She Hate Me

She Hate Me
Titre original:She Hate Me
Réalisateur:Spike Lee
Sortie:Cinéma
Durée:138 minutes
Date:17 novembre 2004
Note:
Jack Armstrong est au sommet de sa carrière, le vice-président d'un grand groupe pharmaceutique qui s'apprête à lancer le premier vaccin contre le SIDA. Mais l'administration fédérale refuse son agrément et c'est la crise chez Progeia. Jack se rend alors compte d'un scandal financier et il alerte les instances de régulation. Immédiatement licencié, avec ses comptes en banque bloqués, il devra trouver une solution rapide pour subvenir à ses besoins. La rencontre surprise avec Fatima et sa copine Alex, deux lesbiennes qui souhaitent avoir un enfant, lui permettra de gagner rapidement beaucoup d'argent, mais sa réputation sortira ternie de ce don inconventionnel.

Critique de Tootpadu

D'un côté, Spike Lee a l'énorme mérite d'être un des rares réalisateurs américains à la conscience sociale qui englobe tout l'oeuvre. Depuis ses débuts, la cause des Afro-Américains occupe une place prépondérante dans pratiquement tous ses films. Mais plus qu'un simple engagement racial, la démarche de Lee s'est fixé comme but de concilier la génération actuelle avec son histoire, avec les héros inconnus ou oubliés du passé, broyés d'une façon ou d'une autre par la machine sociale. Sa conscience d'une lutte qui dure depuis de longues années, voire des siècles, le démarque des leçons d'histoire que nous administre avec bienveillance et un brin de condescendance le cinéma hollywoodien dans la plupart des cas. Nul coupure chez lui entre le bon ou le mauvais vieux temps et notre ère si agréablement éclairée, au contraire, Lee s'acharne pour garder le souvenir éveillé et dénoncer le dysfonctionnement perpétuel de la société américaine. Dans son dernier film, il élargit le champ de ses préoccupations au monde des affaires et aux nouvelles formes de vie conjugale. Comme pour la question raciale, ses observations sont souvent justes, par contre, elles souffrent d'une forme lourde et d'une rythme pesant, le talon d'Achille de Lee, cinéaste.
De l'autre côté, le style du réalisateur n'a rien d'engageant et plombe le plus souvent des sujets qui disposaient déjà intrinsèquement d'assez de sérieux. Puisque Lee se croit en possession de la vérité, il se permet trop régulièrement des digressions qui s'apparentent à des sermons. Ce qui nous oblige d'adopter une attitude binaire, simultanément partisane de ses prises de position sociales et presque écoeurée par sa prétention pompeuse du côté formel. De même, Lee perd toute notion de la bonne mesure, une fois qu'il s'est engagé dans sa croisade. Multipliant de surcroît les sujets ici - d'ailleurs un éparpillement inutile qui accentue l'impression de surcharge et de longueur -, il ne sait alors plus où s'arrêter, jusqu'au traitement bâclé de plusieurs parties de son scénario (le travail, la famille). Cette débauche formelle, ce manque de rigueur débouche une fois de plus ici sur un film trop long et trop fouilli, qui enterre pour la plupart les bonnes intentions qui l'ont fait naître. En dépit d'un discours intelligent à la base, Spike Lee paraît nous prendre pour des imbéciles, à force de marteler et d'insister sur autant d'éléments pourtant évidents. On aurait donc très bien pu se passer des séquences de rêve et des animations de spermatozoïdes, tout comme de la référence une fois de plus trop appuyée au Parrain. Enfin, le casting de John Turturro et de Monica Bellucci comme père et fille - alors qu'ils n'ont que sept ans d'écart - ne sera dépassé en invraisemblance cette année que par celui de Colin Farrell et Angelina Jolie dans Alexandre !
Malheureusement, Spike Lee n'a pas su garder la même maîtrise que dans son film précédent (La 25ème heure), infiniment plus réussi. Serait-ce parce qu'il ne peut être un bon réalisateur que s'il abandonne son fardeau de cinéaste afro-américain militant ?

Vu le 14 décembre 2004, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 22, en VO

Note de Tootpadu: