Monster

Monster
Titre original:Monster
Réalisateur:Patty Jenkins
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:14 avril 2004
Note:
Depuis déjà longtemps, Aileen erre sans but et survit en se prostituant. Lorsqu'un soir, le moral au plus bas, elle rencontre dans un bar la jeune Selby, c'est le coup de foudre. Pour protéger leur amour et leur permettre de subsister, Aileen continue de se vendre jusqu'à cette nuit où, agressée par un de ses clients, elle le tue. Ce premier crime marque le déclenchement d'un terrible engrenage... Site officiel http://www.monsterfilm.com/
(Source Allociné)

Critique de Mulder

Ce drame criminel est basé sur une histoire vraie, celle d'Aileen Wuornos, une prostituée qui a commis six meurtres entre 1989 et 1990. Elle a été arrêtée, jugée et condamnée à mort. Pendant douze ans, celle qui fut considérée comme la première tueuse en série d'Amérique a attendu l'accomplissement de la sentence dans un pénitencier de Floride.

Si Patty Jenkins réussit à rendre toute la complexité de ce personnage, elle brosse aussi un portrait subtil de son pays. "Monster" dévoile donc une Amérique de l'abandon, des enfants perdus dans un espace trop vaste où l'Etat fantôme ne semble se manifester que pour enfoncer les plus faibles plus bas que terre. Il y a dans ce film fondamentalement sage quelque chose qui défait le monstre et restaure l'humain.

" Monster " évite aussi tous ces écueils et s'impose, avec " Lost in Translation ", de Sofia Coppola, comme le meilleur film américain de ces derniers mois. Un constat glaçant à propos d'un itinéraire déliquescent et, à travers lui, un portrait de l'Amérique des bas-fonds, aux antipodes de l'imagerie traditionnelle de Hollywood

Certes, le scénario est beaucoup trop linéaire et sans trop de rebondissements dont on connaît déjà la fin puise qu'il s'agit d'une histoire vraie. Mais le film repose avant tout sur l'interprétation de Charlize Théron, métamorphosée pour l'occasion en une femme vraiment laide et qui parle d'une façon trash. Charlize effectue là une composition parfaite qui lui a valu un Oscar, entourée d'une très bonne Christina Ricci qui campe une lesbienne paumée.

A la grâce des comédiennes s'ajoute la mise en scène inspirée de la réalisatrice Patty Jenkins. Malgré quelques difficultés à entrer dans le sujet, elle apporte au film la sobriété nécessaire, sachant également filmer les instants plus violents, toujours sans artifices. Une réussite de taille, d'autant que Monster est son premier long métrage.

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

S'il n'y avait pas la voix off, dont l'utilisation est au demeurant légèrement trop conventionnelle ici, ce film transmettrais un mal être des plus agressifs et pessimistes. Seul l'amour assez particulier qui unit les deux protagonistes laisse une toute petite porte d'échappatoire, un passage vers le pays des rêves qui ne se réalisent jamais. Et même cette relation entre les deux exclues de la société se fait rattraper par les rapports de force qui gouvernent celle-ci. S'il nous reste un minimum d'admiration, qui n'est pas de la pitié, pour Aileen, c'est parce qu'elle s'attache tellement, sans filet de secours, à Selby. Cette dernière s'avère en effet au final beaucoup moins forte et plus calculatrice dans sa recherche de l'être aimé.
Bien que l'on puisse juger la réalisation pour son manque d'éclat et d'imagination, elle a au moins opéré le bon choix en privilégiant la voie neutre, sans lyrisme, ni misérabilisme. Un sujet aussi dérangeant et pénible se suffit de fait pour lui-même, se passant d'une approche artificelle de commentaire social. Puisque l'on voit à chaque instant la misère émotionnelle et matérielle dans laquelle essaye de vivre Aileen, il n'y a nul besoin d'un recours vers des entités régulatrices. Le personnage principal porte déjà en lui sa condamnation et sa rédemption.
L'implication de Charlize Theron dans ce projet indépendent s'avère être à double tranchant. Nul doute que, sans elle, c'est-à-dire sans son pouvoir économique, le film n'aurait jamais pu être fait, en tout cas de cette manière. Par contre, en s'attribuant le rôle titre en quelque sorte (encore que, la société n'est-elle pas le véritable monstre dans cette affaire), elle déclenche un revirement pervers. Aucune actrice de l'apparence d'Aileen compte parmi les vedettes du cinéma, conscientes jusqu'à la paranoïa des canons de beauté physique de notre époque. En s'appropriant la laideur d'Aileen, en se glissant derrière une tonne de maquillage, Theron ne fait en fin de compte que trahir la pureté de la misère de son personnage, réel. S'il on adhère tellement à la sensation de rejet de la société, c'est qu'Aileen, avec son langage corporel et sa conversation rudimentaire, avec ses cheuveux et vêtements sales, personnifie le ratage total, la fille bonne à être jetée hors de notre vue. Arriver à créer cet individu de façon aussi convaincante (les yeux grands ouverts et quelques tics mis à part) est certes à mettre au crédit de Charlize Theron, par contre ses probables calculs de carrière - qui au demeurant se sont vérifiés - laissent un arrière-goût amer.
Ce dilemme d'une corruption sournoise d'une brutalité quotidienne qui n'en avait guère besoin se retrouve dans les seconds rôles qui voient défiler toute une série de seconds couteaux honorables dans l'entourage meurtrier d'Aileen (Bruce Dern, Scott Wilson, Pruitt Taylor Vince). Pourquoi avoir sacrifié en quelque sorte la déchéance sociale de cette vie sur l'autel d'un petit film somme toute fort respectable ? Pourquoi ne pas avoir transcrit sans aucune concession la force brutale d'Aileen sur l'écran ?
Au final, c'est cette attitude un peu bâtarde envers son sujet qui vole au film ses lettres de noblesse. Donc, du mal être, il y en a, même beaucoup, mais jamais jusqu'à franchir le point de l'insoutenable, toujours derrière les garde-fous d'un bien pensant modéré.

Vu le 23 avril 2004, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: