Tarnation

Tarnation
Titre original:Tarnation
Réalisateur:Jonathan Caouette
Sortie:Cinéma
Durée:91 minutes
Date:10 novembre 2004
Note:
Le comédien gay new yorkais Jonathan Caouette, originaire du Texas, a vécu une enfance difficile. Alors que son père abandonne très tôt la famille, sa mère subit les séquelles d'un traitement d'électrochocs, suite à un accident dans son enfance. Le jeune Jonathan est alors placé dans des familles d'accueil, s'il ne vit chez ses grands-parents ou chez sa mère mentalement instable. Pendant tout ce temps, il se réfugie dans un rêve du spectacle, voire dans la drogue. Ce n'est que lorsqu'il prend la décision de partir à New York, à plus de 20 ans, qu'il commence à s'épanouir, grâce à son travail d'acteur et dans la relation avec son copain David. Mais le passé et la condition en lente dégradation de sa mère lui pèsent. Il décide alors de faire un film, une sorte de patchwork, dans la lignée du cinéma underground de sa jeunesse.

Critique de Tootpadu

Impossible de ne pas aimer Paris, lorsque notre chère ville adoptive nous donne l'occasion de découvrir un film aussi expérimental, évoluant hors des sentiers battus, et gay sans complexe, dans une salle de multiplexe, c'est-à-dire dans des conditions de confort irréprochables. En effet, la grille de programmation de ce premier film pour sa société de distribution a de quoi étonner, tellement ce genre d'oeuvre destiné a priori à un public minoritaire était auparavant cantonné dans les salles exiguës du MK2 Beaubourg. Peut-être est-ce son côté numérique fait à la maison qui lui a valu l'accueil dans deux des plus grands cinémas de la capitale. En tout cas, on ne va pas s'en plaindre, si en plus, il ouvre la brèche pour une programmation encore plus diversifiée ...
Car il est inutile de se voiler la face, Tarnation est de ces oeuvres qui ne plairont pas à tout le monde, tellement il est narcissique, déchaîné et brouillon. Et pourtant, dans toute sa débauche formelle, les instants où le drame humain du réalisateur se fraie son chemin sont nombreux. Ainsi, c'est lorsque les plans deviennent éternels, quand la mère dévoile de plus en plus son état psychique défaillant et que le spectacle maniéré du jeune Jonathan ne peut plus cacher la mise en abîme d'une enfance malheureuse, que le fond humain apparaît de la façon la plus insoutenable et irrésistible en même temps. Du côté formel, le film se démarque moins par une inventivité exceptionnelle, qu'à travers son hommage révérencieux envers les dispositifs du cinéma underground qui a bercé l'adolescence du réalisateur. En quelque sorte, ce qui était réservé il y a vingt ou trente ans à l'élite avant-gardiste est désormais à la portée de tout le monde, à condition d'être équipé d'un ordinateur multi-média et d'être suffisamment cultivé.
Néanmoins, ce recyclage des images d'antan (le film super-8 et la vidéo se mélangent sans gêne avec les effets numériques) et du style généralement cloisonné dans les musées, apporte une bouffée d'air frais dans un cinéma contemporain qui n'a pas trouvé un meilleur usage pour le numérique que des effets spéciaux en constante inflation ou une photo pratique mais peu esthétique. Sans oublier un ton gay qui se retrouve bien plus dans l'esprit que dans le sujet de ce film difficile, mais bénifique.

Vu le 16 novembre 2004, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 22, en VO

Note de Tootpadu: