Conference-de-Presse - Kaboom

Par Mulder, Deauville, 05 septembre 2010

Q : Gregg, pouvez-vous nous raconter comment vous avez rencontré Roxane ?

Gregg Araki : Comme cela va être traduit, je peux me permettre de raconter n’importe quoi, que c’était un rendez-vous arrangé entre nous deux, un « blind date ». Non, en fait c’est une amie d’amie et cela se trouve que c’est la première personne que j’ai choisie pour ce film. J’ai écrit ce personnage de Lorelei avec des idées très précises. Je savais quel type de personne correspondrait à ce que j’avais écrit et j’ai tout de suite pensé à elle. Cela serait fabuleux qu’elle accepte. Elle aussi était désireuse de tourner dans un film américain. Voilà, Lorelei a pris vie.

Roxane Mesquida : Réellement, c’est que j’avais envie de travailler avec Gregg depuis longtemps. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’en fait, il m’a rencontrée car j’étais en couverture de Playboy.

Araki : Ce n’était pas que pour cela (rires), c’était le fait plutôt de la voir très photogénique sur certaines photos, certaines situations que je trouvais très loreleiesques. Elle était particulièrement propice à ce rôle.

Thomas Dekker : Et tout ce que je peux dire pour compléter c’est qu’il était pour moi aussi terrorisant d’envisager de travailler avec Gregg, que de jouer avec Roxane. J’étais un grand admirateur de sa prestation dans A ma sœur. J’appréhendais réellement cette collaboration et cette rencontre. Cela s’est passé de façon merveilleuse. Elle a été parfaite avec moi.

Q : Roxane, qu’est-ce qui vous a plus impressionné : présenter Kaboom à Deauville ou être membre d’un jury ici ?

Mesquida : Je suis juste très heureuse de présenter Kaboom à Deauville, et d’être avec Gregg et Thomas encore pour faire la promotion de ce film. Je ne trouve pas qu’être membre d’un jury est quelque chose de difficile. Je n’ai qu’à regarder deux films par jour et je vais pouvoir donner mon coup de cœur et ma voix va être entendue, donc c’est asse facile.

Q : Mysterious skin a été un tournant dans votre carrière dans le sens que vous êtes passé à un type plus sérieux de cinéma. A Cannes, certains spectateurs en voyant le film regrettaient que vous soyez revenu à un cinéma plus léger, à un style plus léger, et à une légèreté de ton. Pouvez-vous vous exprimer là-dessus ?

Araki : Je dirais que je fais une panoplie de films assez différents et finalement ceux-ci ont leur diversité. Ils sont pour moi comme mes enfants que j’assume et revendique sans tenir compte de leurs différences. Il se trouve que je suis très fier d’un film comme Mysterious skin, car c’est un film plus grave, plus sérieux. Je ne veux pas me cantonner à un seul style de films. Il y aussi pour moi les films comme Kaboom, qui traitent à la fois de sujets graves mais parfois aussi de choses drôles. Il y a aussi des films plus légers comme Smiley face. Chacun de ces films a sa propre identité, sa propre raison d’être. Ce sont tous des films que je fais sur des coups de cœur. Ce sont tous des films qui sont pour moi des histoires de passion et une aventure particulière. Je suis heureux de tous les faire et je ne veux pas m’enfermer dans un type de films.

Q : Il y a énormément de ponts que l’on peut dresser entre vos longs-métrages faits dans les années 1990 et les films d’un autre réalisateur qui a plus émergé dans les années 2000, soit Richard Kelly. Vous avez beaucoup de thèmes récurrents en commun, notamment celui de l’Apocalypse. Comment ce thème peut être un sujet de prédilection pour vous et d’autres réalisateurs ?

Dekker : Oui, il pique tous les thèmes illustrés par Gregg (rires).

Araki : Je crois tout simplement qu’il y a un terroir culturel commun dans lequel nous baignons et c’est quelque chose qui est dans l’air. On vit dans une atmosphère d’effroi et d’une certaine paranoïa, sur une peur sur laquelle on greffe l’idée de l’apocalypse. C’est quelque chose qui a existé aussi dans les années 1950 et c’était relatif à l’émergence de la bombe atomique. On peut aujourd’hui le rapporter à d’autres éléments politiques. C’est quelque chose qui est dans l’air du temps. Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce film-là, c’est que le personnage se pose la question de savoir ce que serait la fin du monde. Il y a cette métaphore que je trouve très belle que ces personnages qui ont l’air de jeunes gens ont une vision apocalyptique. Pour une fois, la théorie du complot n’est pas infondée et c’est ce qu’il me paraissait être pour moi, en tant que réalisateur, une très bonne idée.

Q : Avez-vous déjà pensé à la fin du monde. Est-ce que cela vous fait peur ?

Dekker : Le monde actuel m’effraie plus que cette idée de fin du monde.

Mesquida : C’est une chose à laquelle je ne tiens pas à penser. J’essaye de vivre au maximum dans le moment présent. Pour l’instant, on respire et tout va bien.

Q : Où et quand s’arrête l’adolescence ? Dans la vie et vos films ?

Araki : J’ai fait en fait à la fin des années 1990, de façon assez volontaire et intentionnelle, trois films qui étaient des films sur l’adolescence, destinés à des adolescents. Cela ressemblait à une trilogie de l’apocalypse. Une fois que cette trilogie était close, je n’avais plus l’intention de faire des films qui concernaient des adolescents. Il se trouve que le thème de Mysterious skin que j’ai décidé de traiter, avait au centre ces deux personnages adolescents. On revenait à ce thème-là, sans que cela soit intentionnel. Pour ce qui est de Kaboom, j’avais une intention toute autre : de traiter d’un moment de la vie qui est le moment de l’instabilité, le moment où les choses ne sont pas encore décidées, où le possible s’étend encore devant vous. Cette instabilité, ce doute empreint l’univers où évolue le personnage principal. Les deux personnages principaux ont entre dix-neuf et vingt ans, mais ce n’est qu’une coïncidence.

Q : Comment êtes-vous rentré dans ce film pour préparer votre rôle ?

Dekker : Je dois dire que je n’ai pas cherché de midi à quatorze heures. Je me suis fié à ce qui était écrit dans le scénario. Je n’ai pas cherché à créer une histoire, un contexte pour le personnage. J’y voyais beaucoup Gregg lui-même, il y a beaucoup mis du sien. Je me suis nourri de cela. J’ai juste cherché à en faire un chic type, un garçon que l’on aime bien avec qui on aime passer du temps. Cela est devenu un personnage accessible à partir du moment où je savais qu’il avait ce rôle, ce type de personnalité-là. Les choses sont venues ensuite facilement.

Q : Pouvez vous nous parler de votre premier projet de réalisation ?

Dekker : En fait, j’ai fait ce film auquel vous faites allusion. Je me suis aussi concentré sur des travaux qui étaient des travaux d’installation, plus sur l’expression, de l’art visuel plus que strictement que du cinéma. Je suis encore jeune et j’ai encore le temps d’envisager de passer derrière la caméra. Ce que je sais dans mon attitude actuelle, maintenant que je fais le bilan de ce film, de ce que j’ai fait et de ce qu’il reste à faire, je me rends compte qu’il y avait beaucoup de colère, un sentiment de révolte et de vouloir tout envoyer balader qui n’était pas du tout justifié. Cela, je l’ai vraiment appris en tournant avec Gregg. Je percevais dans ses films ce sentiment de transgression. Je pensai que l’on devait le ressentir pour pouvoir le mettre à l’image et maintenant que j’ai travaillé avec lui, je me suis rendu compte qu’intérieurement, on peut être quelqu’un de beaucoup plus serein, et que c’est dans le produit qu’apparaît cette transgression et non dans l’attitude punk. J’ai appris à baisser le ton, à être un peu plus doux et à mettre la colère dans le travail, et à ne pas forcément la porter en moi.