U-Turn - ici commence l'enfer

U-Turn - ici commence l'enfer
Titre original:U-Turn - ici commence l'enfer
Réalisateur:Oliver Stone
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:14 janvier 1998
Note:
Le petit voyou Bobby Cooper tombe en panne de voiture en plein désert de l'Arizona. Il a juste le temps d'arriver au garage délabré de Darrell, sur la périphérie du village Superior où il devra attendre la fin incertaine de la réparation. Se promenant en ville, il rencontre la belle Grace qu'il essaye de séduire, en vain. Coincé dans le bled paumé, il devra affronter tour à tour le mari âgé de Grace, jaloux et pervers, un jeune dur qui se croit invincible, le garagiste bête mais coriace et le shérif peu net. De quoi passer une journée infernale sous le soleil brûlant de l'Arizona ...

Critique de Tootpadu

Avec ce film, désormais vieux de sept ans, commença la déconnection d'Oliver Stone de la partie de son oeuvre qui traitait, de près ou de loin, de la guerre du Viêt-nam et de son époque. A quelques exceptions près (Talk Radio & Wall Street), ses sujets s'étaient toujours dirigés dans cette direction, faisant du réalisateur un des cinéastes les plus fidèles à et les plus hantés par leurs préoccupations personnelles. Et même les deux films précités avaient suffisamment d'accusations contre des disfonctionnements sociaux à délivrer pour qu'ils se fondent sans heurts dans le cinéma engagé de leur créateur.
Voici donc le début de la période commerciale dans la filmographie de Stone ou bien, plus précisément, le moment où son travail se partage entre des films qui ressemblent à s'y méprendre à des oeuvres de commande et des démarches plus personnelles dans le genre documentaire qui restent cantonnées dans la confidentialité. Ainsi, Comandante et Persona non grata, ses deux documentaires de l'année passée n'ont toujours pas été distribués au cinéma. En attendant un Alexandre au début de l'année prochaine qui marquera l'entrée d'un cinéaste foncièrement contemporain dans l'Antiquité ...
Tout ceci pour dire que le film présent, d'ailleurs un bide en termes commerciaux, est comme l'embranchement d'un cul-de-sac, comme le début d'une aventure dont on attend encore les heures heureuses. Certes, le style heurté, typique de Stone, fonctionnait finalement bien dans le milieu sportif de son film suivant, L'Enfer du dimanche. Par contre, dans cette histoire assez convenue, sauvée par une certaine ironie du sort, le montage saccadé et le changement incessant de textures de l'image tourne très rapidement au tape-à-l'oeil pénible, pour rester poli. Alors que l'esthétique selon Stone créait des feux d'artifice intenses tant qu'elle était au service d'une démarche de chroniqueur historique contestataire (jamais mieux que dans JFK et Nixon), elle s'essouffle sans pitié lorsqu'elle doit rendre compte d'un univers dont les seuls coupables sont quelques ploucs un brin dégénérés. Accordons à Stone le bénéfice de rendre assez pertinemment compte d'une gent humaine paumée, accrochée à des rêves factices, mais en dehors de cela, le fond idéologique, voire social, est désagréablement pauvre et presque inexistant.
Il reste alors une interprétation qui a tendance à se laisser entraîner par les excès formels, en gros, qui cabotine, ainsi qu'une très curieuse bande originale, signée Ennio Morricone, qui confère à l'ensemble une étrangeté trop souvent piétinée par le style d'un manque de finesse regrettable.
En résumé, un ratage mineur qui comporte assez d'éléments fourre-tout pour intriguer parfois, mais qui ne laisse rien présager de bon pour les oeuvres futures, sans point d'attache personnel, d'Oliver Stone.

Vu le 8 juillet 2004, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 14, en VO

Note de Tootpadu: