Rendez-vous

Rendez-vous
Titre original:Rendez-vous
Réalisateur:Ernst Lubitsch
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:10 août 1945
Note:
Au magasin de maroquinerie Matuschek & Co. à Budapest, la demi-douzaine d'employés et le patron, M. Matuschek, mènent une vie de travail ordinaire. Les uns passent leur vie privée en famille, les autres s'amusent des nuits durant et ennuient leurs collègues avec les récits de leurs exploits. Alfred Kralik, un jeune homme qui compte faire carrière dans le magasin, rêve d'une femme cultivée avec laquelle il communique par lettres interposées. Un jour, Klara Novak, une fille émancipée, est engagé comme vendeuse, et, très vite, les disputes entre elle et Kralik commencent.

Critique de Tootpadu

Charme, humour et un sens aigü de l'observation, tel est le trio de qualité qui fait de cette comédie une expérience euphorisante, comme une coupe de champagne. Ernst Lubitsch était en effet au zénith de sa carrière, ayant perfectionné le fameux "Lubitsch-touch" pour réaliser un chef-d'oeuvre après l'autre. Entre Greta Garbo qui rit dans Ninotchka et la farce anti-nazi de Jeux dangereux, nous voici avec une comédie attachante et subtile, qui s'intéresse pour une fois aux gens ordinaires.
Le cadre de l'Europe de l'est sert, comme plus tard dans les Jeux, à la fois comme un prétexte à des particularités de comportement, et comme un retour aux sources du réalisateur, berlinois d'origine. Nullement folklorique, ce fond ne cache en rien la valeur universelle des agissements dans cette petite boutique. En effet, une des sources de plaisir du spectateur est de reconnaître des attitudes et des genres de personnes que nous croisons tous dans notre monde du travail. A en croire ce film presque en âge de partir à la retraite - d'ailleurs bien méritée, aussi alerte et vif soit-il -, la nature humaine ne change guère et les petites préoccupations de tout un chacun perdurent de génération en génération. Ce message a visiblement été mal compris par Nora Ephron, il y a quelques années, qui l'a cru bon de refaire cette histoire avec les frimousses fades de Meg Ryan et Tom Hanks pour nous pondre un Vous avez un message entièrement oubliable.
Là où le remake loupé a voulu assaisonner avec du sucre et de la guimauve, Lubitsch reste avec ses piquants préférés, le sel et le poivre. Subtilité ne rime en effet en rien avec douceur dans le cas présent, où les imperfections humaines sont cachées derrière le voile de l'humour, mais point excusées pour autant. On en rit alors doublement, puisque les trouvailles et la finesse des répliques sont éminemment drôles, mais aussi parce que Lubitsch met le doigt là où ça fait mal, tout en passant avec une caresse bienveillante après.
Enfin, de toute la distribution émane un charme infini, qui rend chacun des personnages parfait ou presque. Le jeune James Stewart joue avec un naturel rarement trouvé de nos jours, une valeur d'identification dont les "garçons d'à côté" actuels ne peuvent que rêver. Peut-être ce personnage a-t-il trouvé son incarnation parfaite ici et n'a-t-il plus sa place dans notre époque cynique et branchée ? Tandis que Margaret Sullavan n'accomplit pas de miracles dans le rôle peu gratifiant de la fille qui est la seule à ne pas être au courant, les seconds rôles ne sont qu'un régal interminable.

Revu le 3 juin 2004, au Mac Mahon, en VO

Note de Tootpadu: