Entretiens - Rock’n’Roll … Of Corse : Notre interview avec le legendaire Henri Padovani

Par Mulder, Paris, 15 avril 2017

Q: Vous êtes une véritable légende du Rock’n’Roll. Vous avez participé à la création du groupe mythique Police avec Stewart Copeland et Gordon Matthew Sumner (Sting), vous avez été le drecteur et vice-président de IRS Recods, été le manager de Zucchero.. Que réprésente pour vous la musique de manière générale et pourquoi ?

Henry Padovani : La musique est comme ma maitresse et ma mère. Comme une religion. Comme le sens de ma vie. J’ai tout appris avec la musique. Comme un tout. J’ai abordé beaucoup des différents aspects de la musique, que ce soit en tant que musicien, producteur ou manager et je pense que j’ai abordé chacun des aspects avec la même passion et le même respect. Que ce soit par innocence ou par curiosité, j’ai donné autant dans chaque aspect. Et la musique me l’a bien rendu. La musique m’a toujours donné une réponse à toutes les questions que je me suis posées. La musique est un monde parallèle, peuplé d’amis, documenté par des milliers de disques. Tous mes amis sont dans les disques que je possède. C’est un beau monde et j’ai de la chance d’y vivre au quotidien.

Q : Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec Lionel Guedj et Stéphane Bébert ? Avez-vous pu intervenir sur les choix des différents documents d’époque ?

J’ai d’abord rencontré Lionel dans un bar à bastille. Il avait lu le livre, m’avait appelé et voulait faire un film. C’était une nouvelle aventure. J’ai dit oui. Le film et la production tout le truc, était son problème. Moi j’étais partant. Mais, je bouge beaucoup. Il devait suivre... quant aux archives, je les ai laissé faire. Je suis partisan de ' chacun son job'. Ce n’est pas mon film. C’est le leur. Je n’en suis que le sujet. Evidemment, je les ai aidés, et les ai aiguillés vers des gens que je connais et qui pouvaient avoir ce qu’ils cherchaient. Mais ils ne pourront pas dire que j’ai émis le moindre commentaire sur le choix des archives ou le montage. Ils ont fait un super boulot.

Q : Ce documentaire passionnant retrace une partie de votre vie et surtout est agrémenté d’excellentes interviews. Il met surtout en avant la véritable amité entre Stewart Copeland et Sting. Quel regard critique portez-vous sur cette période de votre vie ?

Henry Padovani : Je ne focalise pas sur cette période de ma vie. Elle fait simplement partie de ma vie. Je comprends que la somme de toutes ces aventures et de tous ces amis puissent rendre le film intéressant, mais la suite, cette période actuelle l’est tout autant. En tous cas pour moi. Je ne porte aucun regard sur le passé. Il existe. Le présent est toujours bien plus intéressant. L’amitié quand elle est forgée , elle continue. A cette époque, on se serrait les coudes, nous étions des saltimbanques, et les saltimbanques doivent se battre continuellement. Nous avons combattu un système pour se faire une place. Ensemble. Et nous étions jeunes. Ça forme des amitiés solides.

Q : Quel est pour vous le meilleur album studios de The Police et pouvez-vous nous donner votre point de vue pour expliquer ce que ce groupe mythique à apporter à l’histoire du rock mondial ?

Henry Padovani : Le premier album est toujours le meilleur pour tous les groupes. Je dirai donc 'outlandos d’amour'. Quand un groupe arrive avec un nouveau son, une nouvelle approche, il révolutionne tout. Surtout dans le contexte musical de 79. Le son de l’époque n’était pas celui là du tout. Grace à Miles Copeland , leur manager, qui a réussi à les imposer, ils ont donné une réponse musicale valable et totalement nouvelle. Et pourtant personne n’en voulait. Je parle des maisons de disques et des journalistes. Le changement avait été accepté, on acceptait l’énergie de la jeunesse mais le public attendait une vraie réponse musicale à laquelle il pourrait s’identifier. Comme pour les Beatles en leur temps, ce fut donc le choc. Police a révolutionné la musique de l’époque et influencé énormément des musiciens et de groupes par la suite. Je suis très fier d’avoir été à l’origine de ce groupe. J’aime aussi l’idée qu’il a apporté un nouvelle approche en trio. Un son énorme avec 3 instruments. Il faut ajouter que Sting amenait sa voix en plus de tout. Magique. Match parfait.

Q : Que pouvez-vous nous dire au sujet de votre livre autobiographique Secret Police Manui publié en 2006 et qui est à la source de cet excellent documentaire ?

Henry Padovani : Je pense avoir fait un livre que j’aurais aimé lire. J’ai adoré écrire. J’ai d’ailleurs envie d’en écrire un autre. Mais il faudra trouver le temps. L’éditeur se foutait de moi car il me disait que j’étais le seul auteur qui écrivait lui-même sa propre autobiographie.. ahaha... J’aime les mots, j’aime l’écriture. J’aime lire. Donc, une autre aventure et plutôt valorisante. Je me rappelle l’avoir pris comme un travail. Tous les jours, de 10h à 18h, sauf les week end. Je l’ai écrit en 3 mois. J’avais commencé à écrire des histoires que je mettais sur mon site. Et les gens m en demandaient d’autres.. j’ai continué.

Q : ’Storm the Gates of Heaven’ est-elle votre première chanson en tant que composteur ?. Qu’aimez vous dans ce process créatif ?

Henry Padovani : Je ne sais pas où vous avez péché cette info, car je n’ai pas écrit 'storm the gates of heaven'. C’était le second album de Wayne County & the Electric Chairs et je m’y sentais bien. Le groupe marchait et j’avais des idées. Je m’étais installé un magnétophone et tout mon matos, un mini studio à l’étage de notre squat, et je n’arrêtais pas de chercher. Son et idées. Le process est intéressant. On écrit sans arrêt. Et on jette sans arrêt. On travaille des chansons qui ne verront jamais le jour. Et puis, d’un coup, une chanson apparait, facilement, simplement, et elle la somme de toutes ces réflexions. Une bonne chanson cristallise des heures de travail sur d’autres idées. Elle se met en place toute seule. Plus on écrit, mieux on écrit. J’en suis sûr.

Q : Que-pouvez-vous dire de votre expérience au sein du groupe Wayne County and the Electric Chairs ?

Henry Padovani : J’ai adoré ce groupe. On faisait de grosses scènes à Londres. Le groupe était très couru. Au début, il nous est arrivé de prendre the police en première partie, quand ils ramaient encore. Dans WC and the EC, j’ai trouvé mon son. Et ça, c’est très important. Un musicien n’est rien sans son propre son. Je l’ai trouvé grâce à Wayne qui m’a aiguillé vers des groupes des 60s, et des groupes instrumentaux, comme les Ventures, Wayne m’a fait découvrir tous les groupes garages américains, comme sur la compilation ' Nuggets', de Lenny Kaye.. Ça m’a semblé tellement évident.

Q : Que retenez-vous dans votre expérience de jury au sein de l’émission anglaise The X factor ?

Henry Padovani : Pas grand chose. C’était une autre aventure. C’était de la télé. J’ai souvent regretté que les jeunes 'aspirants' se concentrent sur la reproduction parfaite d’une voix et d’un phrasé, plutôt que de se concentrer sur l’expérience des chanteurs qu’ils reproduisaient et ce qui les a amené à chanter comme ils le faisaient. Des chiens savants. Comment vouloir chanter comme Amy Winehouse si l’on ne connait pas Tony Bennett ou Billy Holliday..A part ça, c’était bien payé. La télé, quoi......

Q : Quels sont pour vous les principaux grands changements intervenus dans l’industrie musicale entre 1977 et 2017 ?

Henry Padovani : Il y a eu l’informatique. C’est quelque chose qui a poussé beaucoup de monde à enregistrer de la musique. Et l’enregistrer chez soi. Que les musiciens s’amusent et prennent plaisir à enregistrer, dans un sens c’est bien mais de la même façon, tout le monde a cru que la musique, c’est simple à faire et facile à enregistrer. Pour moi, pendant un temps, ça a tué les groupes. Ça a tiré la composition et le travail de groupe dans l’arrangement des morceaux vers le bas. Ça a donné naissance à beaucoup de 'producteurs ' et de ' productions' mais il manquait l’ingrédient principal, la composition, la chanson. On travaillait le son au détriment de la chanson, la forme au détriment du fond. Les radios ne jouaient plus que des reprises, de nouvelles versions de chansons avec 'un son moderne'. Et ça continue. Et aujourd’hui, beaucoup de groupes veulent sonner comme les groupes des années 70. C’est un comble. La technique a pris le pas sur la musique. Si les groupes sonnaient si bien ' avant', c’est qu’ils n’avaient pas les moyens techniques d’aujourd hui, et ils travaillaient énormément les compositions, et l’arrangement des morceaux avant de passer à l’enregistrement. Ils travaillaient sur quelques pistes alors qu’aujourd hui nous avons des centaines de pistes à disposition. Autre comble, et sommet de la connerie, les groupes aujourd hui enregistrent en digital pour ensuite transposer tout ça sur du vinyl. C’est la mode. Mais passer du digital en vinyl, ne sonnera jamais comme un enregistrement en analogue. Et il manquera toujours ce travail en amont. Oui, la technique a pris la pas sur la musique, alors que la technique ne doit être qu un outil. C’est aussi idiot qu’imaginer que la science sauvera la planète, alors que l’effort doit être fait par chacun de nous..

Q : Pouvez-vous nous parler de vos souvenirs de ce concert en 2007 au Stade de France avec le groupe The Police ? Qu’avez-vous ressenti à ce moment là ?

Henry Padovani : J »étais bien sur très content que Sting m »appelle pour me demander de monter sur scène. J’ai dit oui immédiatement mais n’en ai parlé à personne. Et du coup, j’ai voulu en faire la surprise à ma fille que j’ai invité au concert. Elle ne savait pas que j’allais jouer et se plaignait que je ne passais pas beaucoup de temps avec elle en tribune VIP. Donc, quand elle m’a vu sur scène , elle a halluciné. Ce qui fait que j’ai consacré ma journée a échafauder ce plan machiavélique sur ma fille et le plaisir et l’émotion que j’ai pu lui procurer a dominé toutes les autres émotions. Mais lorsque l’on fait des concerts, les musiciens, on s’accroche toujours à des choses tellement banales, normales ou personnelles que cela permet d’évacuer toute forme de stress. Le temps passe plus vite et le partage est total. Mais le stade de France était la soirée de ma fille. C’était elle la star.

Q : Dans quel pays préférez-vous jouer et pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Henry Padovani : J’aime l’Angleterre. Pour tous les souvenirs que j’y ai, pour le public que je connais bien et qui en a vu tellement, pour l’ouverture d’esprit du public, et pour son amour véritable du rock and roll. Ce public vous permet de me mieux jouer et lorsque vous jouez bien, ce public est très généreux. Il vous permet ' d’y croire'. J’adore aussi la professionnalité des techniciens, des gens des clubs, et de la façon dont ils traitent les musiciens. Ils font leur job, et ils le font bien. De façon générale. Pas de trucs superficiels et on se fout de savoir si on a des Mars Bars ou des chips dans les loges. On se concentre sur la musique. En Angleterre, vous jouez pour de bon. Il n y a pas d’amateurs.

Q : Zucchero fait partie des artistes dont je suis la carrière avec grande attention. Pouvez-vous nous dire comment s’est fait votre rencontre et comment vous êtes devenu son manager

Henry Padovani : Je l’ai rencontré par hasard, dans un restaurant à Londres. il dinait avec paul Young, que je connais bien et je me suis trouvé par hasard dans le même endroit. Je voulais inviter Paul Young à un séminaire d’auteurs compositeurs qu’on organisait avec Miles Copeland dans le sud de la France. Il y avait plein d’artistes en quête de chansons qui venaient, comme Cher, jeff Beck, Des'rée, Bryan Adams, etc etc et Paul cherchait des chansons. Paul n’est pas venu. Mais Zucchero s’est invité!! Et quand il a vu ce que nous faisions, il a été très impressionné, et comme nous étions toujours ensemble, lui et moi, vu que je parle assez bien l’italien et lui servait aussi d’interprète, il m’a demandé d’être son manager. Il y a vu un lien vers l’international, un lien qu’il cherchait depuis toujours. Simple. Et nous avons très bien marché ensemble. On a vendu 15 millions d’albums en 5 ans.

Q : Quels conseils donneriez-vous à un jeune musicien ?

Henry Padovani : Je lui dirais de chercher un son. De chercher une identité. Peu importe savoir tout jouer, il faut jouer ce que l’on est. Et le jouer le mieux du monde. Etre numéro 1 n’est pas un but, mais être le numéro 1 dans le cœur d’un fan, c’est le top. Et si vous êtes unique et bon, le succès suivra. Ou pas. Mais l’important pour un musicien, comme dans la vie, c’est sa dignité.

Un très grand merci à Henri Padovani pour avoir répondu à nos questions
Un grand merci également à Michel Burstein pour nous avoir permis d’avoir cette très belle interview

Je dédie cette interview à mon père qui m’a fait découvrir la musique du groupe The Police dans mon enfance et à Sarah, Ingrid et Cathy qui sont des véritables fans de ce groupe légendaire