Titre original: | Pont du Nord (Le) |
Réalisateur: | Jacques Rivette |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 127 minutes |
Date: | 24 mars 1982 |
Note: | |
A sa sortie de prison, Marie remonte à Paris pour retrouver Julien, son amant. Elle y croise Baptiste, une fille étrange, qui ne mange pas et pratique des poses de combat chaque matin. Ensemble, les deux femmes vont tenter de résoudre les problèmes de Julien, un joueur invétéré qui se trouve au centre d'une affaire de terrorisme.
Critique de Tootpadu
Un jeu de piste très étrange à travers un Paris en pleine reconstruction, ce film de la partie centrale de l'oeuvre de Jacques Rivette peut être apprécié de nos jours à la fois comme un testament à une ville qui n'existe plus aujourd'hui de la même façon et forme, et comme un exemple supplémentaire du style très particulier du réalisateur. Il constitue de même une rencontre intrigante entre Bulle Ogier et sa fille Pascale, décédée d'une crise cardiaque peu de temps plus tard. C'est probablement l'interprétation magistrale et féline de la jeune comédienne qui distingue le film, plus encore que la poursuite des préoccupations narratives de Rivette. Sa Baptiste apparaît en effet comme un être hors du temps, hors de la culture urbaine. Sa façon d'encercler ses proies improbables comme une bête sauvage, ses numéros de combat matinaux qui trouvent une exécution sublime et comique à la fin, ses remarques mystérieuses, tout ce bagage de l'exception concourt à rendre son personnage triste et drôle en même temps. Parmi les autres séquences qu'elle embellit, notons sa confrontation avec le dragon-tobogan (la référence la plus directe à "Don Quichotte") ou son acquisition peu ordinaire du casque.
En dehors de la prestation remarquable d'Ogier fille, le film ne repose pourtant pas sur ses comédiens. L'étrangeté du ton surplombe en effet tout, et l'histoire d'amour tourmenté entre les deux survivants de la révolte de mai '68, et cette chasse au trésor désinvolte qui quadrille Paris d'une façon toujours aussi peu réaliste. A travers l'absence de motivations crédibles et des personnages à l'opposé de nos attentes (le Max de Stévenin qui s'avère bien plus compréhensif des voeux de Marie que Julien), Rivette crée un équilibre très délicat entre le drame et la comédie, entre le boursouflé et le burlesque. Ainsi, le caractère artificiel des répliques est en constante confrontation avec les décors délabrés, et les phobies et manies des unes deviennent source de divertissement pour les autres. A la limite, toute cette histoire, à mi-chemin entre le polar et le récit d'une amitié de circonstance, ne rime à rien, mais la manière à laquelle elle est contée par Rivette révèle une fois de plus son style singulier.
Vu le 16 décembre 2004, au MK2 Hautefeuille, Salle 1
Note de Tootpadu: