Moonlight

Moonlight
Titre original:Moonlight
Réalisateur:Barry Jenkins
Sortie:Cinéma
Durée:111 minutes
Date:01 février 2017
Note:

Le passage à l'âge adulte d'un jeune homme, Chiron, pendant l'ère de la guerre contre la drogue à Miami.

Critique de Mulder

Moonlight s’impose dès sa découverte comme l’un des films marquant de ce début d’année. Après avoir réalisé Medecine for Melancholy (2008), le réalisateur et scénariste Barry Jenkins signe une adaptation réussie de la pièce de théatre de Tarel Alvin McCraney In Moonlight Black Boys look blue. Divisée en trois actes distincts tel un film à sketchs mais avec une véritable continuité et des personnages aussi fragiles qu’attachants, Moonlight dresse le portrait brillant d’un afro-américain en perpétuelle lutte. Entre une mère droguée qui le délaisse durant son enfance, un père absent, un dealer en père de substitution, Chiron découvre son homosexualité et surtout apprend malgré lui que le passage de l’adolescence à l’âge adulte requiert certains sacrifices.

Le cinéma américain indépendant reste une terre propice à des réalisateurs investis pour aborder une vision sans concession de notre période actuelle. Ainsi à travers cette tranche de vie, Moonlight dépeint une Amérique loin des nombreuses cartes postales idylliques. Dans ce quartier de Miami marqué par la pauvreté, le chômage omniprésent, différentes personnes n’hésitent pas à franchir le seuil de la légalité pour s’affranchir de toutes les normes et ainsi se mettre à dealer pour pouvoir survivre décemment. Pourtant, le film n’encense à aucun moment cette manière de vivre et ces différents trafics transformant une mère seule son enfant en dépravée incapable d’élever cet enfant. Derrière ces portraits, le réalisateur s’est non seulement reconnu dans le texte de Tarel Alvin McCraney mais a également apporté certaines modifications pour y inclure certains éléments autobiographiques. Le réalisateur dépeint ainsi un milieu dans lequel il a aussi grand et dans lequel la violence est partout.

Pour donner une réelle crédibilité au récit, le réalisateur s’est ainsi entouré de trois comédiens pour donner vie à son personnage Chiron Alex R. Hibbert (Chiron enfant, surnom Little), Ashton Sanders (Chiron adolescent) et Trevante Rhodes (Chiron adulte et portant le surnom de Black). Parfaitement choisis les trois comédiens réussissent à rendre aussi attachant qu’inquiétant ce personnage en lutte perpétuelle envers lui-même qu’envers le milieu dans lequel il essaye de s’épanouir et vivre sa sexualité. Le titre du film Moonlight fait clairement allusion à la lumière qui brille parfois dans les ténèbres ou qui éclaire des choses qu’on a peur de montrer comme l’a signalé le réalisateur. Cette lutte perpétuelle contre soi-même et ses démons intérieurs trouve dans le film toute la force nécessaire. De la même manière le grand soin apporté à la musique du film signé par Nicholas Britell renforce aisément l’universalité de cette histoire.

Moonlight est certes constitué de trois parties distinctes mais réussit à imposer une véritable continuité par les différentes thématiques abordées. Alors que la première partie intitulée Little dresse le portrait d’un enfant mutique en proie aux agressions répétées par d’autres enfants envers lui, c’est surtout le rapport attendrissant entre lui et un dealeur notoire qui retient toute notre attention. Cette partie bénéficie d’un casting solide avec la présence de quatre personnages importants Juan (Mahershala Ali), la petite amie de celui-ci et la mère de Chiron Paula (Naomie Harris) et bien entendu Chiron. La seconde partie Chiron montre que Juan est mort, que sa mère Paula est devenue encore plus addicte aux drogues et que son seul ami Kevin (Jharrel Jerome) est tout comme lui homosexuel. Enfin la dernière partie, montre que Chiron est devenu comme son père de substitution Juan un dealer notoire. Loin d’éviter de répéter les erreurs de son passé, Chiron va renouer avec son passé et retrouver Kevin devenu restaurateur. Ces trois parties montrent une réelle virtuosité d’un réalisateur maitrisant son art et nous renvoyant à nos propres démons.

Alors que le cinéma américain semble trop souvent se complaire dans des modèles prédéfinis, Moonlight présente une véritable vision d’auteur. En dressant le portrait d’une Amérique en manque de repères, le film s’impose comme un acte d’engagement, un cri de liberté résonnant avec les difficultés d’intégration des milieux défavorisés. Il est donc impossible d’y rester insensible et on ne peut que vous encourager à découvrir ce grand film d’auteur salué de manière unanime par la presse et récompensé dans de nombreux festivals.

Vu le 19 janvier 2017 à l’UGC Ciné-cité Les Halles, salle 1, en VO

Note de Mulder: