Clan (Le)

Clan (Le)
Titre original:Clan (Le)
Réalisateur:Gaël Morel
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:16 juin 2004
Note:
D'abord, il y a Marc, le cadet, une bête de la cité au crâne rasé et aux fréquentations suspectes. En l'absence de son frère incarcéré, il tente de veiller sur le reste de la famille, son père et son petit frère, alors que la mère est décédée d'une maladie. Mais suite à des embrouilles avec son fournisseur de drogues, il est tabassé par ce dernier et il essaye alors de se venger.
Ensuite, il y a Christophe, l'aîné, qui trouve un travail à la chaîne à la sortie de prison. A force de persévérance, il réussit à grimper les échellons sociaux.
Enfin, il y a Olivier, le jeune, timide et traumatisé par la perte de sa mère. Mal compris par ses frères, il se lie d'amitié et d'amour avec Hicham, un pote de Marc.

Critique de Tootpadu

Extrêmement rares sont les films qui sonnent justes à chaque instant, qui nous touchent au plus profond de nous-mêmes, dont la forme est un soutien admirable aux questions de fond qu'ils posent à la fois à un niveau général et plus intime. En effet, la dernière fois que l'on se sentait à ce point touché par la grâce cinématographique, c'était un après-midi de février il y a quelques années, lors de la vision de Sous le sable. Certes, ce troisième long-métrage de l'acteur Gaël Morel (Les Roseaux sauvages) n'atteint pas les sommets de subtilité de ce dernier, même s'il constitue une oeuvre d'une crudité et d'une sensualité hors pair.
En effet, ce portrait sans prétention d'une famille décomposée de façon brutale réussit l'exploit considérable de traiter d'un ensemble hétérogène de sujets, sans jamais faiblir dans son style assuré et dans son sens de l'observation engagée. Véritable hymne à l'homme dans toute sa masculinité, cette oeuvre d'un cinéaste qui n'a jamais caché son homosexualité nous livre les images d'hommes les plus érotiques depuis le Beau travail de Claire Denis, un constat qui en dit long sur le potentiel sensuel du cinéma gai français actuel. Cependant, Le Clan n'est pas qu'un film homo, loin s'en faut, et de surcroît, l'est plus par la charge de ses images que par l'action en elle-même.
Les deux premiers tiers du film sont en fait consacrés à la déchéance de Marc, une tête brûlée d'une intensité rare, et à l'ascension de Christophe, un repenti qui prend avantage des possibilités que lui offre le marché du travail. Tandis que l'univers du cadet n'est que crânerie, drogue et colère, celui de son frère ressemble presque à un conte de fées social, si ce n'était que sa rédemption se fait au détriment de son entourage. Ainsi, ceux qui sont laissés pour compte dans sa démarche, comme ses collègues plus anciens, ne sont par contre pas ignorés par Morel, qui, au détour d'un plan de mains dévorées par le sel, aborde toute la cruauté du monde du travail qui, chacun le sait, préfère la performance à la justice.
Cette acuité du regard qui réussit à faire passer plusieurs niveaux d'information et d'analyse à travers chacune des images, la beauté et la justesse époustouflantes de celles-ci, les choix très judicieux en termes de musique et, enfin, une interprétation magistrale autant dans la souffrance (Nicolas Cazalé) que dans le calcul (Stéphane Rideau), autant dans la frustration (Thomas Dumerchez) que dans l'amour triste, mais sans honte (Salim Kechiouche), font de ce film en quelque sorte venu de nulle part, tellement son exploitation en termes du nombre des salles et de publicité est minime, notre grand coup de coeur de ce début d'été !

Vu le 17 juin 2004, au MK2 Bibliothèque, Salle 8
Revu le 24 juin 2004, au MK2 Bibliothèque, Salle 1

Note de Tootpadu: