Interview - The Florida Project : Notre interview du realisateur Sean Baker

Par Mulder, Paris, 20 novembre 2017

Q : Après notre première interview fait durant le festival du cinéma américain de Deauville en 2015 pour votre précèdent film Tangerine, c’est un véritable honneur pour notre media de faire cette seconde interview pour The Florida project. Pouvez-vous nous parler des origines de ce film ?

Sean Baker : Les origines de ce film relèvent de mon coscénariste Chris Bergoch. C’est lui qui a commencé à m’envoyer des articles entre 2011 et 2012 sur ce qui se passait à Kissimmee près d’Orlando en Floride. Je fus intrigué, je ne savais pas ce qui se passait aux Etats-Unis honnêtement. Il y a des personnes isolées et des familles avec des enfants qui vivent dans ces motels. J’ai pensé qu’un tel sujet pouvait être intéressant et cela a pris plusieurs années à le concrétiser. Nous n’arrivions pas à trouver les finances alors nous avons fait le film Tangerine qui nous a permis finalement de faire ce film que nous avons tourné en 2016.

Q: Que pouvez-vous nous dire de votre casting et comment avez-vous repéré vos comédiens pour être sûr d’avoir fait le bon choix ?

Sean Baker : J’ai procédé par différentes méthodes. Nous avons eu recours à un directeur de casting à Hollywood pour trouver des comédiens comme Willem Dafoe, Caleb Landry Jones mais nous avons aussi eu recours à des compagnies locales de casting pour les enfants et ce fut très important pour moi. Cela nous a permis d’avoir des comédiens locaux. Nous avons aussi fait du casting de rues soit par moi ou aussi par Patti Wiley ma coordinatrice de casting. Elle a grandi dans des motels. Elle a tout à fait compris ce que je recherchais. Elle savait quel type de personne je cherchais. Elle a été fantastique pour m’aider à faire ce type de casting. Ma contribution pour ces castings de rue m’a permis de trouver Jancey (Valeria Cotto).Je l’ai rencontré dans un Target. Bria Vinaite a été repérée sur Instagram. Ashley (Mela Murder) je l’avais vu dans un court-métrage découvert sur internet. On a ainsi pu mixer tous ces processus de casting. J’ai aussi découvert quelque chose que je ne savais pas, vous devez avoir un ressenti pour ces personnes. Tout est question de feeling. Par moment c’est une combinaison de qualités personnelles et physiques et vous devez ensuite les tester et voir si cela fonctionne à l’écran et être très chanceux. La plupart du temps dans ma carrière, j’ai pu trouver les bonnes personnes

Q: Quelles recherches avez-vous faites pour être le plus réaliste possible ?

Sean Baker : La plupart du temps ce fut des interviews. Tu interviews toute la communauté. Cela signifie aussi bien les résidents de ces motels que les managers, les petites entreprises locales et les agences qui procurent des services sociaux. Tout cela est question de perspectives et de voir qui sont ceux qui sont les plus enthousiasmes pour nous ouvrir leur univers. Nous avons eu un manager d’un motel qui n’a pas été que transparent dans sa manière d’être au quotidien mais dans sa manière de gérer un motel mais aussi nous a parlé de sa vie privée et grâce à lui j’ai été capable de créer le personnage de Bobby.

Q: Pouvez-vous nous parler de la dernière scène du film dans laquelle les deux jeunes héroines courent à travers l’avenue principale d’un parc d’attractions ?

Sean Baker : C’était évidemment notre fin de film. C’était dans l’ imagination et dans notre process créatif à Chris Bergoch et à moi dès nos premières réunions. Nous savions que notre fin serait une fuite dans ce parc d’attractions. Nous ne savions pas par contre si cela allait un échappatoire littéral ou non. Nous ne savions pas non plus si cela allait être la fuite de l’héroïne uniquement ou d’elle et de son amie. Il fallait se poser la question. C’était aussi une image que nous avons eue dès le début.

Q: Comment avez-vous travaillé sur ce film avec le superviseur musical Matthew Hearon-Smith?

Sean Baker : il nous a aide à acquérir les droits de la chanson Celebration de Kool & the Gang. Ce fut un deal très important. Il a pour rôle d’obtenir des droits musicaux autant que possible. C’est une chanson très connue dans le monde. Une chanson très chère à obtenir. J’avais déjà aussi travaillé avec lui sur mon précédent film Tangerine pour lequel il m’avait aidé à obtenir les chansons du film.

Q: Que pouvez-vous nous dire des principales difficultés de travailler avec de jeunes comédiens ?

Sean Baker : C’est juste une manière de diriger un film différemment. Vous devez adapter votre manière de filmer pour ces enfants ce qui signifie donner plus d’explications. Cela signifie certaines fois jouer soi-même pour que les choses soient faites. Mais je pense que c’est surtout sur le fait de garder ces enfants éveillés et jamais qu’ils ne s’ennuient parce qu’une fois qu’ils le sont, leur énergie n’est plus disponible. Sur ce film j’ai travaillé avec une coach pour épauler les comédiens. Son nom est Samantha Quan. Elle a travaillé avec les quatre enfants de manière très proche durant l’été et ce fut un vrai Plaisir.

Q: Après Tangerine, votre nouveau film est également sur des personnes qui vivent en marge de la société. Qu’aimez-vous autant à parler de cette communauté ?

Sean Baker : C’est une question dfficile à répondre car ce n’est pas un choix clairement libéré. Ce n’est pas comme si je cherchais à la prochaine communauté. C’est en général inspiré par les lieux ou un groupe de personnes que je trouve sous représenté et pour lequel j’aimerais en apprendre plus sur leur monde. C’est lié à mon éduction. Le projet de faire un film est lié au fait de m’éduquer et de me faire rencontrer de nouveaux amis. Cela me permet de rencontrer de nouvelles personnes. Dans cette société quoi que nous essayions nous sommes toujours bloqués et pris dans ses cycles. Ces cycles sont controlés par des genres, des races, des classes. Faire ces film est manière de voir plus de ce monde. J’ai maintenant des amis que je n’aurais jamais pensé avoir. C’est très égoïste mais c’est là que vient mon processus créatif et c’est ma manière de dire que je ne vois pas assez de ces choses au cinéma et à la télévision. C’est de là que vient ma volonté d’apporter quelque chose. Je crois en la diversité.

Q: Quels sont pour vous les éléments importants pour réussir un film indépendant ?

Sean Baker : Je pense qu’il y a beaucoup de concurrence. Les nouveaux outils sont excellents car il permettent à tous ceux qui veulent réaliser un film de le faire et cela crée encore plus de compétition. Vous devez ouvrir vos films à des sujets d’actualité et leur donner de réelles prospectives. Je pense aussi que nous sommes dans un monde dans lequel les spectateurs regardent les films sur différents supports (téléphone, écrans, portables). C’est donc maintenant une nécessité de faire des choses plus cinématiques que les spectateurs veulent réellement voir au cinéma. Vous devez faire des choses loin de ce qui est proposé à la télévision ou dans des webépisodes. Vous devez faire des films que les spectateurs veulent voir sur des grands écrans.

Synopsis:
Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney world, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…

The Florida Project
Un film réalisé par Sean Baker
Produit par Sean Baker, Chris Bergoch, Kevin Chinoy, Andrew Duncan, Alex Saks, Francesca Silvestri, Shih-Ching Tsou
Sur un scenario de Sean Baker, Chris Bergoch
Avec : Brooklynn Prince (Moonee), Bria Vinaite (Halley), Willem Dafoe (Bobby), Christopher Rivera (Scooty), Caleb Landry Jones (Jack), Karren Karagulian (Narek), Mela Murder (Ashley), Valeria Cotto (Jancey)
Cinematography Alexis Zabe
Montage : Sean Baker
Production : Cre Film, Freestyle Picture Company, Cinereach, June Pictures
Distribution salles France: Le Pacte
Date de sortie : le 20 décembre
Durée : 115 minutes

Nous tenons à remercier Sean Baker pour avoir répondu à nos questions
Un grand merci également à Marie Queysanne