Secret des poignards volants (Le)

Secret des poignards volants (Le)
Titre original:Secret des poignards volants (Le)
Réalisateur:Zhang Yimou
Sortie:Cinéma
Durée:119 minutes
Date:17 novembre 2004
Note:
Dans la Chine du IXème siècle, le pouvoir est miné par des conflits avec des groupes de brigands, dont le plus important est le clan des poignards volants. Deux officiers de l'armée sont à la recherche de la nouvelle tête de l'organisation après l'exécution du chef précédent. Ils suivent une piste vers une maison close, réputée pour une nouvelle courtisane mystérieuse. Celle-ci, aveugle, est arrêtée après avoir attaqué un des officiers. L'autre propose alors de la libérer et de se faire passer pour son sauveur, afin de l'utiliser comme guide vers le camp du clan.

Critique de Tootpadu

Comment ne pas être déçu, après la virtuosité de Héro, par ce film de sabre certes très beau, mais exempt de l'intensité et de la pureté esthétique de son prédécesseur ? Zhang Yimou excelle en effet toujours dans quelques séquences mémorables qui conjuguent admirablement son oeil d'artiste et les exigences d'un film d'action (le combat dans la forêt, différent de et presque supérieur à celui de Tigre et dragon). Mais l'ensemble du film souffre plus qu'un peu d'un scénario convenu, d'une mise en scène inégale et d'une interprétation peu inspirée.
Alors que l'enchaînement des différentes ruses paraît assez plausible, tant que nous, pauvres spectateurs manipulés, sommes éblouis par le cadre visuel époustouflant, les motivations, voire la raison, de certaines actions paraissent bien moins claires rétrospectivement. Plus encore que par les déclarations d'amour au fond très conventionnelles, en dépit du bel emballage, nous avons une légère impression d'avoir été trompés par une suite de prétextes de plus en plus opaques, à l'image de cette forêt de plus en plus dense dans laquelle s'engagent les deux amoureux en fuite. Déjà l'intrigue de Héro fascinait plus par sa forme que par le fond, sans pour autant accéder au même niveau d'excuse pour le déchaînement d'un déluge de belles images. Le meilleur exemple pour la suspension de la logique de l'histoire au profit d'un plus grand effet plastique se trouve sans doute ici, lors du combat final qui est soudainement plongé dans une tempête de neige hautement imprévisible.
La beauté plastique de ces petits moments de grâce permet évidemment la clémence envers la négligence du scénario. Mais Zhang Yimou est beaucoup moins maître de son expression qu'auparavant, au point de nous faire regretter la rigidité des chapitres par couleurs dominantes de Héro. Quand il évoque justement cette image entièrement imprégnée d'une couleur (la rencontre avec le clan, tout en vert), cela ne fait que réveiller des souvenirs nostalgiques au lieu d'apporter une touche supplémentaire à la palette du film. De même, sa maîtrise des scènes de combat est bien moins convaincante ici, surtout en raison d'un emploi abusif d'effets spéciaux. Cela relève alors davantage du gadget, dans pratiquement chacune des nombreuses circonstances, que d'un renforcement discret de la beauté naturelle. Que ce soient les pois qui touchent les tambours, les poignards multiples qui volent partout, la neige artificielle de la fin ou bien un plan d'ensemble récurrent d'un paysage qui dénote par sa laideur par rapport à la beauté de la forêt, à chaque utilisation, les effets perturbent la vision plus qu'ils ne l'enrichissent, au point de nous faire reprocher cet abus trop facile au réalisateur. Car s'il s'en passe, Zhang Yimou réussit quand même quelques morceaux de bravoure, comme la charge à cheval à travers la forêt, ou les scènes d'amour charnel. En plus, ses variations sur des motifs en répétition permettent souvent d'oublier la multiplication d'effets gratuits.
Enfin, l'interprétation laisse à désirer, surtout du côté masculin de la distribution. Tandis que Zhang Ziyi est délicieuse en guerrière aveugle indépendante, ses partenaires manquent infiniment plus de pouvoir de conviction et de séduction. Après des débuts au jeux artificiel et monotone, Takeshi Kaneshiro trouve très doucement ses repères dans un rôle qui aurait exigé bien plus de profondeur. Quant à Andy Lau, il se retrouve certes avec un rôle peu intéressant la plupart du temps, sans parler de son casque très peu seyant, mais il y paraît beaucoup moins talentueux et troublant que dans Infernal Affairs.
Souvent très beau à regarder, cette nouvelle épopée de Zhang Yimou n'est cependant qu'une variation mineure de thèmes et motifs traités de façon plus fulgurante dans son dernier chef-d'oeuvre, Héro !

Vu le 25 novembre 2004, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 12, en VO

Note de Tootpadu: