Léon Morin, prêtre

Léon Morin, prêtre
Titre original:Léon Morin, prêtre
Réalisateur:Jean-Pierre Melville
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:20 septembre 1961
Note:
Le petit village où habite Barny, une veuve athée qui travaille dans une école par correspondance, est d'abord envahi par les Italiens, puis occupé par les Allemands. Pour éviter tout désagrément à sa fille, de père communiste, Barny la fait baptiser d'urgence. Ce nouveau contact avec l'église lui donne l'idée d'une moquerie qui n'aura cependant pas l'effet escompté. La confession en forme de provocation chez le jeune abbé Morin mènera au contraire à un échange très suivi entre la jeune femme en doute sur ses valeurs et cet homme de foi fervent.

Critique de Tootpadu

Comment rendre compte de Dieu au cinéma sans s'exalter devant des fresques à l'envergure suffocante ou, au contraire, tomber dans l'autre excès : la pureté totale qui s'apparente alors plus à un traité théorique qu'à un film ? La voie choisie par Jean-Pierre Melville est peut-être la plus satisfaisante, la plus proche du quotidien sans sombrer dans le pittoresque.
En opposant son personnage central, une femme idéaliste, seule et intelligente, à un représentant du clergé particulièrement éclairé, Melville donne aux doctrines et à l'enseignement de la foi longuement l'occasion de se frotter aux dures réalités de l'occupation. Toutefois, la lutte contre l'oppresseur allemand n'a que très peu d'incidences sur le déroulement du récit, au point de pouvoir la considérer comme un fond en filigrane sur lequel se dispute la véritable confrontation, celle des âmes. En rien triomphaliste, cette quête spirituelle revèle plutôt tous les risques d'une conversion pour les mauvaises raisons et, en point d'orgue d'une subtilité confondante, laisse l'abîme entre la chair et l'esprit grand ouvert. Car autant le savoir être de l'abbé Morin plein de bonne volonté sans hypocrisie nous fascine, autant les tourments intérieurs de Barny, entre désirs charnels contradictoires et démarche spirituelle ambigüe, nous font très rapidement redescendre au niveau le plus banal de l'existence humaine. C'est cette conjugaison très habile de l'attachement sans faille à la foi et des interrogations charnelles, jusqu'à un comportement lascif, qui font la force du film.
Filmée en petites vignettes, la structure du film épouse en quelque sorte la démarche de Morin et de Melville. A l'exception de la séquence finale, nul besoin de préparer de longs moments d'affrontement verbaux, le propos passe bien mieux par de petites touches, de petites interpellations. Constamment titillée, l'attention du spectateur n'éprouve alors aucun besoin de s'assoupir, sans arrêt aux aguets des nouveaux revirements d'un récit qui n'a rien perdu de sa pertinence en plus de quarante ans. S'il y a un léger reproche à faire à Jean-Pierre Melville, c'est de parfois trop privilégier la voix off de Barney, au détriment d'une expression qui passerait plus par l'image. Il n'en reste pas moins deux moments visuellement intriguants (la conversion au grenier et le rêve érotique).
Enfin, l'interprétation s'avère sans faille, avec un Belmondo d'une force inspiratrice rare, décontracté et ferme en même temps, et Emmanuelle Riva d'une subtilité exceptionnelle dont les émotions changeantes s'expriment au mieux par le visage, au pire par la voix off.

Vu le 7 juillet 2004, au Saint-Germain-des-Prés

Note de Tootpadu: