Wild Side

Wild Side
Titre original:Wild Side
Réalisateur:Sébastien Lifshitz
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:14 avril 2004
Note:
Stéphanie est originaire d'un petit village de province, où elle doit retourner après une longue absence à cause de la maladie de sa mère. Tandis que sa soeur est entrée dans les ordres, Stéphanie qui est née comme Pierre, travaille comme prostituée travestie à Paris. Elle y partage sa vie privée avec Jamel, un jeune maghrébin, et Mikhail, un ancien soldat russe. Ce ménage à trois inhabituel se retrouve au chevet de la mère de Stéphanie, chacun face à ses problèmes du passé qui laissent des traces dans la vie quotidienne.

Critique de Tootpadu

Pour son deuxième long-métrage de fiction, Sébastien Lifshitz persévère dans la veine du récit morcelé et des personnages homos à l'existence difficile, tout en prenant un tournant vers un cadre beaucoup moins attrayant, pas très loin d'être déprimant. Alors que Presque rien comportait encore des éléments positifs, à travers l'amour naissant entre les deux jeunes adultes sur fond de vacances d'été, et en dépit du penchant suicidaire de son protagoniste, le monde tel qu'il est dépeint dans l'oeuvre présent peut aspirer, comme seul moyen de rédemption, à l'épanouissement du ménage à trois improbable. Cependant, il s'agit là plus d'une relation de fortune entre des exclus de la société que d'un ensemble social solide. Ainsi, la communication entre Jamel et Mikhail est des plus aléatoires, en raison des problèmes de langue, bien que cette incapacité de discuter est à l'origine de quelques scènes amusantes (le récit de la cicatrice dans le restaurant, la boxe improvisée). De même, Stéphanie semble espérer que Jamel lui demande d'arrêter le tapin, mais c'est plutôt l'inverse qui se produit, puisque le jeune beur tire à son tour des coups contre argent dans les toilettes de gare.
La réconciliation avec le passé n'est pas non plus au programme du trio, qui fuit les souvenirs, se tait sur son présent et laisse sa famille, abandonnée très loin, dans le doute. Il y a presque comme une continuité pessimiste par rapport aux personnages précédents de l'oeuvre de Lifshitz, comme si le jeune déjà interpreté par Yasmine Belmadi – que l'on peut d'ailleurs entièrement admirer ici – dans Les Corps ouverts s'était tourné vers une forme officieuse de prostitution, et comme si le personnage de Jérémie Elkaïm dans Presque rien, déjà avec une mère malade et une soeur suspicieuse, n'avait trouvé d'autre moyen pour affirmer sa sexualité que de se laisser pousser des seins. Donc, la construction du trio semble tenir pour l'instant, mais le scénario ne lui propose aucune voie de secours pour sortir de la précarité sociale de chacun de ses membres.
A force de voir le réalisateur s'investir dans des récits d'une structure temporelle complexe, on voudrait presque le demander pourquoi il s'obstine tellement dans son refus de la linéarité. Encore surprenant et efficace dans Presque rien avec sa quête d'une guérison psychologique et sentimentale, le procédé commence à devenir répétitif ici, et cela d'autant plus qu'il dérobe à l'histoire le potentiel dramatique d'emblée pas abondant. Le film suit alors ses personnages dans des mouvements périodiques, d'une pertinence parfois douteuse. La complexité des caractères et le désarroi affectif du trio peine alors à se manifester et le film nous quitte avec une impression d'inachevé, d'une déchéance impénétrable.

Vu le 21 mai 2004, au MK2 Beaubourg, Salle 4

Note de Tootpadu: