French Connection

French Connection
Titre original:The French Connection
Réalisateur:William Friedkin
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:14 janvier 1972
Note:
Deux flics des stups, Buddy Russo et Jimmy Doyle, dit Popeye, se retrouvent sur la piste d’une grosse livraison d’héroïne en provenance de Marseille. De planques en filatures, d'arrestations en courses-poursuites dans les rues de New York, Popeye et Russo vont démanteler ce que les archives du crime appellent désormais... la French Connection.

Critique de Tootpadu

Il faut un peu de temps pour s'habituer au style heurté de ce policier, avancé au rang de classique du genre, notamment grâce à ses cinq Oscars. Au fond, l'atmosphère et l'observation du travail quotidien de la police lui importent plus que l'histoire, assez basique, sur une importation de drogues depuis la France. A la limite, il pousse cette préférence de la forme sur le fond jusqu'à une abondance d'ellipses, qui accélèrent encore la vitesse déjà considérable du récit, mais qui ne se soucient guère de certaines incohérences ou facilités. Néanmoins, cette forme d'expression très brute et sans finesse, en apparence, contient son propre lot de points de vue affirmés. Seulement, par sa structure bousculée, par sa concentration sur quelques moments clés de l'enquête, ceux-ci empruntent un chemin différent, et assez novateur à l'époque, de communication.
Il est en effet étonnant de constater à quel point le film refuse de s'encombrer d'un traitement approfondi de la psychologie de ses personnages, par exemple. Quelques débuts et fins de séquences suffisent en effet amplement pour camper le protagoniste, tout en lui laissant une aura d'archétype. Ce Popeye Doyle s'identifie à travers son travail, et puisque tout ce que nous, spectateurs, verrons de lui a trait au domaine professionnel, il sérait inutile d'en demander plus. Cette efficacité dans la simplicité, cette mesure impressionnante de moyens modestes utilisés pour le meilleur résultat, se retrouve dans le portrait que le film dresse de son décor, un New York froid et inhospitalier.
Peu importe en fait l'excellence de quelques scènes phares, telle la fameuse course poursuite entre le métro aérien et la voiture, ce qui nous a réellement frappé lors de cette deuxième vision, c'est l'aisance, encore une fois seulement apparente, de créer une impression poignante de réalité. Par le biais d'une absence totale d'héroïsme et un style qui évite toute beauté plastique classique, le travail ingrat de policier trouve ici un portrait impressionnant dans sa quête d'une vérité. Certes, le film n'atteint pas entièrement son but, puisque les imperatifs de faire vite et de faire spectaculaire et crédible en même temps frènent en quelque sorte la profondeur du constat. Mais si tous les films policiers des années 1970 avaient aspiré à une telle précision dans l'exécution, au lieu de lorgner vers un style un peu trop détendu (comme Shaft, par exemple), le genre ne serait peut-être pas autant passé de mode.

Revu le 8 février 2005, en DVD, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

En hommage à William Friedkin

À une époque où les paysages cinématographiques sont souvent ornés d'effets extravagants et d'intrigues élaborées, The French Connection apparaît comme un diamant brut qui renvoie à l'essence même de la narration. Symphonie envoûtante de suspense, d'action et d'une toile de fond urbaine implacable, ce film redéfinit le genre du thriller criminel par son authenticité brute et son intensité à couper le souffle.

Se déroulant dans les rues impitoyables de New York, The French Connection reprend le sempiternel principe des flics contre les escrocs et le tisse dans une tapisserie narrative qui est à la fois rafraîchissante et fascinante. L'intrigue principale tourne autour d'une cargaison monumentale d'héroïne pure dissimulée clandestinement dans les limites élégantes d'une Lincoln Continental dernier modèle, embarquée pour un voyage périlleux depuis les docks animés de Marseille jusqu'au cœur de la pègre new-yorkaise.

Au cœur de cette histoire pleine d'adrénaline se trouve Gene Hackman, qui réalise un tour de force dans le rôle d'un inspecteur de la brigade des stupéfiants. Le personnage de Hackman incarne la philosophie du film, une incarnation implacable de l'application de la loi motivée non pas par la grandeur, mais par la poursuite de la justice. Son portrait grinçant est un microcosme de la ville elle-même - dure, inflexible et implacable dans la poursuite de ses objectifs.

Le suspense palpable qui règne dans The French Connection est un coup de maître de l'artisanat cinématographique. Chaque scène est imprégnée de tension de manière experte, ce qui fait que les battements de cœur du public se synchronisent avec les expériences des personnages qui battent la chamade. Cependant, ce sont les conditions sous-jacentes de ces moments qui résonnent vraiment. L'ombre portée sur les rues de la ville, la menace imminente qui plane sur chaque action, transforment le suspense en un voyage introspectif dans les profondeurs de l'existence urbaine.

Le point culminant du film est sans conteste sa séquence de poursuite méticuleusement orchestrée, un ballet électrisant d'automobiles et de tension. Cette séquence témoigne à elle seule du savoir-faire du film, exécuté de main de maître pour laisser les spectateurs à bout de souffle et au bord de leur siège. Pourtant, même dans les moments les plus palpitants, il est admis que cette poursuite sans relâche symbolise celle, plus large, qui consume tous les habitants de cette métropole - une quête incessante pour la survie dans une ville qui donne et qui reprend.

Dans un paysage où les personnages occupent souvent le devant de la scène, The French Connection adopte une approche unique. Alors que le personnage de Hackman émerge comme une personnalité à part entière, les seconds rôles vont et viennent dans les avenues et les ruelles de la ville, distants mais faisant partie intégrante de la tapisserie de l'histoire. Cette dynamique renforce non seulement l'atmosphère du film, mais souligne également la nature éphémère de la vie dans la jungle urbaine, où les identités sont souvent obscurcies par le chaos omniprésent de la ville.

Cependant, il est important de reconnaître les petites imperfections du film. Le surplus de meurtres et les motivations parfois incertaines des antagonistes brouillent un peu les pistes. De plus, la froideur omniprésente qui imprègne le film, tout en reflétant son réalisme cru, menace parfois d'éclipser la résonance émotionnelle qui pourrait approfondir l'expérience visuelle.

Dans un monde de reprises et de remakes cinématographiques, The French Connection fait figure d'exception audacieuse. La convergence du scénario captivant d'Ernest Tidyman, de la photographie captivante d'Owen Roizman et de la réalisation astucieuse de William Friedkin crée une symphonie de visuels et d'émotions qui transcendent l'écran. C'est un triomphe cinématographique qui invite les spectateurs à explorer la dichotomie de l'existence humaine au sein de l'implacable étreinte urbaine.

The French Connection n'est pas seulement un film, c'est un voyage viscéral au cœur d'une ville qui façonne les destins et met à l'épreuve. C'est une exploration brute, sans filtre, de la quête de l'humanité sur fond de chaos et d'incertitude. Alors que le générique défile et que les échos du dernier coup de feu s'estompent, The French Connection reste gravé dans la psyché du spectateur, témoignant du pouvoir durable de l'art cinématographique.

The French Connection
Réalisé par William Friedkin
Écrit par Ernest Tidyman
D'après The French Connection de Robin Moore
Produit par Philip D'Antoni
Avec Gene Hackman, Fernando Rey, Roy Scheider, Tony Lo Bianco, Marcel Bozzuffi
Directeur de la photographie : Owen Roizman
Montage : Gerald B. Greenberg
Musique : Don Ellis
Sociétés de production : Philip D'Antoni Productions, Schine-Moore Productions
Distribué par 20th Century Fox
Date de sortie : 7 octobre 1971 (Etats-Unis), 14 janvier 1972 (France)
Durée : 104 minutes

Vu le 12 aout 2023 (video)

Note de Mulder: