Locataires

Locataires
Titre original:Locataires
Réalisateur:Kim Ki-duk
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:13 avril 2005
Note:
Un jeune homme, taciturne et solitaire, s'introduit dans plusieurs maisons et appartements, alors que les propriétaires sont partis en voyage. Il s'y installe pour la nuit, il mange, il se lave, il fait de petits bricolages et il nettoie le linge sale qui traîne. Un jour, il entre dans une maison encore occupée par une femme maltraitée par son mari. Naît alors une complicité entre ces deux êtres énigmatiques, qui deviendront bientôt des complices dans leurs cambriolages anodins.

Critique de Tootpadu

Pour l'instant, l'accueil du cinéaste passionnant Kim Ki-duk est loin d'être unanime en France. Tandis que la critique l'encense à chaque nouvelle sortie, le public ne paraît pas tellement suivre, à l'exception de Printemps, Eté, .... Ainsi, ses deux derniers films ont très rapidement disparus de l'affiche, au point qu'il nous était impossible de les regarder lors de leur premier passage. Une omission à laquelle on ne nous prendra plus cette fois-ci ! Toutefois, le destin commercial de ce bijou tout en finesse risque de pas non plus être en accord avec sa qualité indéniable, en vue de la salle pas tellement bien remplie à midi.
En dehors de la poésie et de la beauté esthétique des désormais trois films que nous avons pu voir du maître coréen (L'île & The Coast Guard étant les autres), ce qui nous intrigue le plus chez lui, c'est son éclectisme. Il y a certes un côté étrange, au bord du rêve, ou selon le cas, du cauchemar, dans ces oeuvres, et d'un point de vue stylistique, on pourrait souligner à la fois une fermeté et une élégance personnelles. Sinon, le fil conducteur est assez mince et il relie au mieux le destin particulier d'êtres à la marge, occupés à faire des choses peu communes. En changeant de genre à chaque film, Kim paraît avant tout chercher une polivalence, une liberté de style et de genre qui pourrait, à terme, l'asseoir avec les plus grands de son art.
Dans les deux mouvements qui gouvernent le film, il est régulièrement fait allusion à l'introduction dans la sphère privée et à l'invisibilité. Pratiquement dépourvu de paroles et s'appuyant largement sur la force du regard, parfois détourné, cette oeuvre enchanteresse et à l'état suspendu ne cherche jamais à démontrer, seulement à indiquer doucement à quel point chaque vie a un impact sur celle des autres. Par sa démarche d'invité fantôme, qui ne laisse que des traces discrètes et bienveillantes, le protagoniste agit tel un redresseur de torts inoffensif, un peu comme la version sereinement asiatique des révolutionnaires dans The Edukators. Cependant, par le biais de son association tacite avec la femme, il devra apprendre à dépasser le stade du luxe par subtilisation, afin de mieux affronter le drame de la vie, et notamment la mort. Son parcours, auparavant sans but et ryhtmé par des actions répétitives, se focalisera alors, et au lieu d'être un fantôme itinérant, il deviendra le bon esprit dans l'existence de cette femme malheureuse.
La maîtrise de Kim franchit encore un pas avec son film à présent le plus récent. Son regard est encore plus précis et poétique, son récit encore plus fascinant et beau. Si, par la suite, il n'arrivait seulement qu'à maintenir cette qualité supérieure de son travail, sa filmographie serait un des piliers du cinéma coréen et plus généralement asiatique.

Vu le 18 avril 2005, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 22, en VO

Note de Tootpadu: