Conference-de-Presse - Gimme the loot

Par Mulder, Deauville, 03 septembre 2012

Adam Leon Q : Quelle est l’origine du film ? Quelle est l’idée première qui a donné naissance au film ?

Adam Leon : J’avais co-réalisé un court-métrage et cette expérience fut très agréable. J’ai beaucoup apprécié de travailler sur celui-ci, même si son histoire n’a pas de lien direct avec le film. L’environnement dans lequel j’ai été plongé pour faire ce court-métrage m’a vraiment donné envie d’en parler d’une autre manière, de faire quelque chose avec des jeunes à New York. J’ai commencé à réfléchir et ce fut le point de départ, l’origine de cette histoire que vous avez vue aujourd’hui.

Q : J’aimerais savoir si les dialogues avaient été écrits précisément ou s’il y avait de l’improvisation ? C’est du slang ? J’aimerais aussi demander à Tashiana si son personnage est un personnage de composition ou si celui-ci lui ressemble ?

Leon : C’est vrai qu’il y a beaucoup moins d’improvisation qu’on pourrait le penser. Cela vient du fait que les acteurs jouent très bien. Au départ, quand j’ai écrit la première version du scénario, c’est une version qui était très écrite, tous les dialogues y étaient très écrits, mais c’est vrai qu’après, lorsque j’ai commencé à travailler avec des acteurs, à faire des répétitions, à répéter les rôles des scènes, évidemment les comédiens ont commencé à s’approprier les mots et à changer souvent avec les leurs. Mais c’est vrai que souvent, les gens pensent que Tashiana est le personnage que l’on voit dans le film et pareil pour Ty. Quand on les voit dans la vraie vie, on se rend compte que non. C’est simplement qu’il s’agit de très bons acteurs. Parfois, le fait de s’approprier certains tics, au moins de langage, permet de rendre leur rôle encore plus authentique et plus crédible.

Tashiana Washington : Bon, lorsque on me voit, on comprend que je ne suis pas le personnage. Ce n’est pas calqué à 100 % évidemment, mais il se trouve que dans ma famille, j’ai des cousins qui font des graffitis, qui sortent toute la nuit, qui parlent que lorsque leur parents les appellent et leurs disent qu’ils les rappellent plus tard. Tout cela, ce sont des choses que je ne peux pas faire. C’est vraiment assez éloigné de ma personnalité. Moi, ce que je voulais, c’était simplement arriver à trouver un rôle qui me plaise, dans le sens où je voulais jouer quelqu’un qui était à la fois fort et en même temps assez vulnérable et qui est aussi une fille, pas un rôle prédéfini comme on peut en voir souvent dans les scénarios que j’ai pu lire. Par exemple, c’est la fille qui est très jolie. Ce n’est pas forcément des stéréotypes, il peut y avoir un peu plus de nuances dans les personnages, car c’est cela que je voulais jouer moi-même. Ce personnage est pour moi une espèce de héros. C’est la raison aussi pour laquelle je voulais interpréter ce personnage.

Q : C’est vrai que pour parler des stéréotypes, ce film n’en montre pas justement. Vous faites tout pour que vos personnages tentent des choses, mais ne les réussissent pas et vous les implantez dans un quartier qui parfois montrait de façon stéréotypée la vraie vie. Est-ce votre idée de départ, de montrer les vrais gens et la vraie vie dans ce film, car pour une fois cela fait du bien ?

Leon : Tout d’abord merci. C’est vrai que ce mot « authentique » était pour nous le moteur du projet. Il était au cœur de toute la réflexion que nous avons eu lorsque nous avons fait et réalisé le film. On ne voulait pas faire un documentaire, mais en même temps on voulait faire un film qui soit le plus authentique possible. Je connaissais bien les quartiers où le film fut tourné et je ne voulais pas les trahir. Je voulais rester le plus près possible des quartiers, des personnages, du monde du graffiti tel qu’eux le vivent. C’était vraiment central, dans toute la manière dans laquelle nous avons abordé le sujet. Il faut savoir que c’est un premier film, le budget était assez bas, il n’y avait pas beaucoup de moyens, l’équipe était assez réduite. Cette équipe réduite fut un point très positif pour nous, car nous avons pu avoir une flexibilité très importante pour pouvoir capturer tout cela. Le tournage a eu lieu à New York en été, très facilement en termes de logistique. Bien sûr, après, lorsqu’on parle de l’histoire du film, de l’intrigue, parfois cela avait un aspect un peu hollywodien, un peu plus standard de tourner un film avec des choses qui se passent, des gangs, ce genre de choses. On a essayé de rester le plus proche possible de cette authenticité.

Tashiana Washington Q : J’aurais une question, la même pour les deux acteurs, car j’ai trouvé votre interprétation vraiment exceptionnelle et là, j’apprends en plus que ce sont des rôles très différents de vos personnalités. Comment avez-vous préparé les rôles ?

Ty Hickson : Nous avons fait beaucoup de répétitions, beaucoup travaillé les scènes. On a beaucoup pratiqué, fait beaucoup de questions / réponses en s’asseyant avec le réalisateur et en se posant des questions sur le passé des personnages, sur leur mode de réflexion. Savoir ce que pense le personnage à ce moment-là et en posant ce genre de questions, petit à petit, on a commencé à connaître les personnages que nous devions interpréter.

Washington : Je dirais la même chose que Ty et j’aimerais préciser que dans le scénario, ces personnages n’ont pas vraiment de parents, de passé, c’est ce sentiment d’abandon que j’ai voulu faire transparaitre dans le personnage. C’est la raison pour laquelle je dis, respecte ta mère, comment peux-tu oublier son anniversaire. Il ne faut pas faire une chose pareille, car quelque part, c’est aussi une expérience que j’ai pu m’approprier et me dire que j’aurais bien voulu que cela arrive à moi aussi. C’est cela qui a nourri mon énergie dans cette séquence-là.

Q : Ce qui me touche dans votre film, c’est que c’est un film de mouvement, un film de trajets, un film de déplacements. Un film n’est pas que raconter une histoire bétonnée, mais aussi du mouvement. Chaque scène correspond-elle à un angle différent à chaque fois ? J’aimerais savoir si c’était cette idée impérative du mouvement qui a déterminé le montage ? Autre question liée à ces trajets permanents : savoir si un réalisateur comme John Cassevetes, comme son film « Shadows », a pu être une référence pour vous ?

Leon : En ce qui concerne la première idée, je voulais faire un film qui se passe dans ce monde, dans ce milieu que je connais très bien et je ne voulais surtout pas le décrire d’une manière terrible et horrible. La raison pour laquelle je ne voulais pas le faire, c’est que je connais ces jeunes du quartier. C’est mon univers personnel. Bien sûr, la vie de certains d’entre eux est terrible. Il se passe des choses. Mais la vie de beaucoup d’entre eux aussi ne l’est pas du tout. Je ne voulais pas mettre l’accent dessus. Ce que je voulais faire, c’est de raconter une histoire qui soit drôle, amusante. C’est aussi cela leur vie. C’est sur cet aspect-là que je voulais aller. Il y a bien sûr dans ces quartiers des jeunes filles en train de se faire violer, mais ce n’est pas ce que je voulais traiter dans mon film. Je me suis dit, on va prendre ces jeunes de ces quartiers et on va leur faire vivre une aventure. Il y avait vraiment un esprit d’aventure. Cet esprit qui entraine le rythme lui a donné une rapidité, des syncopes. J’ai voulu garder ce rythme rapide. J’ai tourné de manière rapide. J’ai fait aussi un tournage assez court, ce qui est important lorsqu’on fait son premier film. Le montage qui a été rapide a été aussi pour moi tout comme le tournage. Mon style est de tourner des séquences assez longues et ensuite de les couper. Lorsque je les tourne, je ne fais pas de cut toutes les trois secondes. Je fais des séquences assez longues. Comme cela, cela permet de garder une authenticité dans les dialogues et leur donne du naturel. C’est ce naturel aussi qui m’intéressait. Pour revenir à la deuxième partie de la question sur John Cassavetes, il fait partie de ces réalisateurs que j’admire et qui ont eu, d’une manière ou d’une autre, une influence sur moi. Ma vraie influence est la méthode de production. J’aurais pu en effet regarder beaucoup de films, par exemple les films de Cassavetes, mais pas seulement, les films de Bob Hope et Bing Crosby. Tous ces films-là, je les ai vus, mais je n’ai pas voulu vraiment les regarder trop pour pouvoir garder l’esprit clair et me concentrer sur le mouvement. Sur les séries des films de Crosby et Hope, cette idée du mouvement était très importante. Si, c’est l’influence que j’en ai retiré, je crois que c’est cela. Encore une fois bien sûr, vous avez parlé de John Cassevetes, merci, c’est un réalisateur que j’admire, mais je n’ai pas essayé de suivre exactement cet exemple-là dans la structure du film. Merci encore d’avoir repéré cette influence.

Q : J’aimerais connaître votre rapport au graffiti ? Est-ce pour vous une forme d’expression ou un art ?

Leon : Pour moi, le graffiti est beaucoup de choses à la fois. C’est un art, mais c’est également un moyen de s’exprimer. C’est beaucoup de choses. Il faut savoir que cela fait depuis plusieurs années que je m’intéresse à cela, quelques années que je côtoie des gens qui font vraiment partie de cet univers. Je commence donc à bien le connaître. Lorsqu’un peintre peint dans son studio, il ne risque pas sa vie, il n’a pas à escalader des bâtiments qui sont parfois très, très haut. Il n’a pas à s’accrocher à des cordages ou des échafaudages. Il n’a pas une armée de policiers derrière, en train d’essayer de l’attraper à tout prix. Cela n’a rien à voir. Tous les adolescents que j’ai rencontrés et qui étaient des graffeurs, ce sont des gens qui sont à la fois très concentrés sur leur art, très concentrés sur ce qu’ils font sur la structure graphique, des choses qu’ils sont en train de dessiner, mais en même temps, ils sont très concentrés sur le fait de gérer le danger physique permanent. C’est un équilibre qui est très intéressant pour moi, en tout cas. C’est un système d’expression urbaine, qui est un point de départ formidable pour une histoire comme celle que vous avez pu voir aujourd’hui. Même si le film n’est pas spécifiquement sur le graffiti, c’est au centre de l’histoire. C’est un point de départ parfait pour parler de ces jeunes dans cet environnement.

Ty Hickson

Hickson : Comme nous l’avons dit tout à l’heure, c’est pour moi aussi un moyen d’expression, de s’exprimer, c’est un art, mais pour moi clairement, ce qui m’intéresse aussi est le côté rebelle du graffiti, car c’est avant tout quelque chose que nous n’avons pas le droit de faire. C’est quelque chose qui n’est pas permis. Cela permet de se rebeller d’une manière artistique. Cela nous donne aussi ce sentiment d’aventure, ce risque que l’on prend, cette petite poussée, cette montée d’adrénaline lorsqu’on n’est pas un combattant. En faisant des graffitis, on a la chance de faire quelque chose de brave, de courageux. C’est un moyen de s’affirmer qui est très intéressant et qui fait partie de la vie de beaucoup de gens.

Washington : Avant de faire partie de ce projet, de m’intéresser et de rencontrer tous ces gens, je ne savais pas autant de choses que cela sur le graffiti. J’ai grandi à New York, ville dans laquelle le graffiti fait partie du paysage urbain, de ce que l’on voit tous les jours. Ce n’est pas quelque chose de commun. On voit un graffiti, mais on ne fait que le voir. Après avoir vu le film et après avoir rencontré toutes ces personnes, discuté avec tous ces gens dont le graffiti fait vraiment partie d’une manière primordiale de la vie, là j’ai commencé à regarder tout cela de manière assez différente. J’ai commencé à comprendre le côté véritablement artistique du graffiti et même si c’est vrai que ce n’est pas légal, ce n’est pas bien, cela détruit ceci cela, j’ai vraiment pris conscience de tout ce qui est inscrit dans un graffiti. C’est à la fois une performance artistique, mais bien d’autres choses. Cela m’a ouvert les yeux.

Leon : Lorsqu’on parle du graffiti et du film, je tenais à préciser qu’il y a un écrivain célèbre qui parle beaucoup du graffiti, qui s’appelle Espy et qui est vraiment réputé dans ce milieu et a travaillé sur le projet très tôt. Il s’est investi sur le projet au point d’organiser des ateliers sur les graffitis pour exprimer la manière de s’exprimer, toutes les tendances existantes dans ce système d’expression. Il a été d’une aide énorme dans le développement du film.

Q : J’ai une question sur les acteurs : j’aimerais savoir s’ils avaient dans leur tète une interprétation précise de quelqu’un ?

Hickson : En ce qui me concerne, en tant que jeune homme de seize ans à ce moment-là, j’ai tout simplement essayé de prendre ce qu’il y avait à l’intérieur de moi-même et de le mettre sur le tapis de manière plus dramatique, de prendre mes traits de caractère et de les amplifier au maximum pour rester réaliste et en même temps trouver quelque chose qui soit en dehors de moi. C’est la manière dont j’ai abordé ce personnage. Je n’ai pas cherché d’interprétation dans d’autres acteurs.

Washington : Moi non plus, je n’ai pas cherché à me rapprocher d’une interprétation quelconque, je n’ai pas cherché à m’inspirer de quelqu’un, c’est pour ne pas surjouer, de rester le plus réaliste possible.