Festivals - Fantasia 2020 - #ShakespearesShitstorm - Notre interview de Lloyd Kaufman

Par Mulder, Canada, Quebec, 27 août 2020

25 ans après Tromeo et Juliette, La Tempête de William Shakespeare devient : #ShakespearesShitstorm une satire suprême à la sauce Kaufman de ce meilleur des mondes, intolérant aux opinions différentes, allergique aux micro-agressions et se plaignant à outrance. Revoilà notre cher oncle Lloyd et son gang de Tromanarchistes, qui donnent un doigt d’honneur bien mérité à l’hyper-hypocrisie ambiante, et qui rit au nez des États-Unis de la Bienséance. Un ouragan de folie, un syndrome de Tourette filmique, célébrant les 45 ans de cinéma irrévérencieux de Troma, pour la joie de tous les cinéphiles du monde entier.

Dans le cadre du festival international Fantasia, nous avons eu la chance de nous entretenir longuement avec Lloyd Kaufman

Q : Nous sommes avec le légendaire, le réalisateur, le producteur, l'acteur Lloyd Kaufman... Votre société, Troma Entertainment, est la plus ancienne société de cinéma indépendante. Vous l'avez créée avec Michael Herz. Vous avez réalisé The Toxic Avenger et Tromeo and Juliet. De votre premier film La fille qui revient. Pour #ShakespearesShitstorm , comment voyez-vous votre filmographie en tant que réalisateur ?

Lloyd Kaufman : Je suis très fier. Le seul film pour lequel j’ai honte est Big Gus, What's the Fuss? (1973). C’est un film que nous avons tourné en Israël et j’ai perdu la liberté de mise en scène. C’était un cauchemar mais tous les autres films c’est comme Toxic Avenger, trente-cinq ans, pas de réclame, pas de problème de relations publiques, rien et il y a des cinémas qui continuent à le présenter. C’est pareil pour Citizen Toxie: The Toxic Avenger IV (2000) dans les drive-in. Autrefois certains avaient peur de présenter un film de Trauma car certains pouvaient avoir peur. De plus en plus de drive-in présentent nos films. Nos films sont festifs.

Q : Quelle a été votre principale inspiration pour devenir réalisateur ?

Lloyd Kaufman : très bonne question. L’inspiration vient de regarde des films d’auteurs et aussi des cinémathèques, des cahiers du cinéma. Lorsque j’étais à l’université de Yales, mon colocataire était le chef du département cinéma de l’université. Mon intention n’était pas de travailler dans le domaine du cinéma, je voulais enseigner ou être travailleur social ou quelques choses comme cela. Peu à peu j’ai regardé les films que mon ami avait choisi pour l’université de Yale. J’étais inspiré. Je voyais le plus de films possibles. Je regardais ce qui jouait dans les cinémas à New York et il y avait beaucoup de rétrospectives et il y avait aussi à la 42ème rue un cinéma qui présentait deux films chaque jour et celui-ci montait des films de John Ford, Howard Hawks, Samuel Fuller. Chaque dimanche le New York Times listait tous les films qui allaient sortir au cinéma et je vérifiais la liste et ainsi j’ai pu voir par exemple le film Play Dirty d’André De Toth, On pouvait aussi voir des films de Tay Garnett au cinéma comme One Way Passage (1932). C’est maintenant impossible de voir sur grand écran des films de Tay Garnett. Il était un bon réalisateur. On pouvait voir des films dans les années 60 en 35 millimètres comme ceux de Cheyenne Autumn, Seven Women de John Ford, des films de Howard Hawks. Il y avait braucoup de bons films qui passaient sur la 42ème rue à New York. A cause des cahiers du cinéma, des films de Claude Chabrol ,Jean Luc Godard, François Truffaut et des auteurs qi pensaient que le film devaient être ressentis par votre cœur, votre cerveau et votre âme et que le moteur de création ne devait pas être forcément l’argent. L’art de mettre en scène est important. Créer un film c’est un travail d’équipe et nous disons toujours que c’est l’équipe Trauma qui créé des films. Je n’ai jamais signé un de mes films comme étant un film de Lloyd Kaufman. C’est la Trauma Team. J’en suis le dictateur mais un dictateur bénévole.

Q : Pouvez vous nous parler de la production de #ShakespearesShitstorm ?

Lloyd Kaufman : Cela prend deux à trois ans pour monter un film, Tromeo et Juliette cinq années. #ShakespearesShitstorm a pris deux années pour écrire et monter ce film et un an pour préparer et cinq semaines de tournage. C’est vraiment un film de cinquante millions de dollars tourné pour moins de cinq cent milles dollars. Ce fut un film très dur à tourner. Si on parle des scénaristes et réalisateurs, je suis très fan des films d’Alfred Hitchcock. Lorsque le tournage de ce film a été fini, je suis tombé malade pendant trois jours et j’ai revu notamment avec le film Vertigo. C’est si difficile de tourner un film. Ce film est vraiment fait pour nos fans. Certaines personnes qui ont participé à ce film sont venus bénévolement de France, du Canada (Montreal, Toronto), Californie. Le directeur de la photographie est venu de la Californie. La première personne caméra est venu de Danemark (Copenhague). Le production designer est venu du Japon. Ils sont tous des fans des films Troma. Ils voulaient tourner un film pour lequel ils seront fiers. Cela c’est mieux que recevoir un Academy Awards car on peut acheter celui-ci. Harvey Weinstein il l’acheté avec beaucoup de publicités. Maintenant l’Academy Awards a perdu de sa splendeur. Dans l’un de mes premiers travails, j’ai travaillé sur le plateau de tournage du réalisateur John G Avildsen du film Joe (1970). C’était le premier film de Peter Boyle et de Susan Sarandon. Il avait couté que 125 milles dollars. Il était un réalisateur pas connu. Les acteurs n’étaient pas connus. Ils ont eu une nomination pourtant pour meilleur scénario par l’Academy Awards. C’est impossible de voir cela aujourd’hui.

Q : Peut-on parler d'une recette de Troma dans la conception de vos films ?

Lloyd Kaufman : pour moi, la seule chose qui est dans ma tête est de tourner quelque chose auquel je crois. Nos films sont des satires sociales, abordent le droit des femmes. Le film Class of Nuke 'Em High aborde par exemple les dangers du nucléaire notamment d’une centrale qui allait être construite près de New York City. Le film Poultrygeist: Night of the Chicken Dead (2006) s’attaque à McDonalds. J’adore les comedies musicales.

Q : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de la réalisation de ce film ? Quels sont vos projets pour la distribution de ce film ?

Lloyd Kaufman : Cela devient de plus en plus difficile de distribuer des films. Aux Etats-Unis toutes les lois et les règles contre les monopoles ont disparu. Non pas à cause de Donald Trump mais à cause de Bill Clinton et Ronald Reagan. Maintenant à cause de Donald Trump, ils veulent détruite la neutralité d’internet, l’internet démocratique. Certains studios de cinéma appartiennent à des sociétés de télécommunication. Autrefois la loi permettait de tout mettre sur internet. Maintenant seules les grosses compagnies sont aidées. Si nous ne pouvons pas payer pour exister sur internet, ils vont nous bloquer. Les grosses sociétés vont pouvoir continuer à exister et se développer, nous non. Ce n’est pas agréable. Par contre la bonne chose est que je produis maintenant notamment un film actuellement en montage en Angleterre. Le film a couté moins que cinquante mille dollars. Mercedes The Muse tourne Divide & Conquer un film aussi en Californie mais elle a dû arrêter à cause du coronavirus. Il y a pas mal de films et heureusement Troma a des fans mais cela devient de plus en plus difficile de contenter nos fans. Par exemple, youtube a supprimé notre chaine qui contenait trois cent films gratuits et huit cent milles fans. Ils ont dit qu’elle ne remplissait pas les obligations des chaines youtubes. Je suis pourtant honoré dans tous les pays même en Afrique, en Egypte. J’ai eu une centaine de récompenses en Italie, Angleterre, France, Japon, Chine, Russie. Le musée de Modern Art à New York a proposé pendant deux saisons une rétrospective avec notamment Tromeo et Juliette. Tout l’auditoire était des vieillards. Le musée est très fier de Troma. Cela devient de plus en plus difficile de parler avec nos fans. Nous sommes comme en Russie où le gouvernement prend vos passeports alors vous n’existez pas. J’étais à Cannes il y a deux ans et on m’a dit « Lloyd Kaufman, vous êtes encore vivant » . ils étaient étonnés que Troma existe encore. Grâce aux fans, on continue de tourner. C’est très difficile de gagner de l’argent même si nos films sont meilleurs que la plupart des films indépendants. Nous sommes des artistes. Van Gogh s’est coup son oreille et il s’est tué.

Q : Kate McGarrigle est tellement étonnante, drôle, sympa dans ce film. Chaque scène avec elle est parfaite. Comment l'avez-vous rencontré et comme c'est passé votre collaboration avec elle. ?

Lloyd Kaufman : Elle est formidable. Elle est incroyable. Nous prenons beaucoup de temps pour trouver nos acteurs. Nous ne payons pas beaucoup. Les deux amants principaux du film ont eu un peu de nudité même si tout le monde veut être nu sur le grand écran. Elle est venue une douzaine de fois pour auditionner et elle était très amusante. Elle est très douée comme comédienne. Sa voix est formidable qand elle chante. C’était absolument formidable. Ce qui est intéressant est que nous avons perdu notre comédien, qui devait être son amant dans le film, une semaine avant le tournage. Kate nous a dit que son petit-ami est drôle et que peut être il pourrait le remplacer. Il est venu. Il était formidable et très drôle. On a eu de la chance de l’avoir.

Q : Quand on voit votre film, on pense en fait aux films de Troma mais aussi à des films comme BrainDead de Peter Jackson, Basket Case de Frank Henenlotter. Nous pensons aussi aux comédies de Mel Brooks que vous citez dans le film. Comment se fait ce mélange de comédie, d’horreur. ? Que pouvez vous nous dire de votre collaboration avec Gabriel Friedman ?

Lloyd Kaufman : J’écris l’histoire. Gabriel Friedman qui a écrit Poultrygeist: Night of the Chicken Dead (2016) et qui a aussi été monteur pendant dix ans sur nos films. Il organise l’histoire avec moi. C’est lui a pensé à ces baleines qui chient pour ce film car son père lui avait montré un livre. Le pays d’Albanie nous a aussi prêté un bateau qui était à leur armée.

Q : Votre film est une comédie horrible qui ne recule devant aucun excès, il est défloré, irrévérencieux et en même temps il semble être une façon de regarder votre passé ?

Lloyd Kaufman : Nous faisons beaucoup de répétitions. Dans notre bâtiment à New York dans le Queens, tout le film a été tourné et on filme en vidéo avec la handycam. Après on visite des plateaux et on répète encore avec des petites caméras. On voit quels sont les objets à créer spécialement pour le film et comment on va les utiliser. Tous nos comédiens et comédiennes sont très jeunes. La plupart n’a jamais tourné sur un plateau. Les répétitions donnent l’occasion aux jeunes comédiens de s’habituer à tourner devant une caméra. Pendant le tournage, il est toujours possible de réécrire le scénario. Si j’ai de nouvelles idées, j’ai un assistant pour m’aider à changer le scénario mais aussi pendant la préproduction n’importe qui peut apporter des idées. Kate McGarrigle et Erin Patrick Miller, les deux amants du film ont beaucoup improvisé. Kate et Eric Patrick sont aussi amants dans la vie et étaient un peu inquiets devant la caméra. Zac Amico qui avait joué dans Return to Return to Nuke 'Em High Aka 1 & 2 était ici aussi comédien et deuxième assistant réalisateur dans ces deux films aussi est ici aussi comédien. Il était aussi dans ce film le second réalisateur. Quand il n’était pas devant la caméra, il restait avec moi et on parlait ensemble pendant qu’on tournait. Il m(a donné beaucoup d’improvisation même après un an de préparation et des mois de répétitions. On pouvait avoir toutes les discussions et perdre du temps pendant les répétitions. Il n’y a pas beaucoup d’argent dépensé pendant les répétitions mais quand on tourne cela est très cher. Tout le monde est sur la même longueur d’onde. Cela nous permet d’avoir assez de confiance pour improviser et on le fait beaucoup.

Synopsis :
Le scientifique fou Prospero (Lloyd Kaufman) et sa fille aveugle Miranda (Kate McGarrigle) trouvent refuge à Tromaville, pour fuire un groupe de cadres malfaisants d’une société pharmaceutique, dont fait partie sa sœur Antoinette (Lloyd Kaufman) qui a ruiné sa carrière alors qu’il venait de trouver la cure contre la dépendance aux opioïdes. Avec l’aide d’une prostituée handicapée accro au crack (Amanda Flowers), il prend sa revanche et donne une énorme quantité de laxatif à des baleines alors que ses ennemis sont sur un bateau de croisière en direction de la Corée du Nord. Une gigantesque, et littérale, tempête de merde s’abat sur le navire et tous échouent alors à Tromaville. Prospero peut enfin mettre en marche sa vengeance ultime.

Shakespeare’s Shitstorm
Réalisé par Lloyd Kaufman
Produit par Justin Brennan, Patricia Kaufman, Justin Martell
Sur un scenario de Brandon Bassham
Basé sur La Tempête de William Shakespeare
Avec Zac Amico, Frazer Brown, Vada Callisto, Catherine Corcoran, Elizabeth D'Ambrosio, Monique Dupree, Amanda Flowers, Ahkai Franklin, Zoë Geltman, Dai Green, Dylan Mars Greenberg, Teresa Hui, Lloyd Kaufman, Kate McGarrigle, Erin Miller, Julie Ann Prescot, Debbie Rochon, Abraham Sparrow, Nadia White
Musique de Filipe Melo
Directeur de la photographie : Lucas Pitassi
Montage : Sebastian Martinez
Production : Troma Entertainment INC
Distrbution : Troma Entertainment INC
Date de sortie : 20 août 2020 (Canada)
Durée : 94mns

Photos : Copyright Troma