Conference-de-Presse - Parkland

Par Mulder, Deauville, 04 septembre 2013

Q : Sur ce film très intéressant par le point de vue qu’il adopte, il y a une question qui se pose, quelle est la part de réalité et la part de la fiction ? Précisément, pour prendre un exemple, quand l’enterrement final alterné du Président John F. Kennedy et de Lee Harvey Oswald est ce que c’est une réalité temporelle, chronologique où est-ce dû à un montage en parallèle ?

Peter Landesman : En fait c’est au moment même où Tom Hanks, un des producteurs s’est adressé à moi pour faire l’adaptation et puis la réalisation de ce film, cela a été un parti pris pour nous. Nous savions que nous ne voudrions mettre dans le film que des faits véridiques et vérifiables. Il n’était pas question pour nous de prendre une autre position. Cette dichotomie entre réalité et fiction n’existe pas car nous mettions de côté tout ce qui ne pouvait pas être prouvé. Il y a dans les dialogues un petit travail de réécriture dans une dimension d’auteur ou poétique qui a été ajoutée. Mais, dans les faits, nous avons travaillé de façon très précise. La scène à laquelle vous faites allusion, celle des enterrements, il se trouve que la mise en bière a été faite exactement au même moment. Historiquement, ils ont été enterrés au même moment alors que cela n’avait pas été calculé ou voulu comme tel, c’est une coïncidence pure mais que notre traitement des faits n’a pas fait échapper.

Q : Pouvez-vous nous expliquer le choix de Zac Efron dans votre film ?

Landesman : Il se trouve que le rôle qu’il incarne dans le film est celui d’un bleu, d’un médecin qui a été dans un centre hospitalier universitaire et qui apprend son métier de chirurgien. Il a l’ambition de devenir un grand chirurgien mais c’est encore une sorte de petit gars qui se cherche et qui n’a aucune expérience dans la matière. Je trouvais que Zac Efron était l’incarnation parfaite de cette phase de transition dans une carrière car lui aussi a derrière lui cette carrière d’adolescent qui se fait remarquer dans des comédies où il bouge et danse bien (High School musical non cité) et maintenant s’ouvre devant lui une carrière d’un acteur plus mûr et avec une envergure autre. Je trouvais qu’il avait la sensibilité parfaite pour incarner ce passage là d’un homme.

Q : Ce qui est intéressant dans votre film c’est que vous ne prenez pas parti, vous montrez simplement des faits. En même temps, vous réussissez à transmettre ce que le monde entier a ressenti à l’époque. Je me souviens, j’étais tout jeune, c’est le fait que tout le monde a été affecté par cet évènement terrible et en même temps vous rajoutez les proches. Est-ce que tout cela est quelque chose qui fait partie de la mémoire collective et que vous avez voulu absolument restituer pour ne montrer que la vérité, il faut encore la chercher et peut être la saurons-nous un jour ? Quel est votre avis là-dessus ? j’ai enfin une question pour la production, est ce que produire un film comme cela pour vous fait partie de quelque chose pour la mémoire du cinéma pour toujours découvrir quelque chose pour la vérité ?

Guy East : Il se trouve que le 11 septembre nous étions Pete et moi, mais séparément, par pure coïncidence à New York. Nous avons pu chacun ressentir de très près comment un évènement, une crise mondiale telle que celle-ci plonge des individus ordinaires, des gens comme vous et moi dans des circonstances qui les transforment en des êtres qui doivent faire des choix et se comporter avec une bravoure et une dignité assez exceptionnelles et comment nous en tant qu’individus nous étions embarqués dans cet évènement et nous y avions à trouver la réaction juste. Quand Pete m’a envoyé ce scénario immédiatement cela m’a remplacé dans ce contexte-là. Ces évènements qui font tout d’un coup que l’histoire bascule et comment les individus qui sont impliqués dans cette histoire-là doivent faire des actes de bravoure et de dignité qui les marquent à jamais.

Landesman : Justement comme évoquer le World Trade Center et le 11 septembre, le critère qui est pour moi important c’est celui de la proximité de l’épicentre d’une catastrophe. Il se trouve qu’avant ces évènements-là, j’étais reporter de guerre et j’avais couvert des conflits au Rwanda, Afghanistan et le Kossovo et ce qui m’avait vraiment marqué dans ma pratique avait été le fait de pouvoir ressentir de très près les réactions d’effroi et de panique. Le point de vue que nous avons adopté dans le film c’est celui de l’incarnation et de la dimension très physique de cet évènement tel qu’il a eu lieu. Chacune des personnes sont celles qui ont entouré vraiment immédiatement et physiquement l’évènement, cette explosion. Ces médecins-là ont été couverts du sang du Président. Robert Edward Lee Oswald, Jr s’est réveillé un matin en se disant qu’il avait eu des liens de sang avec l’incarnation du mal qu’était devenu son frère. De même pour cet homme, Abraham Zapruder, qui tout d’un coup réalise qu’il a entre ses mains la caméra qui enferme la seule preuve existante sur cet évènement d’une importance mondiale. C’est cette immédiateté là et cette proximité là qu’il s’agit pour nous de traiter et de montrer et cela fait maintenant cinquante ans qu’il y a toute sortes de récits, d’évènements qui sont faits mais avec un niveau d’abstraction et des choix de méthodes extrêmement différentes. On s’est dit qu’il était enfin temps de prendre le sujet à bras le corps et de le traiter dans la dimension la plus physique et la plus organique qui soit.

Q : comme on parlait tout à l’heure du médecin interprété par Zac Efron. Est-ce que le fait que ce médecin soit totalement inexpérimenté est ce que c’est cela qui conduit à montrer les urgences dans un état de sidération. Personne ne semble vouloir toucher au Président. On a l’impression que les premières minutes qui sont précieuses dans la réanimation sont perdues ce qui n’est pas le cas lorsque Lee Harvey Oswald arrive, blessé par balles, il est pris en charge beaucoup plus sérieusement. C’est cet effet que cela m’a fait. Est-ce que là on est toujours dans la réalité vraie ? Est-ce qu’il y a eu des précieuses minutes qui ont été perdues au début ou est-ce que l’on est dans une part de roman ?

Landesman : Là aussi ce sont des faits réels sans le moindre choix d’opposition ou de description détournée puisqu’il se trouve qu’au moment où le président John F. Kennedy a été assassiné cet hôpital vivait son rythme absolument normal de cette époque analogique où on fonctionnait encore avec les téléphones. Ils étaient persuadés quand ils ont appris que Kennedy allait être envoyé à leur service qu’il devait avoir attrapé un rhume et qu’il venait pour quelque chose de bénin. Quand il est arrivé, de toute façon, il n’était pas possible de le sauver car la moitié de son cerveau avait explosé et même si il avait encore un pouls, il était extrêmement faible. Il se trouve qu’on lui a attribué ce médecin inexpérimenté car on estimait que cela était suffisant pour ce qu’il y aurait à faire. C’est un état de fait. L’hôpital vivait son rythme normal et quotidien et cela leur est tombé dessus comme c‘est tombé sur la planète toute entière qui ne s’attendait en rien à cet évènement et à la dimension de cette blessure alors que quand Lee Harvey Oswald a fait l’objet de cette attaque, qu’ on lui a tiré dessus, le monde entier était en train de regarder à la télévision. Dans cet hôpital comme ailleurs tout, tout le monde s’y attendait et dans quelle circonstance il arrivait d’où ce décalage-là de contexte qui a eu lieu ces quelques journées historiques.

Q : Vous disiez que le film était une sorte de regard et d’hommage rendu aux personnes qui se trouvent au cœur de la tourmente, à des moments bien précis de l’histoire. Selon vous, pourquoi est-ce que c’est le président John F. Kennedy qui a fait l’objet de cet assassinat ? Est-ce que tout cela est simplement une façon de marquer ? Il y a eu aussi l’assassinat de Martin Luther King qui a eu une résonance de ce type.

Landesman : Effectivement, je pense que ces évènements-là ont marqué l’histoire et donc la littérature et le cinéma pour encore des décennies. Il y aura beaucoup de films à venir sur les tours jumelles comme il y en a eu sur Kennedy et comme je sais qu’il y a encore des films sur Martin Luther King qui sont sur le point d‘être tournés. C’est absolument inévitable que cela fasse l’objet de films. Mais, ce que je dois dire concernant l’assassinat du président John F. Kennedy est que cela fait maintenant cinquante ans et qu’il y a une réelle industrie qui s’est construit sur la thèse conspirationniste. Il y a énormément de livres et de films qui traitent de cette question-là et qui s’intéressent à cette approche-là et qui ont essayé de percer une théorie du complot qui doit encore être nourri . Moi, ce qui m’a intéressé en tant qu’auteur et artiste cela a été cette histoire-là, ce penchant-là de l’histoire sans pour autant combattre la théorie du complot et vouloir rentrer en dialogue avec elle ce qui me paraissait beaucoup plus personnel. Beaucoup plus viscéral dans l’approche qu’on pouvait avoir, c’était de voir cette histoire telle qu’elle s’est déroulée. La dimension shakespearienne est de voir comment cela s’est passé, comment ont vécu les personnes qui étaient dans l’entourage immédiat de cet évènement lui-même si on les prend en tant que tels.

Q : Vous ne prenez pas parti en effet par rapport à l’évènement lui-même. Simplement, ce qui apparaît dans le film si il y a une sensation de culpabilité quelque part, tout le monde sent qu’il a fauté d’une certaine manière comme les services de sécurité. La responsabilité telle qu on la voit et les personnages les moins intéressants du film sur ce point-là sont les gens de Dallas eux-mêmes, c’est la police de Dallas, c’est le médecin légiste. On a l’impression que là on passe à une vraie analyse de l’évènement dans votre film.

Landesman : Honnetement qu’est ce que je peux vous dire à part que vous ou moi on peut un matin prendre notre voiture pour aller travailler, il fait très beau, les oiseaux chantent, la vie est magnifique et puis soudain à un feu rouge la voiture qui arrive d’en face ne s’arrête pas et vous rentre dedans et votre vie s’arrête. C’est cela qui s’est passé pour tous les personnages du film et c’est tout ce que je veux dire à travers le récit de leur vie. Je veux ainsi dire que l’histoire n’est pas un récit parfaitement ficelé où tout est très bien écrit, pensé et où chaque chose prend une place logique et défendable, c’est en enchaînement de faits tout à fait arbitraires et imprévisibles. La question que moi je me pose en tant que celui qui a un regard extérieur est comment chacun de ses personnages a pu trouver sa propre place dans cet enchaînement de faits . Je crois vraiment que c’est en repensant à Tom Hanks qui est l’un des producteurs du film que l’une des sources d’inspiration vraiment marquante pour moi a été les premières vingt-cinq minutes du film (de Steven Spielberg) Il faut sauver le soldat Ryan où on voit ces hommes sur une plage normande où tout l’enjeu pour eux est d’aller d’un point de la plage à un autre. Nous, on est tenu en haleine avec ce parcours qui est le leur ce jour-là. Tout ce qu’on leur donne comme enjeu à défendre est de faire ce parcours-là. Le récit shakespearien le plus magnifique, le plus complexe et le plus riche qui soit dans ces parcours simples beaucoup plus que dans des élucubrations à n’enplus finir sur la théorie du complot.

Propos recueillis par Mulder, le 04 septembre 2013.
Avec nos remerciements à toute l’équipe de Le Public System Cinema
Vidéo et photos : Mulder