Conference-de-Presse - Yelling at the sky

Par Mulder, Deauville, 05 septembre 2011

Jason Clarke Q : Je tiens d'abord à vous féliciter pour votre film. On anticipe peut-être un peu, mais c'est un film potentiel. Je ne sais pas si on doit le dire mais c'est vrai que le public a bien réagi et nous aussi en tant que critiques, on a aimé le film. J'aimerais vous poser cette question : est-ce que le fait que les parents aient démissionné depuis pas mal de décennies, c'est cette envie-là qui vous a donné envie de faire ce film, de l'écrire et de le produire ? Qu'est-ce qui est pour vous la cause de cette démission ? Est-ce que c'est la libération sexuelle suite à mai 1968 ?

Victoria Mahoney : Tout d'abord merci pour ce que vous avez dit sur le film. C’est un film que nous avons fait avec des moyens très réduits. Cela était assez difficile pour nous pour faire ce film. C'est vrai que ce film vient à point, je pense qu'il y a eu un changement dans la société américaine en 1945, l'époque où tous ces jeunes pères américains étaient partis à la guerre et sont revenus. Lorsqu'ils sont revenus, il y a eu une espèce de bouleversement de la structure familiale aux Etats-Unis, du fait que ces gens étaient partis, une chose extrêmement violente a fait qu'ils étaient complètement décalés et à partir de là, il y a eu un décalage qui a continué et qui s’est renforcé avec d'autres guerres plus tard. Aux Etats-Unis, il y a quelque chose en développement qui s'est arrêté, beaucoup de gens se battaient dans la rue, des adultes mais avec des esprits d'enfants ou d'adolescents. Toutes ces personnes sont tellement conscientes avec ce qu'elles veulent avoir ou obtenir, qu’elles ne se rendent plus du tout compte ce qu'il y a en face d'eux. Elles ne voient plus les gens qui souffrent, ni ceux qui sont en train de grandir. Du coup, on se retrouve dans un système où les enfants deviennent les parents de leurs propres parents. C'est un vrai souci dans la société américaine actuelle.

Q : J'aimerais que vous nous parliez de la préparation du film. Comment avez-vous écrit cette histoire ? L'avez-vous préparé ? J'ai aussi une question pour Jason Clarke : comment prépare-t-on un rôle aussi difficile ?

Mahoney : Il faut savoir que, lorsque j'étais jeune, j'aimais beaucoup une pièce d'Anton Tchekhov, qui s'appelait « Les Trois sœurs ». C'est une pièce que, moi-même étant jeune et n'ayant pas beaucoup d'argent, on allait voir ce qu'on appelle les seconds actes. On entrait dans la pièce quand elle avait déjà commencé. J'ai donc vu cette pièce de nombreuses fois et j'étais à chaque fois bouleversée devant tous ces thèmes qui sont dans la pièce, qui sont très forts et qui me parlent à moi personnellement. Ce sont des thèmes que je n'aurais pas pu croire qu'il y en ait été autant écrit dans des endroits aussi différents que les États-Unis. Je me suis dit qu'il y avait des choses qui pouvaient me toucher et ces thèmes sont restés en moi. Le thème de l'illusion de croire que l'on peut s'en sortir est un thème important pour moi. Qu'est-ce qui se passe dans la vie des gens, quand un jour cette illusion nous est retirée et qui on est. Dans l'élaboration du scénario du film, quelque chose qui était très important pour moi, c'est qu'il y ait beaucoup d'enfants et d'adolescents que je rencontre aujourd'hui qui sont en train de se battre, qui ont les mêmes problèmes et les mêmes batailles que moi j'avais à cette époque-là. Ce thème est intemporel et encore aujourd'hui, c’est un problème qui n'a pas encore trouvé de solution. Je suis encore choquée actuellement, car je vois qu'il n'y a rien qui a été fait pour nous retirer ces poignards qui nous transpercent.

Jason Clarke : En fait, c'est le moment préféré pour moi, lorsque je prépare un film, c'est cette préparation. En ce qui concerne ce rôle, c'est un peu comme quand on lit un livre, tout d'un coup on est confronté à un nouvel univers et il va falloir que l'on s'y habitue petit à petit. Pour moi, ce qui est vraiment formidable, c'est le fait de devenir père dans ce quartier du Queens à New York, où l'on rencontre des gens. On s'investit vraiment, on rentre dans un monde qui est complètement nouveau et pour moi, c'est tout à fait excitant. Lorsque j'ai préparé le rôle, je suis allé sur place. Lorsque je suis arrivé à New York, Victoria m'a donné un sac avec plein de petits cadeaux. Il y avait des petites bouteilles d'alcool, celles que l'on voit dans le film que les personnages boivent. Il y avait aussi des bonbons, c’est-à-dire plein de petites choses qui font la vie locale de ce microcosme culturel. Je suis sorti avec les autres acteurs et on est devenu ami. C'est vraiment intéressant pour moi d'essayer de comprendre le scénario, de le casser ensuite en petites structures, et de chercher en qualité d'acteur ce que je peux apporter au personnage et aux films également. On peut en effet apporter de petites choses personnelles pour essayer de faire en sorte que le scénario ait encore plus de sens. Il y a deux ou trois points dans le scénario que j'ai appris à localiser et à développer pour créer ce personnage et savoir ce que j'aurais pu apporter. J'ai en effet travaillé sur mon accent, j'ai essayé de trouver la bonne voix du personnage, toutes ces petites choses qui font que ce film se fasse. Ce fut aussi difficile pour moi d'être dans ce film uniquement l’un des deux personnages blancs.

Victoria Mahoney Q : Dans le film, quelle était la profession du père de famille ?

Mahoney : C'est une très bonne question pour commencer. Le problème dans ce genre d'univers et de situation, c’est que bien souvent il n'y a pas de travail. C'est la base de beaucoup de soucis et en l'occurrence, il y a un proverbe américain que l'on peut traduire de la sorte : on fait un petit peu tout, mais on est bon à rien. La vraie question lorsqu'on dit quel est son métier, c'est celle que j'ai voulu montrer à l'écran, c'est-à-dire son métier dans la maison et non pas dans sa vie professionnelle. Ce père qui n'est pas vraiment un père est un mystère ambulant, mais son métier, pour vous donner un petit indice, est plus proche du métier de taxi.

Q : Pouvez-vous nous parler du casting féminin de votre film ? Avez-vous eu du mal à trouver les deux sœurs ?

Mahoney : Le casting a été très difficile à mettre en place et avant de répondre à la question plus spécifiquement sur les sœurs, j'aimerais parler de Jason, car le trouver pour ce rôle a été quelque chose de très difficile pour moi à plusieurs niveaux. Les investisseurs qui ont apporté de l'argent voulaient absolument que je prenne un acteur qui soit plus connu, mais qui n'était pas aussi bon. C'est un peu le problème lorsqu'on fait un film indépendant aux Etats-Unis, car on vous donne uniquement de l'argent, si vous prenez des acteurs qui ne sont pas bons dans ce rôle-là, mais si vraiment vous voulez un acteur qui soit parfait dans ce rôle-là, ils répondent d'accord, mais on ne vous donne pas d'argent. Ce fut un combat en effet très long, où j'ai dû pratiquement rencontrer la moitié de Hollywood avant de pouvoir travailler avec Jason. J'étais sûre le jour où j'ai pu serrer la main de Jason que j'ai su que c'était lui qu'il me fallait pour ce rôle. Cela a pris un an pour pouvoir trouver le bon acteur pour ce rôle. En ce qui concerne les sœurs, cela a été extrêmement compliqué, car je voulais trouver deux actrices qui avaient quelque chose en elles et qui étaient en parfaite symbiose. Il fallait une parfaite synchronisation, sinon le film ne pouvait pas fonctionner. La première personne que j'ai trouvée était Zoé et cela fut compliqué par la suite de trouver la sœur. Il y a une véritable chasse qui s'est opérée, mais j'ai eu de la chance de trouver une actrice qui était suffisamment différente, mais il y avait en même temps une similarité, un même physique qui faisaient qu'on lui croyait.

Q : J'ai une question sur la construction des personnages. Il y a au moins deux personnages, Sweetheart et le père, qui ont un revirement et une rédemption. J'aimerais savoir si cela était un thème du film ou un élément central, un message social ou politique ?

Mahoney : Quelque part j'espère que tous les films ont un message politique. En tout cas, il y a une action politique, lorsqu'on fait un film, car ce sont des films qui vous engagent à réfléchir et à vous poser des questions. Il y a une volonté politique à vrai dire. Est-ce que mon film véhicule un message d'espoir, je ne veux pas vous le dire, car c'est à chaque spectateur de se forger sa propre opinion. Si je vous dis en un seul bloc, il y a en effet de l'espoir, je risque de voler le sentiment d'un spectateur qui risque de penser différemment et je n'ai pas envie de le faire. Le fait de faire des films pour moi est un métier important.

Clarke : En ce qui me concerne, je vois l'espoir dans le simple fait que mon personnage Gordon dans le film trouve son chemin à travers les bois. Le simple fait qu'il décide d'être présent, c’est une des raison qui m'ont poussé en lisant le scénario à accepter le rôle.