Titre original: | Fahrenheit 9/11 |
Réalisateur: | Michael Moore |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 122 minutes |
Date: | 07 juillet 2004 |
Note: |
Vu le 13 août 2004, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 20, en VO
Note de Tootpadu:
Ce film a obtenu la Palme d'or au Festival de Cannes en 2004. C'est la première fois depuis 1956 et Le Monde du silence de Louis Malle et Jacques-Yves Cousteau que la récompense suprême était attribuée à un documentaire. On rappellera que Michael Moore a vu la distribution de son film bloquée par la Walt Disney Company sur le sol américain. La raison invoquée était que Fahrenheit 9/11, pouvant déplaire au Gouverneur de Floride Jeb Bush, frère du président Bush, aurait mis en danger les millions de dollars d'allègements fiscaux que Disney reçoit de l'Etat de Floride. Après plusieurs mois de spéculations, les studios ont finalement donné leur autorisation sur la vente des droits du film aux frères producteurs Weinstein. Ainsi déliés de leur entente contractuelle avec la maison mère, ces derniers ont ainsi pu trouver un autre distributeur sous la forme d'une coalition de trois groupes : Fellowship Adventure, les studios canadiens indépendants Lions Gate Films et le groupe IFC Entertainments. Le succès fut énorme et immédia dès sa sortie retardée aux USA.
Ici c'est du cinéma militant jouissif et frondeur, sans démagogie aucune, et qui transite également par un humour ravageur. Michael Moore avance, révèle, décode, glace, bouleverse, au triple galop. Chaque scène de Fahrenheit 9/11 est un tract que Michael Moore distribue courageusement. Cette oeuvre salvatrice, qui s'attache surtout à réveiller les consciences du public américain, est un film coup de poing. Sans renier son style et ses références habituels, Moore surprend par sa capacité à se renouveler et à s'effacer devant la gravité du sujet. On sent que le réalisateur maîtrise son sujet, on sent toute l'humanité d'un homme qui ne fait que nous montrer ce que personne d'autre n'aurait osé. Moore réalise une prouesse incroyable en n'étant jamais voyeur, jamais juge de ce qu'il montre, il nous suggère à nous que l'horreur n'est pas une fatalité si nous parvenons à ouvrir les yeux. Il aurait été simple de remontrer les images du 11 Septembre pour réveiller un peu d'effroi en nous, pourtant au moment d'évoquer cette journée tragique la salle est plongée dans l'obscurité la plus totale et seul le son subsiste pour que notre mémoire devienne actrice et que les images soient inutiles.
Même si certaines démonstrations du film laissent à désirer comme celles qui nous montrent l'Irak d'avant-guerre comme un endroit merveilleux, celles qui expliquent les enjeux financiers qui ont menés à la guerre sont beaucoup plus convaincantes. Ce film a aussi le mérite de nous donner une autre vision de la guerre. Pas la vision aseptisée des medias, mais une vision plus réaliste des drames humains que comporte chaque guerre. Cependant, on remarquera que Moore se complaît évidemment à tirer vers le larmoyant, car lui-même se trouve dans cette situation. Ce n'est pas une simple remise en cause d'un Président des US idiot, mais bien une remise en cause de l'être humain en général. Moore nous donne son point de vue, qui est le point de vue d'au moins la moitié des américains: ils n'ont pas voté pour cet homme, et le monde n'en sort pas grandi.
Ce film est ainsi avant tout destiné à un public américain n'ayant pas eu autant d'images chocs et de révélations que nous. Il ne nous apprend pas grand chose, à part peut être aux rares idéologues français qui osent encore soutenir Bush mais ceux là n'iront pas le voir. La conclusion du film fait un parallèle intéressant avec "1984" de G. Orwell. Dans ce magnifique roman, Orwell décrit une dictature atroce dont l'un des objectifs est de maintenir son peuple dans un état de guerre permanent, non pas pour gagner une guerre mais tout simplement pour maintenir les structures de sa propre société. Alors oui, l'administration Bush n'est pas aussi violente que le Big Brother d'Orwell. Mais bon, la comparaison a ceci d'intéressant qu'elle permet de se poser cette très bonne question: la démocratie américaine que nous aimons et à qui nous devons beaucoup n'est-elle pas en train de prendre un très dangereux virage? A ceux qui ne l'ont pas encore fait, je recommande vivement la lecture de "1984". C'est l'ouvrage indispensable pour compléter ce film et en saisir parfaitement sa conclusion. Dans tous les cas, allez voir ce film, lisez Orwell en rentrant chez vous et savourez d'avoir enfin compris combien il est facile de tous nous manipuler. Lisez, relisez Orwell, Moore ne fait que le répéter avec talent.
Reste que le vrai problème avec Fahrenheit 9/11, c'est qu'en essayant de démonter un système apparemment véreux, Michael Moore emploie exactement les mêmes méthodes que les gens qu'ils critique : déformations et simplifications de la vérité, omissions, et surtout, racolage a l'extrême. Il joue sur l'affectif et l'émotionnel, pas sur l'argumentation. Du coup, le qualificatif de "documentaire" ne peut pas s'appliquer a ce film. Tout au plus peut-on le qualifier de fiction, ou de délire d'artiste.
Vu le 05 juillet à la séance de 19h45 salle 09 au Gaumont de Disney Village
Note de Mulder: