Entretiens - Interview de Virginie Ledoyen et Joeystarr

Par Mulder, Paris, Hôtel Raphaël, 16 janvier 2014

Dans le cadre de la sortie en salle le mercredi 22 janvier 2014 du film Une autre vie réalisé par Emmanuel Mouret, voici notre interview de Mme Virginie Ledoyen et Joeystarr.

 

Q : Pouvez-vous présenter succinctement vos personnages Jean et Dolorès aux spectateurs qui n’ont vu le film ?

Virginie Ledoyen : Alors moi je joue Dolores qui est une jeune femme du Sud qui travaille dans un magasin de chaussures et qui est la compagne de Jean interprété par Didier, Joeystarr.

Joeystarr : tu es un genre de cagole en fait.

Ledoyen : une sudiste.

Joeystarr : je préfère, d’accord. Moi, je suis Jean qui a grandi et vécu toute une vie avec Dolores et qui ne connaît l’amour que par le biais de Dolores et qui se retrouve un moment donné tiraillé entre Dolores et une autre personne qui est Jasmine donc Aurore. Il a connu qu’un seul amour du faite toute la trame se trouve là. Il ne connaît l’amour que par le biais de Dolores et il découvre qu’il y a aussi autre chose, une autre vie donc et il y a toute cette trame mélo. Il y a aussi ce drame dont il serait crétin de parler.

Q : Joeystarr, le réalisateur Emmanuel Mouret dit de vous que vous avez une épaisseur à la Lino Ventura, et une pudeur aussi, qui correspond à l’essence du rôle, que vous avez un physique qui raconte un passé, un vécu, et une profonde sensibilité cachée. Comment avez-vous abordez ce rôle ? De quels acteurs ou films vous vous êtes inspirés?

Joeystarr : je ne me suis inspiré d’aucun acteur ni d’aucun film, j’ai juste été un rouage de l’histoire et j’ai surtout été au garde-à-vous par rapport à l’histoire que voulait raconter Emmanuel. Pour moi, l’intérêt c’est cela. Au départ on rencontre quelqu’un. Je pense que c’est quelque chose qui se fait à l’oral même si on lit le scénario, après c’est un contact, tout se passe à l’aura. L’aura n’étant pas une science exacte, on ne sait pas vraiment où on va. Il y a quelque chose qui nous emmène. La magie elle est surtout là. Virginie, tu lèves la main si je dis des conneries.

Ledoyen : pour l’instant cela va.

Joeystarr : la magie elle est surtout là. C’est Emmanuel qui a su m’emmener mais je n’ai rien préparé ni pris en référence.

Q : Quant à vous, Mme Ledoyen , le réalisateur dit qu’il avait envie de vous voir dans ce personnage très ambivalent... très sexy, fière, provocante et en même temps douée d’une grande intelligence, voire d’une malignité redoutable. Aussi souriante que perfide. Vous reconnaissez vous dans cette description ? C’est aussi la seconde fois que vous travaillez sous la direction de Emmanuel Mouret après, Un baiser s'il vous plait (2007), comment se sont passés vos retrouvailles ?

Joeystarr : c’est un entretien (en plaisantant)

Ledoyen : nos retrouvailles se sont très bien passées. Quand on avait fait ce film un baiser s’il vous plaît, on avait vraiment aimé travailler ensemble et on s’est très vite dit qu’on aimerait retravailler ensemble. Le projet d’une autre vie est venu très très vite, il y a environ sept ans et on ne trouvait pas l’acteur en fait. On ne trouvait pas Jean. Le film ne se montait pas.

Joeystarr : Henri Salvador étant mort entre-temps…

Ledoyen : au départ c’était écrit pour lui. Jusqu’à ce que Emmanuel pense à Joeystarr c’est là où le projet c’est vraiment cristallisé. C’est-à-dire, qu’il avait enfin son Jean le film pouvait enfin commencer. Après, je ne veux pas vraiment vous répondre à ce qu’il projette sur moi. C’est très sympathique.

Q : comment s’est passé votre collaboration ? Est-ce que avant de travailler ensemble sur ce film vous vous connaissiez déjà ?

Joeystarr : on s’était rencontrés.

Ledoyen : on s’était croisés

Joeystarr : je connaissais ta mère aussi

Ledoyen : oui, je sais

Joeystarr : et voilà. Je pense qu’ on a plutôt appris à se connaître en faisant ce film. La vraie rencontre c’était quand on s’était rencontrés dans un monde rétréci. Finalement, vous et moi on aurait fini par se rencontrer. C’était juste cela au départ. Je connaissais le travail de Virginie. Je crois en fait sous couvert d’autre chose, que la première fois que je t’ai vue, où je t’ai vraiment découverte c’étais dans le cadre de cette émission de Pascal Clarke. Je t’avais écouté du début jusqu’à la fin. Je t’avais trouvé, tu m’avais donné envie mais rien de sexuel.

Ledoyen : je sais bien, voyons.

Joeystarr : moi, je précise pour ne pas que tu me prennes pour n’importe qui. Je t’avais écouté parler et je trouvais qu’il y avait une magie dans ce que tu racontais. Tu venais sûrement vendre un film mais je ne me rappelle plus lequel. Je t’avais écouté du début à la fin

Ledoyen : c’était le film d’Emmanuel. Il se pourrait que cela soit le film un baiser s’il vous plaît.

Joeystarr : je t’avais écouté. On va éviter les détails. Voilà, j’ai tout dit.

Q : Qu’est-ce qui vous a attiré dans le scénario écrit par Emmanuel Mouret ? Plus largement, comment choisissez-vous vos rôles ?

Ledoyen : les rôles sont liés aux histoires. Un rôle sans histoire, sans vision, sans point de vue d’un metteur en scène dessus, sans partenaire.

Joeystarr : en fait il y en a plein

Ledoyen : cela n’a d’intérêt que par la vision de quelqu’un. Des fois, un rôle qui peut sembler très anodin parce que c’était le metteur en scène qui va apporter son regard. C’est le regard que l’on va apporter sur une histoire et donc sur ces personnages qui donnent envie. C’est un peu comme cela que je choisis non pas mes rôles mais les films dans lesquels je joue. Quant à ce qui m’a plu dans cette histoire là c’est sa force de vie. C’est sa poésie, son lyrisme. C’est une histoire d’amour. C’est d’un triangle amoureux. C’est une éducation sentimentale. C’est des gens qui grandissent à travers une histoire douloureuse. Effectivement, cette histoire-là mise en scène par Emmanuel bien sûr qu’il a été le premier vecteur de désir et puis Didier, la perspective d’être sa partenaire, de l’approcher, de le connaître un peu a vraiment participé et même beaucoup à l’envie que j’avais d’être dans ce film.

Joeystarr : moi, si on me demande. J’ai pratiquement envie de dire idem dans le sens où moi c’est déjà Emmanuel. C’est le genre également. Il y a un moment donné où je me suis dit cela me donne envie pour le peu que j’avais déjà fait. Là, je me suis rendu compte que j’avais envie et donc du coup mon agent m’a dit tiens. Il m’a proposé cela car cela lui a plutôt parlé. Le genre, je me suis dit allons y. Au départ, j’ai pris cela comme un exercice. Tu as envie de faire cela alors il faut aussi faire cela. Il faut aller par là. Il faut tenter. J’y suis allé. Au départ, il me l’a super mal vendu mais il a réussi à me convaincre quand même. J’avais aussi envie, pareil. C’est d’abord une histoire, une personne qui a le metteur en scène pour revenir à ce que tu disais et après c’est aussi des gens avec qui tu travailles.

Q : Avez-vous quelques anecdotes de tournage à nous raconter ?

Ledoyen : aux anecdotes, Didier est très fort.

Joeystarr : il y en a une particulière.

Ledoyen : moi j’en ai une. Je te coupe. Très souvent on me pose la question depuis que je fais la promotion de ce film alors Joeystarr il est comment ? Moi, j’ai une anecdote qui résume vraiment Joeystarr . Un jour, on tournait sur la plage et je ne sais plus mais un moment donné on bouge le décor il y avait une toute petite régie et en fait Joey, les maquilleuses, habilleuses partent toutes avec leurs sacs et le seul garçon sur 20 autres garçons qui a porté le sac des filles et l’a emmené jusqu’à la loge de maquillage c’était Didier. Cela résume le personnage. Le paradoxe c’est cela, une espèce de masse comme cela et quelqu’un d’ultra délicat mais sans en faire des caisses, d’une façon tellement simple et naturelle. C’est une anecdote.

Joeystarr : on est en équipe. Tout le monde le ferait pas ? Moi, il m’est arrivé une anecdote que je vais te raconter rapidement. C’est en musique, comme cela. Genre, on part jouer en Afrique et moi j’ai bien avant d’arriver sur scène, qu’il y a ce truc qui dit que l’on va faire un spectacle, on va chanter. Cela reste un spectacle. Là, du coup on est dans une cour d’école. Il devait y avoir 3000 personnes mais en fait il y en avait 7000. Il y avait un problème de son. On était au Togo. C’est tropical. Je me trompe de pays mais ce n’est pas grave. C’est un climat tropical donc il y a ces petites pluies. On était en plein air. Le mec, galère et à partir d’un moment je lui ai dit mais il faut commencer. Tu casses ce truc qu’il faut arriver avec cette optique de spectacle et aider les mecs à brancher le truc et la foule est là à crier. A un moment donné, quand il faut y aller il faut y aller. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ on est en train de faire. Le reste, ce détail

Q : Mme de Ledoyen, mon collègue Tobias trouve que dans ce film vous êtes tout simplement fascinante, grâce à votre capacité de traduire les facettes multiples de votre personnage en un portrait de femme à l’imprévisibilité inquiétante. Que lui répondriez-vous ?

Joeystarr : qui est Tobias ? Et s’il n’est pas la ?

Ledoyen : il avait une question. Je lui réponds merci

Q : Les sujets abordés dans le film comme le sentiment de culpabilité et de sa force destructrice, la position de coupable et celle de victime sont-ils des thématiques qui ont été facile d’aborder pour vous ?

Joeystarr : est-ce que c’est d’abord une question de Tobias (réponse : non) ?

Ledoyen : c’était toute la problématique du film. Quand on joue dans ce film, c’est que cette problématique nous intéresse. Cette problématique nous touche donc on se met à son service. Ce qui était intéressant c’est que les victimes ne sont pas celles n’ont pas toujours l’air d’être celles qu’elles sont. Bref, je recommence. La victime devient bourreau. C’est clair non ?

Q : Joeystarr dans le film Polisse de Maïwenn tu étais admirable de justesse. Dans ce film, tu es de nouveau parfait. Comment cherches-tu cette tonalité si juste ? Est-ce que tu ressens les choses ?

Joeystarr : je ne suis pas vraiment là en fait. Non, je rigole. Merci déjà. Que répondre à cela. Je ne sais pas, c’est parce que cela tient du fait que dès que l’on se sent bien pour ma part les choses se font naturellement. J’ai une fâcheuse tendance à oublier des fois que l’on est filmé. Je peux dire des conneries et faire des blagues de prépubère, potache à souhait je m’en fous un peu en fait. Cela doit venir du fait que j’ai des instants où j’oublie l’œil de l’autre peut-être. On arrive à capturer ces instants-là. Après, quand à arriver à expliquer cela je ne sais pas. Je suis protagoniste. Merci en tout cas.

Q : Quelles ont été les scènes les plus difficiles à aborder dans ce film ?

Joeystarr : vendre des chaussures (ironiquement)

Ledoyen : il n’y en a pas, toutes et aucunes en fait. Je trouve que le film c’est passé franchement d’une manière très fluide, très simple, très évidente. Tout était tellement juste dans l’écriture, dans la direction, dans comment on faisait les choses et pourquoi on les faisait que finalement c’était simple à préparer. Parfois oui les scènes sont très dialoguées et le texte est lourd mais cela est très technique.

Joeystarr : mais pas tant que cela. C’était assez fluide.

Ledoyen : cela marchait

JoeyStarr : Mais moi, quand on est parti sur l’île. C’est un moment où tu n’y étais pas ou le truc que ce disque avec Jasmine. Je suis derrière des forêts et je fais le con. On sent qu’il y a ce sentiment qui commence à grossir. Tu as l’air d’un crétin quand on est en face de drague

Ledoyen : on a toujours l’air crétin.

JoeyStarr : quand on est là à charmer. On se file des crocs-en-jambe tout seul.

Ledoyen : quand on croit à l’histoire en fait c’est jamais crétin.

JoeyStarr : oui et non.

Ledoyen : tu n’es pas dans le jugement de l’autre. Ce n’est pas cynique sinon cela serait cynique et j’ai vraiment l’air d’un con. Je pense que lorsqu’on croit…

JoeyStarr : tu es une femme

Q : Aimeriez-vous comme certains comédiens réaliser un jour votre propre film ?

Ledoyen : moi, je n’en ai absolument aucune envie

JoeyStarr : moi j’en ai rien à foutre carrément. J’ai déjà réalisé des clips pour moi-même. C’était bien mais je les ai surtout faits parce que nécessité fait loi et qu’ à chaque fois on nous écrivait des choses qui étaient un peu victimés parce que c’était du rapport. Je trouvais que cela ne convenait pas. À chaque fois que je l’ai fait c’est parce que cela m’énervait. J’ai toujours été un imbécile bien entouré, c’est-à-dire mon chef op. La première fois que j’ai réalisé un clip, à l’époque j’habitais avec une fille qui était scripte. Elle m’a juste expliqué qu’un clip c’est deux ou trois bonnes idées que l’on fait tourner comme cela. C’est un livre assez vite et du coup on a même proposé de faire des clips pour d’autres, c’est ce que j’ai fait. On m’a proposé un salaire, même si je ne travaillais pas, j’ai refusé. Cela ne m’intéresse pas. J’ai un frère qui fait de la mise en scène et qui à chaque fois me demande et je lui dis oui pour emmerder et lui dis non après. Il se retrouve donc tout seu à faire des clips. Pour emmerder le monde il se trouve qu’ un jour je fasse quelque chose mais cela serait juste pour cela.

Avec tous nos remerciements à Elsa LEEB de LE PUBLIC SYSTEME CINEMA
Un très grand merci à Mme Virginie Ledoyen et JoeyStarr pour cette excellente interview
Propos recueillis par Mulder
Transcription: Mulder
Video et photos : Mulder