Conference-de-Presse - The Dynamiter

Par Mulder, Deauville, 06 septembre 2011

Matthew Gordon Q : Pourquoi ce titre, The Dynamiter ?

Matthew Gordon : Le titre revient souvent en question. Je pense qu’il est très important pour le personnage principal. Il a un caractère qui possède tous les talents, toutes les émotions, comme de la dynamite. Avec de la dynamite, c'est la possibilité de créer des choses, mais c'est aussi la possibilité de détruire des choses. En anglais, le terme de dynamique signifie également quelque chose de merveilleux, de l’énergie. C’est une métaphore pour la vie intérieure de notre personnage.

Q : J'ai une question à vous poser par rapport à ce film qui rentre dans une mouvance très importante. Toute la décennie précédente, il y a eu des films négatifs sur la délinquance ?

Gordon : C'est une bonne question. Je pense que la réponse, c'est qu'il n'y a pas assez de mouvements maintenant dans le cinéma indépendant. Je ne pense pas faire partie d'un mouvement, mais je suis sûr avec toutes les choses qui se passent maintenant aux Etats-Unis, c'est que le mythe d'être riche, d’être célèbre, tous les rêves américains n'existent plus vraiment. C'est possible de vivre aux Etats-Unis, comme en France, avec des valeurs fortes, mais les rêves changent. C'était pour moi l'opportunité avec cette histoire de dire la façon dont les gens vivent réellement actuellement. C'est impossible aux Etats-Unis de ne plus voir ce qui existe partout. C'est important comme thème. Je pense que ce thème de l'ambivalence américaine, qui est déjà très ancien dans la culture américaine, de ceux qui gagnent et de ceux qui perdent, n’a plus vraiment de raison d'être actuellement. Cette ambivalence ne fonctionne plus actuellement aux Etats-Unis. Il y a vraiment beaucoup trop de gens aux Etats-Unis qui souffrent. Ces gens ont besoin d'une voix pour les représenter. Cette voix, ils en ont besoin et l'envie de la voir leur donne un espoir, de créer des possibilités là où à première vue il n'y en a pas. Ils ont besoin de voir cet espoir à l'écran. Les médias aujourd'hui vendent du rêve. Mais c'est un faux rêve, un rêve à l'américaine, le rêve des gens riches qui font quelque chose. L'espoir, je veux le faire voir, l'espoir de cette classe-là, qui a besoin de voir que l'on peut s'en sortir. Je crois qu'il est temps actuellement de faire cela. Aux Etats-Unis, comme vous le savez, il y a une récession, des conditions de vie très difficiles. En ce qui concerne un mouvement, je ne sais pas. Je ne pense pas que cela existe déjà aujourd'hui, car en Amérique, on n’est pas très doué pour lancer ce genre de mouvement. A l'avenir, on devrait avoir de plus en plus de films relatifs à ce thème. Je ne pense pas faire partie de ce mouvement, car il n’existe pas encore.

Q : Ma question concerne le casting : avez-vous fait beaucoup de répétitions ?

Gordon : Nous avons trouvé le personnage principal uniquement trois jours avant le début du tournage. C'est pour moi un miracle, qu'il soit arrivé juste à temps. La seule répétition que nous avons fait, ce fut de manger ensemble, jouer au foot ensemble, et aller au cinéma ensemble. Cela a pu créer une excellente atmosphère de travail. L'atmosphère la plus importante est d'essayer de faire quelque chose. Il n'existe pas une façon de faire correcte, c'est une question de choix. Pour toute l'équipe, c'est un examen du processus. La plus importante chose par rapport aux acteurs, c’est qu’ils ne sont pas acteurs du tout, ils sont des gens de la communauté du Mississipi. Ces gens ont beaucoup de talent naturellement. Tous les jours, on arrivait et on avait une rédaction ouverte et confortable. Je voulais donner l'opportunité aux acteurs de parler. Toute l'équipe pouvait apprendre quelque chose chaque jour. L'équipe du Mississippi nous manque ici à Deauville.

Q : C'est votre premier film et j'aimerais savoir si vous pouvez nous parler de votre parcours ? Est-ce que le scénario de ce film est ancien ? L'avez-vous peaufiné ou modifié au fur et à mesure du temps ?

Gordon : En fait, le scénario est un scénario qui existe depuis six ans et que j'ai développé avec des amis de l'école de cinéma dans laquelle j'étais. Nous étions un groupe d'amis dans cette école, nous étions très soudés. On avait fait trois court-métrages ensemble et on avait ainsi développé ce scénario il y a six ans. C'était en effet quelque part un challenge pour nous, un défi que l'on s'était lancé. On avait ainsi un scénario assez écrit et lorsqu'on est arrivé dans le Mississippi, on a commencé à envisager le tournage. On s'est ensuite rendu compte qu'il fallait changer deux ou trois choses. C'est ainsi qu’on était confronté à la réalité des choses et d'un budget restreint. Il y avait de petits détails qui devaient être changés. Quelque part, l'histoire ne change pas, mais il y a des déroulements, des ingrédients de l'intrigue qui ont changé. Le fait d'avoir permis aux acteurs de s'exprimer avec leurs propres mots a été quelque chose de formidable pour moi. Il y a ainsi entre 60 et 65 % du scénario original que l'on voit bien sur l'écran.

Q : Est-ce que le choix du Mississippi est significatif pour vous ?

Gordon : Le Mississippi est un endroit qui était très important pour moi. C'est un endroit qui possède une vraie poésie, une vraie beauté. C'est un endroit qui est très particulier et spécial pour les Américains. J'ai eu la possibilité de travailler pendant plusieurs années dans un endroit qui est très proche du Mississippi et je suis tombé amoureux de cette région. Je pensais, quand j'ai développé ce film, que c'était le meilleur paysage possible pour ce film. Le Mississippi, l'endroit où on a tourné ce film, est l'endroit le plus pauvre des Etats-Unis, le delta des Etats-Unis. Il y a dans cet endroit un taux de chômage qui est très élevé et c'est aussi à cet endroit-là que le blues est né. C'est un lieu avec beaucoup de pauvreté et paradoxalement, c'est un lieu où le paysage est d'une beauté à couper le souffle. C'est un paradoxe qui est très intéressant. Lorsque j'ai préparé ce film, j'étais au volant de ma voiture. J'ai conduit du nord au sud du Mississippi pour arriver à trouver l'endroit idéal pour tourner mon film. Au bout d'un an, tout d'un coup, je suis arrivé dans une ville, je me suis dit voilà c'est ici. Lorsque vous avez ce sentiment en tant que réalisateur, c'est quelque chose d’extraordinaire, car tout d'un coup vous savez que le film ne peut pas se faire ailleurs. J'espère que vous tous ici aurez un jour la possibilité d'aller dans le Mississippi, car c'est une expérience très intense que de visiter cet état américain. Il y a quelque chose de presque magique dans ce décor. Pour les Américains, cet état du Mississippi véhicule beaucoup de choses. Une grande part de la culture américaine vient également de cette région, comme en témoignent les ouvrages de Mark Twain. C'est là aussi que se trouve l'origine du mythe américain. Le fait d'avoir pu tourner dans cet endroit-là nous a permis de montrer l'anti-mythe américain. C'est intéressant de voir qu'aux Etats-Unis, les Américains ont tendance à ne pas vouloir voir le mauvais côté des choses. Les Américains ont plutôt tendance à aimer les happy-end.