Assurance sur la mort

Assurance sur la mort
Titre original:Assurance sur la mort
Réalisateur:Billy Wilder
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:31 juillet 1946
Note:
En pleine nuit, une voiture finit sa course folle à travers les rues de Los Angeles devant une tour de bureaux. Un homme descend et monte, titubant, jusqu'à l'étage de sa société d'assurance. Il s'assied au bureau de son collègue, le vérificateur des demandes de dédommagement, et il raconte au dictaphone l'histoire sombre qui l'a emmené jusque là. Une histoire d'escroquerie, de trahison et de meurtre.

Critique de Tootpadu

Film noir par excellence, alors qu'on n'y trouve ni policier, ni détective privé, ce petit chef-d'oeuvre du début de la carrière de Billy Wilder séduit par sa sobriété et sa cruauté humaine. Comme un exercice avant l'accomplissement du Boulevard du crépuscule, les personnages sont dépourvus ici de toute noblesse, au mieux des méfiants à l'estomac soumis au stress du travail (Keyes), au pire des êtres froids et calculateurs qui, tel des sangsues, grimpent les échelons de l'hiérarchie sociale (Phyllis). Les parallèles ne s'arrêtent d'ailleurs pas là, puisque, du début de la course de voiture, en passant par la voix-off d'un homme mourant, voire mort, jusqu'au pouvoir de séduction d'une femme énigmatique et manipulatrice, les points communs abondent. Bien que notre préférence personnelle se porte plutôt sur le Boulevard, ce film antérieur comporte déjà une force et un désenchantement suffisamment mordants pour être considéré comme un des sommets du genre.
En dehors de son caractère sobre, sans fioriture, la maîtrise du temps intrigue comme un des éléments majeurs de la mise en scène. Pendant la première partie, on se trouve alors presque rebuté par la lenteur du récit et par son ennui trompeur. Trompeur, car la préparation du crime et son exécution ont construit la base pour le suspense et les revirements prodigieux qui ont lieu au cours de la deuxième partie. Une fois la mécanique des suspicions mise en marche, elle ne s'arrête plus jusqu'au dénouement certes prévisible - puisque tout le film n'est qu'un long retour en arrière - mais d'autant plus touchant dans son premier et ultime sursaut d'humanité.
Comme il se doit pour un bon film noir, la photo tire le meilleur parti des jeux entre le clair/obscur, et le scénario, écrit par Wilder et Raymond Chandler, bien qu'il soit adapté d'un roman de James M. Cain (Le Facteur sonne toujours deux fois), augmente très savamment la tension, tout en gardant un certain sens de l'humour, évidemment noir, dans les dialogues. Fred MacMurray livre probablement ici une de ses meilleures interprétations, loin de ses rôles comiques habituels, avec un jeu très sobre qui traduit bien la médiocrité profonde de son personnage. Barbara Stanwyck est parfaite en femme fatale, même si son rôle n'est pas si important que cela, au moins en termes de durée et d'impact direct. Et Edward G. Robinson fournit le seul point d'ancrage positif - à l'exception de la blonde et naïve Lola -, en dépit d'un jeu parfois excessif.

Revu le 3 juin 2004, au Publicis Cinéma, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: