Conference-de-Presse - Exodus: Gods and Kings

Par Mulder, Paris, Hôtel Le Bristol, 02 décembre 2014

Voici l’intégralité de la conférence de presse donnée par Ridley Scott, Christian Bale et Joel Edgerton le mardi 02 décembre à l’hôtel Le Bristol.

Q : Bonjour Ridley Scott votre nouveau film Exodus Gods and Kings filmé en 3D est sûrement l’une de vos plus grandes et extraordinaires aventures épiques. Cela a dû être un grand défi de pouvoir créer votre propre vision de ce film..

Ridley Scott : à ce stade de ma carrière, cela n’a pas été un si grand défi une fois que vous avez un super scénario qui attire de si bons acteurs comme Christian Bale. Faire le film a été un plaisir. Ce n’est pas vraiment quelque chose d’envahissant. Le défi vous le gardez un peu à l’arrière de votre tête et vous faites face au travail.

Q : Il y a différents éléments dans cette histoire un général qui devient un esclave, deux fils, un père qui meurt. Cela rappelle un peu Gladiator et Kingdom of Heaven. Pourquoi choisissez-vous ce genre d’histoire ?

Scott : Quand j’ai commencé à travailler sur l’histoire qui a été écrit par Peter Chernin, celui-ci était suffisamment intéressant pour que je puisse m’engager dans ce film et puis à partir de là j’ai vraiment été impressionné de ce que je ne savais pas, de ce personnage. Je connaissais un peu l’histoire de ce qu’il avait été, des dix commandements. Quand j’ai lu l’histoire, je n’avais aucune idée de la véritable nature de ce personnage et de l’importance qu’il avait sur le plan historique et sur le plan religieux dans trois grandes religions du monde. A partir de là je me suis concentré à ajuster les choses à ma vision et en le faisant j’y ai mis aussi un peu de moi-même, de ce que je pensais que devait être cette histoire. En faisant cela en fait au début vous avez une sorte d’encyclopédie d’informations au sujet de ce personnage et de cette époque. Je n’avais pas besoin naturellement de relire l’Ancien Testament. Ce jeune homme à côté de moi l’a lu trois fois je pense. Mais, vous savez après que l’on ait terminé, il me disait que l’on pouvait encore rajouter ces éléments. J’ai commencé tout doucement avec beaucoup de précautions et de respect et sachant bien que l’on ne pouvait pas raconter toute l’histoire de Moise car il faudrait quinze heures de films. On pourrait même continuer et faire une suite avec Les Dix Commandements. Il fallait vraiment que je fasse une sélection très minutieuse. Il n’y a pas de rapport avec Gladiator, c’est vraiment une coïncidence. Gladiator a été fabriqué, Moïse non.

Q : Je voulais poser une question aux deux acteurs. Est-ce quand on est obligé de travailler toute une longue partie du film sur des écrans verts avec une postproduction très lourde après, est ce que cela modifie son approche du rôle, l’intensité que l’on peut y mettre ?

Christian Bale : il n’y a pas eu tellement d’écrans verts devant lesquels nous avons joué. Ridley Scott a vraiment créé tous les décors jusqu’à une hauteur de quinze mètres. Au-delà, oui, c’était des écrans verts ou pas du tout. D’ailleurs nous n’en avions pas toujours besoin. Donc, en réalité, quand je repense on était dans des lieux extraordinaires. Nous n’avions pas besoin d’écrans verts. J‘adore cela. J’adore le travail en extérieur. Ils ont trouvé les plages les plus extraordinaires, des extérieurs qui étaient parfaits pour la mer Rouge et qui étaient impressionnants. Je ne me souviens pas qu’il y ait autant d’écrans verts.

Joel Edgerton : C’était intéressant. La première partie du tournage était au palais et tout se passait réellement dans les intérieurs. On pouvait réellement tout toucher. On avait un écran vert un peu plus loin, là où il y avait peut-être des fresques. On pouvait toujours poser la question et demander ce qu’il y avait là-bas. Au-delà de ce que l’on arrivait à voir et ils nous dessinaient et nous disaient là-bas, voilà la perspective, voilà ce vous êtes censés voir. A aucun moment, on se sentait perdu et en tant qu’acteur j’aurai détesté faire un film qui aurait été entièrement avec des écrans verts. J’ai besoin aussi que mon imagination travaille avec tout ce que j’ai en face de moi plutôt qu’essayer d’imaginer ce que je suis censé voir. On n’en avait pas tellement.

Q : J’aurai voulu demander à Christian Bale s’il avait vu les dix commandements, s’il avait vu le rôle de Charlton Heston. Comme il a encore gardé le look de Moïse, la barbe, les cheveux longs, j’aimerais savoir comme il avait habité le rôle et avait réussi à le quitter ? J’aurais aussi une question pour Ridley Scott. Il justifie pratiquement toutes les plaies d’Egypte. Etait-ce une volonté au départ d’expliquer ce qui n’était pas expliqué dans la Bible ?

Bale : bien sûr j’ai regardé Les Dix Commandements et j’ai toujours aimé ce genre d’aventures épiques. Je croyais que c’était la BBC qui montrait toujours à Noël Ben Hur et moi je regardais toujours cela tout seul quand ma famille dormait. Quand Ridley m’a dit que je pourrai jouer le rôle de Moïse, j’ai commencé à revoir Monty Python's Life of Brian et également History of the World : Part I (La folle Histoire du Monde) de Mel Brooks. J’ai aussi revu Les dix Commandements. Je me suis dit que je devais revoir ce film. Cela m’a vraiment beaucoup informé. C’est un très bon film. Quand je regardais Charlton Heston tellement impressionnant, tellement grand. Je l’ai connu. C’est un grand homme avec ses mèches grisonnantes dans ce film. Je me suis dit que je n’allais pas faire cela quand même. J’ai un peu effrayé Ridley car il y a une image iconique de Moïse. Il a les cheveux longs et la barbe car naturellement il n’avait pas la possibilité de se raser souvent. Entre temps, j’avais joué dans America Hustle et quand je rentrais j’étais habillé en père noël mais j’avais rasé mon crâne juste avec un rasoir et je suis rentré le voir dans son bureau. Il est bien un meilleur comédien que moi. Il s’est assis et puis il était en train de manger son poing en disant oh mince alors. Qu’est-ce que j’ai fait. J’étais alors vraiment à l’opposé de ce que Moïse devait avoir l’air. Il devait avoir plein de cheveux, une barbe. Ridley Scott était vraiment désespéré et il a dû se dire qu’il devait trouver un autre comédien. En fait, très simplement, il s’est dit simplement ah tu as des cheveux très court. Mais on s’en est sorti.

Scott : J’ai voulu rationaliser les sept plaies d’Égypte en leur donnant beaucoup de réalisme. Je regardais les films de National Geographic et certains sont vraiment bien. Quand vous regardez les animaux, des gens ont passé des journées entières en attendant de pouvoir trouver un animal. Tout cela m’a beaucoup influencé J’ai suivi un documentaire affreux en Alaska, où il y avait une migration inexpliquée d’oiseaux qui attaquaient les pêcheurs et les tuaient et ça, je l’ai intégré dans la petite bibliothèque des choses qu’il fallait faire. Je voulais m’ancrer dans la réalité. C’est pour cela aussi que l’on a introduit le personnage du scientifique de l’époque et le personnage de la Grande prêtresse qui a un tout petit rôle et faisait très clairement de la propagande. Ce n’était pas vraiment la réalité. On ne peut pas avoir des milliers de Dieux en Egypte. A l’époque, c’était vraiment de la propagande de dire qu’il y avait des milliers de Dieux. Elle, elle était là et racontait n’importe quoi, mais le scientifique aussi racontait n’importe quoi. Ils étaient vraiment destinés à être pendus. Il fallait vraiment introduire un certain sens d’humour. C’est ce que j’ai fait dans ce film.

Q : J‘ai une question pour Ridley Scott et Christian Bale. Vous dites que c’est une quête pour la liberté et dans ce contexte est-ce pour vous une réponse à ce qui se passe dans le monde, par exemple, la situation à Hong-Kong ou comme dans d’autres pays qui luttent pour leurs droits. Je sais que Christian Bale est très concerné par la question de la démocratie en Chine.

Bale : d’ailleurs, je me sen très mal pour la jeune femme dans la cabine (la traductrice en live de cette conférence de presse). il faudrait la libérer. Elle est enfermée dans sa cage. Je pense que Moïse est devenu un symbole pour la libération et la révolution dans plein de cas tout au long de l’histoire pour de très bonnes raisons bien sûr. C’est un libérateur et comme vous avez vu aussi dans le film il fait une transformation radicale sur lui-même en passant de l’archétype du collaborateur du régime des pharaons, un régime très fasciste et devenant par la suite l’archétype du guide. C’est une histoire qui fait écho à l’histoire humaine. C’est un homme en fait extrêmement humain. Si vous lisez la Torah c’est un homme tellement complexe, un personnage extraordinaire. C‘est vraiment dommage que nous n’avons eu pour ce film que cent quarante minutes. On pourrait continuer et ne jamais s’arrêter. Sa vie fut tellement pleine. Il a été très engagé, très extrémiste, il allait toujours jusqu’au bout du moins. C’est la raison pour laquelle son histoire encore aujourd’hui nous implique tous, nous concerne tous. C’’est pour cela qu’on arrive à se l’approprier pour des questions tellement différentes dans le monde

Scott : Je pense qu’il y a une connexion tout à fait naturelle aujourd’hui avec ce qui s’est passé il y a 5 000 ans. Pas simplement à Hong Kong m ais partout dans le monde. Les seules leçons qu’il semble que l’on est apprises est aucune car on continue à reproduire les mêmes choses. Mais, j’aime cela car si on compare le monde d’aujourd’hui, c’est vrai qu’on est beaucoup mieux qu’il y a cinquante ans. Il faut regarder les choses de manière plus générale. Si on regarde les mouvements politiques rien ne semble réellement avancer

Q : Joel, comment décririez-vous votre vision de Ramsès, ce personnage vraiment méchant et paradoxal ?

Edgerton : Comme Christian l’a fait remarquer, les égyptiens avec à leur tête Ramsès étaient des fascistes et moi je pense que lui était sur le plan éthique un peu à l’envers. C’est vraiment une sorte d’Hitler. L’histoire commence avec ces deux hommes qui sont frères, amis et collaborateurs. Ils sont très complices et par ailleurs sceptiques aussi de tout système religieux, C’est de manière très nuancée au début. On voit quand c’est la prophétie annoncée par la prêtresse à la veille de la bataille de Kadesh. Moïse lui lève les yeux au ciel mais plus loin dans le film, l’insécurité qui est inhérente à cet homme et qui va grandir et devenir un peu une peur et qui devient à mon sens un terrain fertile et intéressant pour quelqu’un qui veut essayer d’exercer un pouvoir. Ce qui est intéressant dans le scénario c’est vraiment cela. Cela humanise le personnage bien sûr on veut voir ce grand Ramsès qui était vraiment méchant parce qu’il a sur le plan éthique des idées qui ne sont vraiment pas correctes mais on voit aussi qu’il était un homme qui avait un enfant. On peut vraiment s’identifier à ces aspects-là.

Q : Ma question est pour Ridley Scott. Quand vous faites un film basé sur la bible que vous savez que vous allez vous attirer des critiques de certains groupes surtout aux Etats-Unis, quelque chose qui est pour nous européens difficile à comprendre. Quelle est cette influence peuvent-ils avoir sur la production ? J’ai aussi une question pour Christian Bale pourquoi avez-vous vu le film de Terry Jones Monty Python's Life of Brian ?

Scott : Bien sûr que cela a une influence, mais ils n’influencent pas ce que je vais faire ni ma décision de décider de faire un film avec tout le respect que j’ai. Je sais que les gens considèrent les films au-delà du divertissement. Mais je crois que je suis un des réalisateurs les plus populaires en Occident comme en Orient. J’ai toujours fait cela sur mes autres films que ce soit pour Kingdom of Heaven ou même Mensonges d’État avec Russel Crowe. Il s’agissait de citer le chef des services de renseignements en Jordanie. Je fais extrêmement attention à ce que je fais et là où je vais et veux aller. C’est pour cela que j’ai traité toute l’histoire de Moïse avec beaucoup de respect. C’est comme marcher un peu sur des œufs, il faut faire attention à ce que l’on va faire sans m’empêcher non plus de faire ce que j’avais l’attention de faire. C’est une danse très délicate. Je n’entends pas la question. Ils ne m’influencent pas du tout. Je fais les films que j’ai envie de faire.

Bale : mais pourquoi pas, c’est un film fantastique et j’ai eu l’envie de le voir et je pense que c’était une bonne excuse pour le revoir. C’est très facile quand vous faites un film qui a vraiment ce poids et il faut faire attention. Je pense que dans certaines prises, c’était un peu du genre de Monty Python mais c’est bien car il y avait aussi ces petits drapeaux rouges. Je pense que c’est bien de faire ses recherches avant tout ce travail. Pour moi Moïse est un personnage tellement intense et très réticent et persévérant. Il faut vraiment pouvoir s’éloigner de lui sinon il est vraiment épuisant. Je devais en garder un peu le côté des belles choses de la vie. De temps en temps c’était aussi un mauvais garçon. Cela m’a aidé.

Scott : aussi par exemple quand Moïse galope avec deux cents chevaux derrière lui et quand il sort un peu son épée et celle-ci est un peu plus longue que son bras alors il dit attendez est ce que l’on peut refaire cela.

Q : tout d’abord, je voudrais vous féliciter Joe, je ne vous avais jamais vu porter tout cet or sur vous avec autant d’élégance. Ma question est de savoir quand vous devez faire un personnage qui n’est pas tellement décrit dans l’histoire et qui n’est pas totalement gravé dans l’esprit des gens parce qu’en fait on n’a pas vraiment une image de cet homme. Comment faites-vous ? Est-ce que vous déconstruisez le personnage ? Quelle est la méthode ?

Edgerton : J’essaye de figer un peu les choses. J’ai vu quand j’étais très jeune Les Dix Commandements avec Charlton Heston et je n’ai pas voulu le revoir parce que je craignais si j’allais revoir Yul Brynner je ne me sentirai pas sûr du tout et je ne voulais pas être tenté de répéter de choses qu’il ne fallait pas que je répète. Dans mon cas, j’ai vraiment pris énormément de plaisir dans ce processus de collaboration quand on fait un film. Je crois que c’est vraiment important. Ce qui était aussi très important pour moi sur ce film vraiment en particulier c’est de compter sur ces personnages fantastiques qui travaillaient avec nous que cela soit le département des costumes, des maquillages et donc ne pas avoir de cheveux. Moi, en tant qu’acteur sans eux j’aurai été perdu. C’est vraiment pour moi la beauté de travailler sur des films et surtout quand vous travaillez avec Ridley. L’équipe de professionnels que vous avez avec vous qui sont tous là pour travailler avec lui et qui travailleront toujours avec lui parce que c’est un général et un collaborateur extraordinaire. On se sent vraiment soutenu et j’avais besoin de me sentir soutenu.

Q : Est-ce que ce sont vraiment les Hébreux qui ont construit les Pyramides, pas comme on nous a appris en histoire les esclaves égyptiens qu’ on obligeait à faire cela ?

Scott : Il y a polémique à ce sujet, savoir si c’était les égyptiens ou les hébreux qui les ont construites. En faisant mes recherches, il fallait que je prenne une décision. Je pense qu’un des secrets de leur économie c’est parce qu’avec les crus du Nil tous les ans et tout le limon qu’il déposait sur la terre, je pense qu’en fait ils partaient du fait qu’il y avait main-d’œuvre gratuite. J’ai fait des recherches et on remonte à 4000 avant JC et cette ville est libre et s’il fallait assumer que toute cette main d’œuvre était gratuite pour construire tous ces monuments, je suis sûr que les égyptiens étaient certainement le personnel clé et les architectes étaient là pour encourager les travailleurs. Il faut être un peu logique. Regardez ce qu’il se passe aujourd’hui et vous l’appliquez au temps antiques. Je ne pense pas que les choses changent tellement avec le temps.

Avec nos remerciements à Constance Fontaine de l’agence Cartel-com
Textes recueillis et photos: Mulder