident que tôt ou tard la nature m’obligera à la fois d’être d’un seul côté et j’ai aussi envie. Aujourd’hui le fait quand je dis en rigolant que c’est une plus-value budgétaire c’est vrai. C’est un film avec un budget au-delà du raisonnable et si demain j’ai des acteurs que j’aime beaucoup. Il y a aussi mon acteur français que l’on voit dans le film que j’aime beaucoup cela me mettrait une pression commerciale sur le film que je n’ai pas envie d‘avoir et que je trouve assez trivial. Même si on aimerait faire des entrées, c’est évident, ce n’est pas non plus destiner à être un blockbuster national. C’est pour toutes ces raisons que j’endosse ces oripeaux.

Q : Avez-vous un projet avec Dujardin ?

Dupontel : En théorie oui. C’est un acteur que j’aime beaucoup. C’est comme Benoît Poelvoorde que j’aime aussi beaucoup et tôt ou tard j’aimerais faire un film avec eux. Il faut être plus précis que cela.

Q : J’ai adoré votre film. Je me demandais de quelle manière vous vous inspirez des gens que vous rencontrez, que vous connaissez pour créer vos personnages. Il y a quand même une question assez forte autour de la paternité, de la maternité, de la légitimité à devenir parent et c’est aussi un portrait très typique de la femme carriériste, moderne qui n’a pas finalement pas confiance en elle. Sa mère n’avait pas confiance en son père. Je me demandais de quelle manière vous en êtes venu à cette réflexion-là au-delà d’une histoire d’amour un peu surprenante et comment vous venez à construire ces personnages-là.

Dupontel : c’est assez intuitif en fait. Il n’y a pas d’analyse précise psychologique. Je n’aime pas trop la psychologie dans mes films. Quand je fais acteur, j’essaye d’en mettre le moins possible. C’est assez intuitif. Je pense que on est tous le fruit d’une éducation aussi parfaite qu’elle est voulue être et qui n’est pas parfaite. On a tous nos doutes. Il suffit d’aller chercher et croquer dans les gens que l’on voit autour. Je décèle assez facilement chez les gens les mêmes doutes que j’ai en moi. On voit tous chez les autres ce que l’on redoute en soi. C’est une phrase de Balzac et elle est assez juste. C’est assez pratique. Plus je vieillis et plus je vois des gens autour de moi. Je me dis que c’est évident qu’il a peur de cela, qu’il a envie de cela. Je croise ces gens. C’est un cumul de tous ces gens que j’ai pu croiser depuis que je me rends compte des autres. Il n’y a pas d’analyse psychologique. Je n’aime pas trop en faire. Par contre les clowneries ou les excès des personnages, c’est quelque chose que l’on trouve dans la réalité. Dans le documentaire de Depardon, il y a un avocat qui commence sa plaidoirie en disant que son client comparait aujourd’hui devant vous madame la Juge pour avoir taper sa femme, et cet avocat poursuit en disant que vous savez tous que l’on a déjà tapé sur sa femme. C’est pourtant vrai. A partir de cela, c’est un truc vrai, alors pourquoi ne pas faire un avocat bègue. Pourquoi pas, c’est légitime même si c’est un cadeau empoisonné donné à un acteur et ainsi de suite. Imaginez le pire ou la clownerie de quelqu’un, des fois on le trouve dans la réalité. Pendant que j’écrivais justement, j’ai vu dans un bandereau de la télé un jour que le Pape François avait décidé à sévir contre la pédophilie au Vatican, c’est quand même comique. Il n’a pas dit qu’il allait interdire mais qu’il allait sévir. C’était pour eux une information importante. Attention, cela ne peut plus durer (dit sur un ton humoristique). On appelle cela de l’info imbécillité. Je trouve cela assez rigolo car les écrans de télé sont surchargés d’infos les plus inutiles les unes des autres. Elles sont souvent très alarmistes voire alarmantes. C’est toutes ses observations. La psychologie des personnages c’est plus intuitif qu’un truc froid et raisonné.

Q : Par rapport à tous les gags qui sont dans votre film, est-ce à la base des choses qui vous font rire et que vous l’injectez dans le scénario ?

Dupontel : c’est déjà une histoire très sérieuse, très noire. A plat, l’histoire n’est pas drôle car c’est l’histoire d’une femme qui apprend qu’elle est enceinte d’un monstre. Ce n’est pas ce qu’on appelle un sujet de comédie dans le sens traditionnel du terme. C’est quelque chose de très noir. Je passe beaucoup de temps à rendre cette histoire crédible et à connecter les personnages les uns avec les autres. Au moment de préciser quelles sont mes attentions, l’idée c’est quand même malgré tout d’extraire les gens Après est- ce de la séduction sociale, est-ce une vraie envie profonde, je ne sais pas mais en tout cas la seule référence que j’ai dans le cinéma est Chaplin. Les histoires de Chaplin sont terribles et la façon dont il les raconte est extrêmement altruiste. Il pense à nous quand même. On peut faire des films magnifiques comme ceux de Depardon, il y a plein de gens qui font des choses comme cela. Il y a aussi une façon de raconter en disant que ce n’est pas drôle mais pourtant je vous le raconte et je vais essayer de vous distraire avec cela. Cela se passe en deux temps et après les acteurs arrivent et il y a les répétitions, le découpage du film très important avec des tas de couleurs différentes. Même en court de montage, je fais des reprises pour accentuer encore la comédie que je ne trouve pas assez efficace. C’est tout un processus qui se met en place. Mais, je ne commence pas le scénario en disant qu’il faut une scène dans laquelle un personnage doit se prendre une statue sur la tête. Cela arrive pour beaucoup tardivement. Pour résoudre le petit artifice, c’est bien que la statue lui tombe dessus car pour moi cela me fait marrer.

Q : merci pour ce film qui est amusant et profond. Sur un tout autre sujet, j’aimerais savoir comment s’est passé le tournage au palais de justice.

Dupontel : effectivement, on a pu tourner dans le palais de justice de Paris mais cela a été compliqué pendant le tournage, il a fallu faire lire le scénario. On a pu tourner la scène du réveillon dans le hall du palais de justice qui est d’architecture gothique. Je vous conseille de ne pas connaître (manière humoristique). Quand on y va c’est rarement pour visiter. C’est l’ancien palais de Saint Louis. C’est un paradoxe entre la beauté du lieu et toutes les tragédies qui s’y déroulent au quotidien. J‘étais un peu gêné d’être là pour un film qui est assez mineur par rapport à ce qui s’y passe. Il y avait le hall Verlais, on a fait la nuit du réveillon des avocats et des magistrats. On a aussi tourné dans la cour du juge d’instruction. C’était un lieu assez sensible. En gros, les magistrats pouvaient passer quand ils voulaient. Il fallait interrompre la prise dans ce cas du tournage. C’était à nous de jongler. Les couloirs, c’est quand l’avocat commence à se présenter dans le film et explique que la juge est terrible. Quand elle sort dans sa robe rouge, c’est des choses que l’on a fait dans le vrai couloir du juge d’instruction du palais de justice, c’est tout près de la cellule anti-terroriste et du parquet anti-terroriste. C’est un lieu très sensible. On a eu la chance de faire cela. On a fait quelques extérieurs mais tout le reste la morgue, les bureaux de la juge Felder a été fait dans un hôtel particulier de Paris qui était désaffecté et qu’ on a réinvesti pour le tournage. Dans ce même décor, on a fait treize scènes. Ils ont été très accueillants avec nous. On a même fait un truc avec le plan séquence d’ouverture.

Q : Je n’ai pas de question…

Dupontel : alors suivant (ton humoristique)

Q : (suite)… Je voulais juste vous remercier car une scène m’a particulièrement plu, c’est la scène où on voit le bébé émerger. Certains disent que le cinéma est la science de donner du rêve et d’élaborer les images rêvées. C’est ce que j’ai vu. Cela m’a donné l’image un peu spatiale du bébé.

Dupontel : l’idée était en fait de dire comment on passe de six mois à neuf mois. Au début de la rotation, il a six mois et plus le temps passe et il arrive à neuf mois. Il y a un fondu de lumière particulier sur la prise de plateau. J’ai réduit l’image de Sandrine dans l’éclairage du plateau, une petite étincelle d’étoile et après en reculant c’est également ce que l’on peut voir au travers d’un liquide amniotique d’un bébé mais c’est aussi une vocation et vous avez compris, l’astuce est belle. Il y a aussi une référence à Kubrick et à tous les gens qui ont fait cela. Au départ ce n’était que pour montrer le temps qui passe, une petite ellipse.

Q : bonsoir, je voulais savoir quelle était la part d’improvisation si il y en avait dans le film ou si le scénario était très écrit et les dialogues suivis à la lettre ?

