Conference-de-Presse - Joe

Par Mulder, Deauville, 02 septembre 2013

Q : Comment voyez-vous votre rôle dans ce film ? Comment placez-vous ce film dans votre filmographie ? Est-il un retour à un rôle plus dramatique ?

Nicolas Cage: Je ne sais pas si je dirai comme vous qu’il s’agit d’un retour à un registre plus dramatique. Je l’ai saisi en tout cas comme une opportunité de travailler avec une des grandes voix du cinéma américaines incarnées par David Gordon Green. Si vous regardez de façon plus attentive ma filmographie vous verrez que parmi les films d’aventure et d’action qui ont occupé mon activité pendant cette dernière décennie il y a eu des films phares tels que World Trade Center qui ont fait que j’ai tenu à garder un certain éclectisme tout au long de ma carrière.

Nicolas Cage Q : Quel effet cela vous fait d’être honoré ici lors du 39ème festival du cinéma américain de Deauville ?

Cage: Je me suis toujours senti incroyablement accueilli très chaleureusement ici à Deauville. Il se trouve que j’avais déjà accompagné un film ici et j’avais eu la chance d’avoir fait ici la Première mondiale de mon premier film en qualité de réalisateur Sonny. Je me sens très à l’aise et très familier avec cet environnement là et très reconnaissant et très honoré d’avoir cet hommage cette année.

Q : Votre personnage dit dans le film qui il ne sait pas réellement qui il est. Pouvez-vous nous dire qui est cet homme ? Comment avez-vous approché ce rôle ?

Cage: Pour moi, Joe est un homme qui est ce qu’on veut bien voir en lui. Il y a un peu de Joe dans chacun d’entre nous homme ou femme. Je le vois comme un homme profondément sincère et honnête et il me semble que la façon dont on étoffe le personnage à partir cette base-là dépend du regard que nous en tant que spectateur nous posons sur lui.

Q : A propos de ces rôles d’enfants sous le Joug de père abusif, avez-vous l’impression de continuer dans cette veine-là ?

Tye Sheridan: Les personnes qui sont dans un environnement hostile mais qui s’en sortent bien c’est très éloigné de ce que je suis dans la vie mais c’est peut-être tout le plaisir du jeu d’acteur. On vous voit ainsi dans des rôles que vous ne pensez pas vous correspondre forcément. Vous arrivez à incarner cela.

Q : Vous avez une carrière incroyable et j’aimerais savoir avec quels acteurs ou réalisateurs aimeriez encore tourner ?

Cage: Je crains que la plupart de mes héros ne soient plus de ce monde. Je dois dire que je suis assez ravi d’avoir pu travailler avec des personnes qui ont été chers à mon cœur et qui m’ont proposé des rôles. Particulièrement, je peux dire aujourd’hui que je suis très fier et très heureux d’avoir travaillé avec David en raison de cette veine très particulière qui est la sienne. Je crois qu’il est assez rare dans le cinéma moderne de trouver un vrai auteur qui ait une patte que l’on reconnaisse à travers tous ces films. Si vous regardez Prince Avalanche qu’il a fait cette année dans un esprit plus léger ou alors Joe qui est un film plus sombre et plus dramatique. Peu importe le genre dans lequel il s‘exerce, il a toujours cette vision authentique, cette patte personnelle et finalement moi c’est ce que je recherche. C’est un auteur qui est capable de faire entendre sa petite musique intérieure quel que soit le film qu’il nous offre. C’est pour cela que je suis très heureux d’accompagner ce film-là.

Q : j’ai une question pour le réalisateur par rapport à cette histoire. Est-ce que c’est un besoin intérieur qui a fait que vous avez eu envie d’écrire cette histoire et de la réaliser ? Votre film est très intimiste. Il y a la violence des sentiments qui est présente du début à la fin et en même temps c’est un vrai parcours et l’histoire d’un pays, d’un Etat aux Etats-Unis. En même temps, j’aimerais demander à Nicolas Cage si se mettre dans la peau d’un tel personnage demande une préparation plus importante et que vous avez eu besoin d’aller chercher en vous des choses pour interpréter ce genre de personnages.

Green: Comme vous le savez ce film est une adaptation d’un roman de Larry Brown. Il se trouve que j’ai eu la chance de découvrir cet homme assez tôt dans ma vie et de le fréquenter assez personnellement donc je me suis vraiment intéressé à son univers et dans son roman ce qui m’a beaucoup touché est la relation père fils telle qu’elle est décrite, le père biologique de cet enfant, la dynamique dans lequel il est engagé avec ce père et finalement cette relation extrêmement filiale qu’il noue avec ce père d’éviction c’est ce qui m’a vraiment intéressé. J’ai tenu à garder le même esprit qui était celui de Larry dans son roman, c'est-à-dire un esprit extrêmement sincère, extrêmement authentique et un décor qui est proche de celui que je connais, de mes voisins, des personnes que je porte en moi. Mais ce décor nous permet d’en créer une étude de personnages qui a mon sens était très riche et déjà très intéressant dans le roman. J’ai eu à cœur de rester dans le même esprit et de rester fidèle à ce qui m’avait touché dans son roman.

Tye Sheridan

Cage: Je pense que dès le départ le choix que j’ai fait est d’essayer d’être au plus près de la façon la plus sincère et la plus impliquée qui soit dans le personnage tel qu’il m’a été offert. J’ai essayé de ne pas jouer dans le terme de jeu bien souvent on perçoit quelque chose qui est de l’ordre d’une fabrication d’un artifice ou d’un mensonge. J’ai essayé dans ce sens-là de ne pas du tout jouer, non pas de ne pas ajouter des choses au personnage tel que je le percevais mais plutôt retirer tout ce qui pouvait être du type d’un voile, me dévoiler moi-même, me mettre à nu au travers de ce personnage-là. Pour faire cela, j’ai dû me plonger dans mes propres souvenirs, que je sois suffisamment ouvert pour laisser ces souvenirs venir à moi, les entendre et aussi me mettre dans une sorte d’ouverture et de lâcher prise avec l’équipe. Je suis allé à Austin (Texas) un mois avant le début du tournage. Je suis entré en relation avec David pour apprendre à travailler sur son propre rythme et sur son propre univers. J’ai aussi commencé à entendre tous les souvenirs qui étaient ceux des membres afro-américains de l’équipe pour qu’il y ait une sorte d’énergie qui se noue entre nous, qu’il y ait un courant qui soit lancé bien en amont du premier jour du tournage car une fois que le film avait commencé, j’avais cette relation là avec Tye, avec le réalisateur et aussi toute l’équipe. C’est extrêmement précieux d’avoir un roman comme point d’appui non pas que le film soit strictement comme le roman. Le film et le scénario ont leur propre identité. Mais, le roman nous permet de temps en temps de trouver des petites perles qui viennent comme cela pour vous aider à enrichir votre jeu et avoir des points de références.

Q : Les deux personnages ont des relations quasi paternels, est ce que cela a été la même sensation sur le plateau entre Tye et Nicolas.

Cage: Je perçois Tye comme un acteur extrêmement honnête et pur dans son jeu. Je n’ai jamais senti qu’il jouait. Je dois dire que je me sens dans une relation extrêmement fraternelle avec tous les acteurs et actrices quoi -qu’eux puissent penser de moi. Je sais ce que cela signifie de mettre son âme à nu devant une caméra et de se lancer dans l’aventure qui est la notre à tous donc j’ai eu une idée de ce parcours-là. J’ai ressenti immédiatement cette fraternité. Je ne sais pas si on peut parler d’une relation paternelle mais j’ai senti cette relation fraternelle avec Tye, c‘est ce qui m’a permis de me donner totalement à cette relation, de ne pas jouer car je voyais bien que lui non plus ne jouait pas.

Sheridan: la relation a été fraternelle. Nicolas est le grand frère qui m’a appris ce que j’ai eu moi-même à parcourir comme chemin personnel dans ce film là car tu es extrêmement professionnel. Effectivement tu étais là un mois avant que l’on commence à tourner. Je te trouvais archi prêt et toi tu disais non qu’il fallait que tu te prépares. J’ai compris ce que c’était de se préparer pour un rôle.

Q : Il y a une dizaine d’année, Nicolas Cage était là pour un film qu’il avait réalisé Sonny. Il s’agissait d’un film intéressant qui laissait espérer qu’il en ferait d’autres. Y a-t-il des envies, des projets réels de réalisation ? Cette expérience de réalisation a-t-elle changé votre manière d’envisager un tournage, le rapport au jeu ? Avez-vous été influencé par cette expérience ?

Cage: Absolument diriger de si grands acteurs forcément brasse en vous tout votre rapport à ce métier, vous fait voir les choses directement en tant qu’acteurs. Je dois vous dire que ce scénario-là m’a vraiment habité. Pendant dix ans, j’ai voulu incarner moi-même un des personnages de ce film là mais j’étais trop vieux pour le jouer. J’ai donc décidé le mettre uniquement en scène. Maintenant, il faut que je trouve une autre histoire qui me touche à ce point pour retourner derrière la caméra. J‘espère bien revenir un jour à Deauville pour présenter mon second film.

Q : Après une telle profondeur dans vos rôles, vous avez atteint une sorte de paroxysme, une sorte de rédemption, j’aimerais savoir si maintenant vous avez envie d’aborder un rôle plus léger de séducteur ? Woody Allen a dit qu’il n’avait vu un regard tel que le vôtre. N’avez-vous pas envie de vous servir de ce regard, de ce pouvoir de séduction pour vous embarquer dans une direction.

Cage: Je crains que cela ne soit pas Woody Allen qui ait dit cela de moi. Je crois qu’il n’a jamais rien dit sur moi, c’est une journaliste du Guardian qui avait fait un portrait de moi qui faisait un rapprochement et elle a jugé que j’avais un regard qui méritait de citer ce que Woody Allen avait dit à propos de l’un de ses personnages. Quoiqu’il en soit, je dois vous dire que je suis très heureux de ma carrière et de la manière qu’elle s’est déroulée jusqu’à ce jour. Je n’ai aucun plan précis. J’essaye de ne pas en être trop conscient. Je ne me suis pas décidé du genre de films qui viendra ensuite. Je suis très heureux des rôles qui m’ont été proposés. Je pense que ce qui compte c’est de ne pas s’endormir sur ses lauriers, de ne pas considérer que tout est acquis, de toujours rester sur la brèche et de voir où les propositions vous mènent sans trop anticiper. Je suis très heureux d’avoir travaillé avec des gens de la qualité de Tye.

Q : Que pensez-vous du film Man of Steel (Nicolas Cage aurait dû interpréter Superman sous la direction de Tim Burton en 1998) ?

Cage: je ne l’ai pas vu.

Q : A propos de cette présence canine dans le film, pouvez-vous nous dire quelle importance ont les chiens ? Nicolas disait qu’il travaillait sur la brèche, dans l’inconfort. Est-ce que cela a été difficile avec ce chien ?

Green: le chien de Joe est une sorte de représentant de cet homme. Il exprime ce que Joe lui-même n’est pas capable d’exprimer. C’est une sorte d’alter ego qui est important pour lui. Il y a d’autres chiens qui paraissent féroces mais c’est en postsynchronisation qu’on leur a remis des voix qui les rendent plus méchants qu’ils l’étaient en réalité. Quand ils ont l’air de se battre, ils sont en réalité entrain de s’amuser. Ce fut une partie de plaisir et les deux chiens sont en fait de gentils chiens.

Cage: J’adore les chiens jusqu’à la résonance du mot « dog » (en anglais). L‘auteur du livre dont le film est l’adaptation avait une passion presque obsessionnelle lui-même pour les chiens. Aussitôt que cet écrivain a commencé à bien gagner sa vie, il dépensait tout son argent en achat de chiens et il vouait une passion pour ces animaux et c’est très intéressant. Il appréhendait un peu et il me demandait si cela ne m’embêtait pas de travailler avec ce bulldog américain et je lui ai répondu qu’ au contraire moi-même j’aime beaucoup les chiens. J’ai plusieurs chiens et je trouve toujours intéressant d’avoir à donner la réplique à un animal face à la caméra. Cette fois, cela a été aussi pour moi un enjeu intéressant.

Propos recueillis par Mulder, le 02 septembre 2013.
Avec nos remerciements à toute l’équipe de Le Public System Cinema
Vidéo et photos : Mulder