Conference-de-Presse - Meet Monica Velours

Par Mulder, Deauville, 11 septembre 2010

Dustin Ingram

Q : Comment avez-vous traité et choisi ce sujet ?

Keith Bearden : D’une façon générale, je n’écris que sur des choses qui me dérangent, qui me titillent. Il se trouve qu’aux Etats-Unis, on a une très grosse industrie de la pornographie. Cette industrie tourne grâce à un certain nombre de figures féminines. Ce sont des femmes qui, à un moment de leur vie et de leur carrière, sont des stars absolues, grâce auxquelles les producteurs engrangent beaucoup d’argent, mais qui tombent ensuite dans la misère la plus profonde. On peut parler du cas le plus célèbre de « Ginger Alynn » et qui s’est retrouvée à devoir vendre des sous-vêtement sur internet pour pouvoir subvenir à ses besoins. C’est quelque chose de catastrophique dans ce pays. Voir ces femmes, qui ont connu la gloire et qui finissent dans la pauvreté et la déchéance la plus totale. Ce thème a été pour moi la source de ce film. Ce film s’inspire de ces femmes de ce milieu, mais aussi d’autres femmes et d’autres milieux professionnels que je connais dans ma vie.

Q : Comment vous vous êtes préparée pour ce rôle ?

Kim Cattrall : En fait, la façon dont cela s’est passé, c’est que j’ai reçu ce scénario par mon agent et quand je l’ai lu, j’étais fasciné par le fait que l’on me demande d’incarner une telle femme. Cela s’est passé de façon assez récurrente, les rôles que l’on me propose au cinéma sont des rôles de femmes fortes et remplies d’espoir. Pour une fois, on me proposait le rôle d’une femme qui n’a aucun espoir. Une femme qui ne peut plus travailler, une femme qui est mal considérée. Ce que je recherche dans mon travail est de relever des défis. Le défi principal était celui de pouvoir jouer sans maquillage, sans être éclairée et de rencontrer ce réalisateur qui a une empathie profonde. Il est venu vers moi en me disant que pour incarner cette femme, il a pensé à moi. Cela va à l’encontre de tout ce que j’avais fait jusqu’à maintenant. On me demande toujours d’être très mince, belle et très maquillée. Ce maquillage, cette espèce d’armure que vous vous créez, cela vous protège. Cela vous permet de vous sentir en sécurité. Ici, on me demandait de me débarrasser de cette armure et d’être complètement vulnérable, livrée à la caméra. Cela en soi était quelque chose que je voulais vraiment faire. Je crois qu’un tel rôle vous amène à surpasser votre peur. Je crois qu’aujourd’hui, à Hollywood, beaucoup de carrières cessent. Si beaucoup d’acteurs et d’actrices ne peuvent plus y travailler, c’est justement à cause de la peur qui les empêche de s’investir. Quand mon agent m’a demandé pourquoi je voulais tellement jouer ce rôle, je lui ai répondu c’est parce qu’il me terrifie, j’ai envie de surmonter cette peur et de passer ce stade. Ce stade je l’ai passé grâce à ce réalisateur et aux producteurs, qui m’ont permis de m’exposer à cette vulnérabilité, d’incarner cette femme. Ce fut vraiment un soulagement, car pour une fois, je pouvais manger ce que je voulais. J’adore la nourriture. J’ai passé ma vie au régime, car le cinéma exige que l’on corresponde à certains critères. Je pouvais ressembler à ce que je voulais. Cela a été une libération pour moi.

Q : Avez-vous réussi à vous dégager de ce personnage ?

Cattrall : Je dois vous dire que la première fois que j’ai vu ce film, j’étais en larmes, très émue de voir que finalement, on était parvenu à un résultat qui était pour moi incertain, celui d’arriver à créer un personnage qui n’avait rien à voir avec moi, d’être dans quelque chose de réellement construit. Au fur et à mesure que l’on tournait, je n’arrivais pas à regarder les rushs. Je n’allais pas dans la salle de montage et j’ai laissé le réalisateur faire. Une fois que j’ai vu le résultat sur l’écran, je me suis rendu compte que mon personnage, ce n’était pas moi. D’habitude, quand je vois des personnages que j’ai incarnés, il y a toujours des bribes que je reconnais, certaines tonalités dans la voix, un geste, quelque chose qui fait que je me reconnais, que je sais que c’est moi. Là, c’est vraiment une composition parfaite dans la mesure que je ne me suis pas reconnue. J’ai vraiment pu observer cette femme-là. J’en suis très fière.

Q : Avez-vous été impressionné autant par Kim que par son personnage ?

Dustin Ingram : Je suis tombé éperdument amoureux de Kim dès le premier essai. C’est elle que j’ai aimée et je suis déchiré à chaque fois que je revois le film, pas simplement car j’ai un cœur sensible, mais aussi car à chaque fois je perds Kim. A chaque fois que je revois cette scène de rupture, c’est une scène de rupture entre moi et Kim. Les tournages, c’est comme cela, c’est comme une colonie de vacances. On était là, on se réunissait. On travaillait ensemble, on parlait de tout, de la vie et de l’amour. On tombe amoureux les uns des autres. C’est un temps passé ensemble très intense, travailler ensemble, faire ce que l’on aime avec des gens que l’on aime.

Kim Cattrall

Q : Quelles sont vos impressions sur Deauville ?

Cattrall : Il se trouve que je reviens juste du Japon. J’y étais allée pour le lancement de Sex & the city 2, et je n’ai eu qu’un après-midi de libre sur place. J’ai pu aller voir un théâtre qui est pour moi une expérience merveilleuse. Pour Deauville, c’est la deuxième fois que je viens. Je suis venue au début des années 1980, pour le premier et unique Police Academy, à mes yeux. Je suis émerveillée à chaque fois de voir le rythme qui est celui de ce festival. En général dans des festivals, on vous célèbre et on vous maltraite à la fois, on vous pousse d’un endroit à un autre, c’est très stressant. Ici, on est reçu avec une espèce de grâce et de sérénité. On se sent vraiment accueilli. La plage est magnifique. Il se trouve que je viens de jouer une pièce de théâtre à Londres qui se passe à Deauville. J’ai presque l’impression de connaître la ville encore mieux que les deux visites que j’ai pu y faire. Je me sens très heureuse ici.

Ingram : Deauville, je t’aime. C’est la première fois que je viens en Europe et j’espère que j’y reviendrai très vite. Je suis émerveillé de voir comment on est reçu de façon extrêmement respectueuse et adorable. Le Japon est mon autre rêve d’escale. Je suis un nerd depuis que je suis gamin. Je suis passionné de technologie, de tous les gadgets, de jeux vidéos. Je rêve d’aller au Japon aussi.

Q : Votre personnage dans le film est un fantasme pour une actrice. Est-ce que vous-mêmes avez connu ce genre de fantasme, qui vous a poussé à devenir réalisateur ?

Bearden : Non, moi vraiment les femmes qui me font rêver, les femmes que j’aime sont des femmes réelles. Ce ne sont jamais des actrices, pardon pour Kim, mais elle est pour moi une femme réelle. J’aime des femmes que je connais dans la vie, pas des femmes que je rêve. Il se trouve malheureusement que les jeunes hommes sont nourris de ces fantasmes féminins. A l’heure du virtuel, vous voyez bien que les premières femmes qui font rêver les jeunes hommes, qui leur font découvrir le désir, ce ne sont pas leurs petites copines ou leur voisines. Ce ne sont pas des femmes qui ont un désir, un cœur. Ce sont des femmes qui sont des femmes fausses, irréelles. Je trouve que cela craint vraiment. C’est vraiment quelque chose qui ne permet pas un rapprochement entre des hommes et des femmes. Cela ne permet pas de construire une relation saine. C’est très difficile après de substituer ces êtres imaginaires à des êtres réels, qui ont leur propre mode de fonctionnement. C’est ce qui se passe dans ce film : Monica est une femme qui est tellement amère, car elle a payé le prix du fantasme. Le fantasme ne correspond pas à la réalité. On n’a pas permis à Monica de s’exprimer comme un être humain entier qui a sa propre existence, son propre esprit.

Q : Etes-vous satisfaite du choix de l’actrice qui vous interprète plus jeune dans ce film ? Avez-vous eu votre mot à dire pour ce choix ?

Cattrall : Je n’ai pas eu mon mot à dire sur ce choix. C’est Keith qui a fait le choix de cette jeune femme, mais pour moi, cela ne me regardait presque pas dans la mesure où j’ai ce rapport à moi-même plus jeune. Lorsque je tombe sur des photos de moi plus jeune, lorsque je me vois avec mes amis ou avec ma famille, certes je reconnais mes traits, mais pour moi, c’est quelqu’un d’autre. Je suis moi à mon âge actuel. D’autant plus pour Monica, je me rendais compte que quand elle regarde ses films d’autrefois, ce n’est pas elle-même qu’elle regarde, c’est une autre Monica. Je trouve que Keith a fait un bon choix.

Q : Vous jouez dans ce film une ancienne actrice pornographique. Vous couchez avec beaucoup d’hommes, comme votre personnage dans « Sex and the City ». Est-ce que vous n’avez pas peur d’avoir cette image-là, d’une femme qui couche facilement ? Voulez-vous profiter du cinéma pour casser cette image ?

Cattrall : Il se trouve que ces femmes ont d’abord le point commun d’être des femmes fortes, comme je le disais, j’aime incarner des femmes fortes. Il se trouve aussi que la vie de Monica est teintée de désespoir, notamment dans ce rapport aux hommes. Le personnage de Samantha est une femme qui a un rapport de force. La sexualité est un levier de ce pouvoir. Monica est une femme qui est seule au monde, qui n’a rien, pas de travail, pas de maison, qui n’a pas d’amis. Elle n’a même pas la garde de son enfant. C’est une femme qui a subi la relation à l’homme, sa sexualité comme un châtiment, quelque chose qui est pesé. Elle a été complètement rendue un objet de la sexualité. Elle a pu s’en nourrir et gagner sa vie, grâce à la sexualité. Elles n’ont pas du tout le même rapport à la sexualité, car Samantha est une femme extrêmement forte, qui se fiche complètement de qui que ce soit dans la vie. A ce titre là, la sexualité est certes présente dans leur vie avec des rôles, des approches extrêmement différentes. Il se trouve que je rencontre avec « Sex and the City » beaucoup de gens très habités par cette série, notamment des femmes que je croise. Cela fait tellement longtemps que les femmes étaient en attente de voir comme cela une fiction qui permette de parler de leur vie de femmes, de mères, de filles, par rapport à leur travail, par rapport à leur sexualité, d’une façon qui ne soit pas menaçante pour les hommes. Cela crée un phénomène qui se produit ici, qui permet effectivement de libérer une espèce de chose qui était très attendue sur une communication possible sur la question de la féminité, de la vie des femmes et des échanges entre les femmes.

Q : Voulez-vous avoir ce rapport avec un fan qui changerait votre vie ?

Cattrall : Oui, je crois que n’importe quelle rencontre peut changer notre vie et c’est ce qui fait toute la joie de mon travail. Je suis très heureuse de faire ce métier, car on y rencontre des gens brillants, comme Roman Polanski et Keith. C’est un privilège qui m’est donné dans ce métier de rencontrer des êtres qui vous apportent leur talent, leur créativité et qui vous permettent de créer ensemble et de vivre ensemble des expériences qui changent votre vie.