Dupontel : il n’y a eu qu’une scène improvisée, c’était la scène autour du berceau pour le choix du prénom. Pendant longtemps, j’ai hésité à la laisser dans le film car elle était tellement prévisible et qu’elle n’avait pas l’architecture du film. Après tout, après l’avoir montrée à plusieurs reprises, les gens dans la salle l’acceptent volontiers car c’est peut-être la fin du film et qu’ils souhaitent s’en aller peut être. En fait, tout est très écrit et je fais des répétitions avant et j’encourage les acteurs à changer le plus possible s’ils le souhaitent car des fois ce que je trouve drôle dans leur bouche c’est plus drôle. Ils ont des instructions. On répète. Sandrine a été très fidèle au texte, elle y tenait. Nicolas Marié (Maître Trolos) c’était un peu fou donc il a fallu le cadrer par rapport à ce qu’il faisait. Ce qui est amusant dans le cadre de son rôle c’est quand il évoque les anthropophages en Nouvelle Guinée, c’est un truc vrai qui existe et repris dans un livre qui s’appelle De l'inégalité parmi les hommes, de Jared Diamond qui est quelqu’un de très connu. Effectivement dans les années 50, ils ont découvert en Nouvelle Guinée que les gens des montagnes étaient cannibales et pas ceux qui étaient sur le bord des plages car ils manquaient de protéines. Cela nous faisait rigoler car on avait l’espoir d’éduquer les masses en louzdé. Nicolas raconte des histoires incroyables mais c’est vrai que ce n’est pas parfait en pleine plaidoirie pour s’appuyer là- dessus. Nicolas a beaucoup travaillé et s’est réapproprié le personnage. Globalement, ils sont tous fidèles à un texte précis. Il y a aussi beaucoup de scènes qui disparaissent au montage. Il y a une phrase que j’aimais bien chez Philippe Duquesne (Dr Toulate), il s’appelle ainsi car au début le film devait être en anglais. Je l’avais appelé au début le Dr Toolate, pour un médecin légiste, cela me faisait rigoler. Donc, il commençait dans sa phrase avec Sandrine, son dialogue durait plus longtemps, il disait « pouvez-vous m’en dire un peu plus, pourquoi vous voulez cet ADN par ordinateur et tout » et elle lui répondait « c’est une histoire politique » car on sentait que son personnage était très concerné par la politique. C’est pour cela qu’il y a une photo du Che Guevara dans la salle d’autopsie et il disait alors « c’est toujours pareil, dépêchons- nous ils peuvent bloquer l’enquête » et elle disait « voilà » et là il y avait cette phrase assez énigmatique « la société c’est l’inverse de la montagne, plus on monte et plus cela pue ». Cela me faisait beaucoup rigoler mais cela a disparu au montage car cela ralentissait petit à petit le film qui commençait à gagner en intérêt et ce qui arrive au personnage joué par Sandrine est plus important que le reste. Toutes ses petites répliques m’intéressaient beaucoup à l’écriture mais ont disparu ensuite.

Q : j’ai une question et vous n’aurez pas forcément de réponses. En fait pendant le film, il y a beaucoup de moments où je trouve que vous arrivez très bien à capter ces moments de gêne de tous les jours qui peuvent être très simples mais qui mettent extrêmement mal à l’aise. Je pense notamment au moment où le juge est très lourd et la drague et finit par chanter dans l’escalier et il continue et n’arrête jamais. Il y a quelque chose de très gênant, on finit par rigoler mais il y a vraiment ce moment très fort de gêne. Il y a aussi ce moment où votre personnage est devant la porte prêt à partir et qu’il a vu qu’il était le père de son enfant et en même temps il ne sait pas trop. Il y a quelque chose d’incroyablement bien capté et j’aurais aimé savoir comment vous dirigez ce genre de scènes ?

Dupontel : bah très simplement. Elles sont très écrites. J’ai une idée très précise de ce que je veux faire par rapport à cela. Elles sont très écrites. Par moment concernant la scène de l’escalier, c’est écrit moment de gêne entre les deux. Il y a même un plan qui est un peu vicieux entre guillemets c’est qu’il croit qu’il va l’embrasser à un moment donné mais c’est juste pour ouvrir la porte. Ce n’est pas innocent, c’est fait exprès. Il s’agit de deux inhibés qui ne sont pas affectifs, ils ont beaucoup du mal à communiquer. Pour moi la scène était claire. Bizarrement en répétition c’est passé comme une lettre à la poste. On a tourné tout de suite cette scène et cela s’est passé très bien. C’est simple à écrire par contre après il faut bien savoir pourquoi cette scène elle est là. Le jour où on fait la scène, en répétition, je cherche ce sentiment. A partir du moment où on cherche on finit par trouver. Des fois, on ne sait pas ce que l’on cherche, c’est une errance intellectuelle pendant plusieurs jours sur le plateau.

Propos recueillis par Mulder, le 09 octobre 2013.
Avec nos remerciements au club 300 et plus particulièrement à Maylis
Vidéo et photos: Mulder