Conference-de-Presse - Unstoppable

Par Mulder, Paris, 03 novembre 2010

Denzel Washington

Q : Comment et pourquoi avez-vous été engagé dans ce projet ?

Denzel Washington : Tout d’abord, j’ai aimé le scénario et c’est moi qui l’ai apporté à Tony Scott en lui suggérant de le mettre en scène. Il a aimé ce projet et nous avons commencé à travailler dessus. Pour la question pourquoi, parce qu’ils m’ont bien payé, mais en réalité, le comment et le pourquoi ici se rejoignent.

Q : Pourquoi choisissez-vous souvent des personnages qui sembleraient hésiter entre être le bon et le méchant ? Avez-vous remarqué que c’est souvent le cas pour vos rôles ?

Washington : Pas vraiment, je ne choisis pas ainsi mes rôles. D’ailleurs, je n’avais pas remarqué ce lien que vous me donnez. En réalité, vous trouvez vraiment que dans Unstoppable, j’ai le personnage d’un méchant ? Je ne crois pas vraiment. Son seul crime peut-être est d’oublier l’anniversaire de sa fille. Certes, dans d’autres films comme American Gangster et Training day, je joue souvent des rôles de méchants. Mais dans un de ces deux films, j’étais un trafiquant de drogues, et dans l’autre un flic corrompu. Là, dans ce film, il s’agit simplement de l’oubli de fêter un anniversaire. Je ne crois pas qu’il y ait de choix entre le bon et le méchant en ce qui concerne mon personnage.

Q : Vous avez travaillé avec les frères Scott. Quelles sont les différences entre ces deux réalisateurs ?

Washington : Les frères Scott, Tony et Ridley, ont une approche différente du rôle de metteur en scène. Tony est très passionné. Il le montre davantage que Ridley, lequel intériorise davantage en quelque sorte sa passion. Ce sont surtout de brillants réalisateurs, une sorte de peintres. Chaque film est pour eux comme une toile de maître. En ce qui concerne leur façon de travailler, Tony est beaucoup plus en ébullition sur les tournages. Il est même capable de pleurer après une prise, alors que Ridley est beaucoup plus dans la réserve. Ridley a un humour beaucoup plus froid. Il est davantage dans le contenu.

Q : Parmi vos films, quels sont ceux que vous avez préféré ?

Washington : Je ne regarde jamais les films que j’ai tournés. Une fois qu’un film est fait, il appartient pour moi au passé. Je suis quelqu’un qui regarde toujours vers l’avenir. Je ne me tourne jamais vers mes personnages passés.

Q : Quel sera votre prochain film en tant que réalisateur ?

Washington : Quant à mon nouveau projet en tant que réalisateur, je travaille actuellement sur deux ou trois projets. Il n’y a aucun qui est ferme aujourd’hui.

Q : On a connu des héros américains qui arrivaient à ramener la capsule Apollo 13. Là, il s’agit d’arrêter un train dans une ville moyenne de Pennsylvanie. Est-ce que, selon vous, les Américains sont enfin devenus modestes ?

Washington : En ce qui concerne ces deux films de sauvetage, je ne pense pas vraiment qu’ils s’adressent aux Américains en particulier. C’est la vision de deux réalisateurs précis et j’espère bien que, comme la France, l’Amérique a des millions de voix. Il ne s’agit pas d’un ou deux réalisateurs qui représenteraient une pensée unique ou un sentiment unique qui habite l’Amérique.

Q : Que pensez-vous des annotations socio-politiques de ce film qui sont assez nombreuses, notamment sur la question des retraites ?

Washington : C’est vrai que ce film s’adresse vraiment à l’économie et aux soucis économiques, à cette crise économique que nous traversons. C’est une tendance générale. Je pense que c’est probablement vrai aussi en France. Il ne s’agit pas tant du problème de la retraite, que du problème de tous ces hommes et femmes qui ont atteint un certain âge, qui ont des salaires confortables, et qui sont renvoyés pour être remplacés par des jeunes qui coûtent moins cher. Personnellement, mon frère a perdu son poste pour une personne plus jeune, qui coûtait moins cher à la compagnie qui l’employait. Ceci nous concerne tous. Je pense qu’il s’agit davantage de parler de l’économie et aussi de parler de la rapacité de certains, de ce qui se passe en ce moment, plutôt que de parler de l’âge des retraites.

Q : Est-ce que vous jouiez au train électrique quand vous étiez enfant ? Est-ce que c’est plus amusant de jouer avec des vrais ?

Washington : Oui effectivement, enfant je jouais aux trains électriques. Mais j’avoue aujourd’hui avoir pris beaucoup plus de plaisir à jouer avec un vrai grand train. J’ai pu rencontrer le personnage que j’interprète dans ce film. Il m’a appris à conduire un train. Aujourd’hui, je peux dire que je sais conduire un train américain. Je ne sais pas par contre, si je saurais conduire des trains français. Il y a peut-être des différences entre ceux-ci.

Q : Quelle relation entretenez-vous avec Tony Scott, car c’est votre cinquième film ensemble ?

Washington : Je le hais (rires). Avant celui-ci, j’avais déjà fait quatre films avec Spike Lee, trois avec Edward Zwick, et aussi avec Jonathan Demme, j’ai tourné plusieurs fois. Je m’entends très bien avec ces réalisateurs. Leurs films ont connu de gros succès. Comme Tony n’arrête pas de me demander de rejouer dans un de ses films, je dis « oui » à chaque fois. C’est une véritable amitié qui est basée sur la confiance. Pour moi, la confiance est quelque chose d’extrêmement importante. C’est une relation de confiance et d’amitié que j’ai aussi avec ces autres réalisateurs.

Q : Il y a deux personnages indirects, qu’on pourrait plutôt qualifier de médias, dans le film à côté des deux protagonistes principaux, sur lesquels j’aimerais avoir votre ressentiment, soit la musique extrêmement présente au point presque de surpasser la voix des deux protagonistes. N’avez-vous pas une certaine jalousie envers cette partie importante du film qu’est la musique ? L’autre personnage à part entière dans ce film est la télévision. On a l’impression qu’il ne peut y avoir de spectacle que si la télévision est présente. Est-ce que vous, en tant qu’homme de cinéma, vous n’avez pas une certaine jalousie envers ce média ?

Washington : Je ne suis pas tout à fait d’accord que la part de la musique dans ce film vient en contraposition de celle des deux interprètes. Je n’ai donc aucune jalousie présente par rapport à la part de la musique dans ce film. En réalité, c’est vrai peut-être que la raison pour laquelle la télévision est aussi importante en termes de médias dans ce film, c’est parce qu’au départ, ce sont les images qui avaient été retransmises à la télévision qui nous ont montré le fait réel survenu en 2001 sur lequel ce film est basé. Les premières images que j’ai vues sont celles de cet accident réel aux Etats-Unis. C’est vrai que c’est peut-être cela qui a fait que la façon dont l’événement est retransmis dans le film s’appuie sur la réalité de l’époque, où la télévision a effectivement relayé cet incident comme un événement majeur aux Etats-Unis. Je pense que c’est pour cela que Tony Scott a développé l’importance de la télévision dans ce film. Je pense que c’est une question qui s’adresse davantage aux réalisateurs, puisque au départ dans le scénario, effectivement, le rôle des médias et de la télévision n’était pas aussi proéminent. C’est vraiment le choix de Tony de donner cette place aussi large à la télévision dans ce film.

Q : Quelles ont été les choses les plus essentielles qui ont été gardées dans ce film par rapport à cette catastrophe ? Quelles ont été les investigations qui ont été faites ? Quelle est la part de fiction pour l’adapter au cinéma ?

Washington : Justement pour revenir à cela, je dois dire que ce film est inspiré d’une histoire vraie. C’est vrai. Mais sur les images d’archives que nous avons vues, Tony et moi-même, il n’y avait en aucun cas un homme qui courait sur le toit du train, il n’y avait pas d’orchestre philarmonique. Tout cela n’est pas de la fiction, c’est la vision de Tony Scott. La vraie catastrophe de 2001 n’est qu’une source d’inspiration pour ce film et non pas sa base totale. Dans le fait réel, le personnage que j’interprète était blanc et non afro-américain.

Q : En qualité de partisan de Barack Obama, que pensez-vous actuellement des réalisations du président des Etats-Unis ?

Washington : Les résultats témoignent actuellement en Amérique, comme dans le reste du monde, que la priorité est l’emploi. Les votes aujourd’hui représentent la frustration des Américains face à une économie en crise et à l’incapacité des politiciens à sortir de la crise persistante. Les gens se sentent dépourvus de tout pouvoir. Voter est l’une des rares formes de pouvoir qui leur restent. Ce que veut l’Amérique, c’est qu’il y ait un équilibre plus important. N’oubliez pas qu’il y a aujourd’hui un congrès républicain, il y a un sénat à majorité démocrate, il y a un président avec son droit de véto. On est en ce moment en train de rechercher un équilibre dans la vie politique américaine. Ce vote [les élections de mi-mandat qui ont eu lieu la veille] n’est donc pas une sanction, mais une recherche d’un rééquilibrage. Il représente surtout la frustration, un petit peu comme mon personnage.

Q : Le titre du film ne pourrait-il pas être vu en quelque sorte comme une métaphore de votre carrière ? Etes-vous « unstoppable » ?

Washington : Ce titre peut en effet être vu pour Tony Scott comme le fait que sa carrière est « unstoppable » aux Etats-Unis (rires). Mais me concernant, je suis certes très chanceux, mais ma carrière n’est pas « unstoppable ». Le train s’est arrêté, ma carrière non.

Q : Qu’avez-vous retenu de la rencontre avec le vrai personnage que vous interprétez ?

Washington : C’est vrai qu’une des choses que nous avons retenue est que les deux filles du personnage que j’interprète travaillent au restaurant « Hooter » et nous avons inclus cela dans le film. Il disait toujours à quel point il était un père protecteur envers ses deux filles. Il nous a raconté qu’un jour, un de ses copains lui a demandé s’il pouvait sortir avec l’une de ses filles et il lui a répondu s’il pouvait sortir avec sa mère un de ces soirs. Au début, la réplique était dans le film, mais finalement Tony a préféré l’enlever.

Q : Aimeriez-vous interpréter Barack Obama un jour ?

Washington : Non, je suis trop vieux pour pouvoir l’interpréter.

Q : Pouvez-vous nous donner votre propre interprétation du cinéma ?

Washington : Ma définition du cinéma à vrai dire, je n’en ai pas, car c’est tellement multiple, cela dépend du film. Je crois que s’il y a une joie dans le cinéma, c’est la joie de jamais savoir où l’on va. Bientôt, je tournerai un film avec le réalisateur Daniel Spinoza à Stockholm. Il m’a suggéré de regarder un film français justement, Un prophète de Michel Audiard. Je l’ai là, dans ma chambre. C’est cela la beauté du cinéma, c’est que l’on est assis face à une toile vierge qui deviendra bientôt image. Ce que j’aime dans le cinéma, c’est que parfois il nous entraine à pleurer, parfois à rire, parfois même à vous ennuyer. Ce que je sais, c’est que le plaisir réel du cinéma réside dans la surprise et la surprise, c’est l’inconnu.

Q : Qu’en est-il du projet de film commun avec Will Smith ?

Washington : Ce projet est toujours d’actualité. Will Smith a bien le scénario entre les mains. Il a quelques enfants qui tournent également au cinéma et il commence donc à être très occupé.