5 X 2 - Cinq fois deux

5 X 2 - Cinq fois deux
Titre original:5 X 2 - Cinq fois deux
Réalisateur:François Ozon
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:01 septembre 2004
Note:
Le divorce entre Marion et Gilles est prononcé. Et pourtant, les deux se retrouvent aussitôt dans une chambre d'hôtel pour faire l'amour une dernière fois. Se déroulent alors des moments clefs de leur vie de couple, comme la naissance de leur fils, le mariage et leur rencontre.

Critique de Tootpadu

Comment se fait-il qu'en cette première année de Mulderville pour nous, et alors que notre année cinématographique personnelle approche de sa fin, les meilleurs films se trouvent chargés des titres les plus accablants ? Celui de Master et commander : ... est sans fin, celui du Clan est quelconque et seul Elephant comporte une certaine beauté poétique qui cache par contre pas entièrement le rapport très indirect entre le film et son nom. Certes, ce nouveau drame signé Ozon n'a pas encore sa place dans le Top 10 assurée, mais rien que le fait que son titre prend son origine dans sa structure narrative gêne en quelque sorte notre adhésion complète. Le nom qui lui aurait été le plus convenable a malheureusement déjà été pris par le dernier James Ivory bien moins convaincant. Mais bon, toutes ces considérations nominales ne doivent pas gâcher le choc émotionnel salvateur que nous administre une fois de plus un des jeunes cinéastes français les plus prometteurs, voire confirmés.
Il plane sur tout le film, notamment par sa forme en cinq parties à la chronologie inversée, un souvenir d'Irréversible. Beaucoup moins violent physiquement, le récit fait par contre abstraction de l'attaque venue de l'extérieur et du cadre temporaire comprimé. Le couple de Marion et Gilles se décompose en effet plutôt par les différences de caractère et les mensonges larvés, accentués par le passage du temps qui écrase tous les (faux) espoirs du début. Toutefois, rien ne distingue les deux protagonistes de Madame et Monsieur Tout-le-monde, leur parcours n'ayant rien de particulier, de différent de la vie de n'importe quel couple ordinaire. Au lieu de devenir quelconque, leur histoire aspire alors à l'universalité, à la tristesse et la résignation propres à l'être humain, grâce à la mise en scène une fois de plus magistrale d'Ozon.
Pas très loin des sommets cinématographiques que le réalisateur a déjà réussi d'atteindre auparavant (Sous le sable), il nous conte cette nouvelle histoire de couple en perdition avec un sens rare de la justesse et de la beauté plastique à partir de peu de choses. Les moments les plus communs gagnent alors de façon incroyable en intensité et en signification, jusqu'à porter tous les sous-entendus de ce scénario économe en paroles. Et la mise en scène et l'interprétation presque parfaite créent alors des moments de grâce au cinéma lors d'une simple entrée dans un ascenseur, le regard sur un portable ou l'observation de l'enfant par sa mère.
Digne héritière de Charlotte Rampling dans l'univers très féminin d'Ozon, Valeria Bruni-Tedeschi incarne ici son rôle le plus mûr, une femme désabusée et rêveuse à la fois qui n'en peut plus de son mari. A partir du peu que l'on sait en fin de compte sur Marion, l'actrice en fait un personnage extrêmement attachant et énigmatique. C'est elle, l'âme du film, qui nous fait vivre tout le désarroi et la mélancolie, qui nous laisse déviner tout ce qui s'est passé dans les zones noires entre les instants d'une relation. Stéphane Freiss se retrouve avec un rôle encore plus complexe et imprévisible, un homme dont on ne peut que soupçonner la fadeur et la superficialité, voire la lâcheté intérieures. Car les informations que le cinéaste nous divulgue sur les raisons de la rupture, ainsi que sur la construction préalable du couple, sont minimes, laissant le spectateur libre de remplir ces fameux fondus au noir avec des chansons d'amour italiennes.
Mélancolique sans être triste, minimaliste sans être approximatif, ce nouveau film très beau et juste ramène François Ozon au niveau d'excellence qu'il avait un peu quitté depuis, et avant, d'aillleurs, Sous le sable.

Vu le 20 septembre 2004, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 11

Note de Tootpadu: