Captain Fantastic

Captain Fantastic
Titre original:Captain Fantastic
Réalisateur:Matt Ross
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:12 octobre 2016
Note:

Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes.Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.

Critique de Mulder

« Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,

Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire «
Walt Whitman

Après un premier film passé inaperçu (28 Hotel Rooms (2012)), Matt Ross connu par ses nombreux rôles dans des séries (Big Love, American Horror Story, Revolution, Silicon Valley) nous livre une histoire qu’il a non seulement réalisé et écrite. Captain Fantastic est un film universel célébrant la famille, l’éducation et surtout le droit à la différence. En dressant un constat plutôt réaliste d’une Amérique en déclin dans laquelle tout est formalisé, dans laquelle les jeunes élèves ne reçoivent pas toujours une éducation de qualité, Captain Fantastic nous présente une famille atypique.

Dès la première scène d’introduction présentant une partie de chasse digne d’un rituel d’un passage à l’âge adulte, le réalisateur gagne toute notre attention. On découvre cette famille constituée d’un père de famille et de ses enfants vivant en pleine harmonie avec la nature et survivant en mangeant des aliments récoltés et loin de toute société. La culture est pourtant omniprésente par l’entrainement que leur fait subir leur père en leur faisant lire plusieurs ouvrages indispensables au développement de leur pensée. De la même manière il les entraine chaque jour pour faire en sorte que leur corps et esprit soient au diapason. En apprenant la mort de son épouse et mère de ses six enfants, cet adulte décide de braver les interdits mis en place par le père de celle-ci et décide de partir avec ses enfants après l’enterrement . Matt Ross nous livre avec Captain Fantastic l’un des plus beaux films, fort, sensible et émouvant que l’on ait pu voir au cinéma depuis très longtemps. Sa mise en scène permet de donner vie à cette famille atypique et attachante.

Dans un cinéma américain hollywoodien dans lequel tout semble calculer pour satisfaire l’attente d’un public de masse, Captain Fantastic nous touche par sa grande sensibilité et sa volonté permanente de nous surprendre et surtout de nous livrer un road movie original. On n’avait pas assisté à un film d’une telle force émotionnelle et sur la diffusion du savoir depuis l’excellent Le cercle des poètes disparus (1989, Peter Weir). Loin de vouloir suivre des modèles prédéfinis le film ne se contente pas d’être un simple road movie. ,Le réalisateur nous livre une réflexion sur l’Amérique actuelle et marque son film d’oppositions multiples marquées notamment par le grand père de ses enfants qui s’opposent à la manière dont leur père les éduque, aux souhaits de sa fille d’être incinérée et non enterrée. Ces deux manière de percevoir le sens de responsabilité et surtout la manière de ce comportement en tant qu’adulte avec des enfants nous questionne et nous amène à une réflexion sur notre passé. On oublie souvent qu’un film n’est pas qu’un média de divertissement mais comme un bon livre doit amener à nous questionner sur notre passé, notre place dans la société et les valeurs que nous devons transmettre à nos enfants.

Le grand charme qui se dégage du film vient non seulement des comédiens talentueux comme Viggo Mortensen (Ben) et Frank Lagella (Jack) mais surtout par un casting de jeunes comédiens fantastiques (Samantha Isler, George Mackay, Annalise Basso, Nicholas Hamilton, Shree Crooks et Charlie Shotwell). Lorsque le personnage principall, Ben, se remet en question sur l’éducation qu’il doit transmettre à ses enfants et aux risques qu’il leur fait courir par leur entrainement, le film nous interpelle et surtout nous amène à nous poser des questions fondamentales et rationnelles sur le transfert du savoir.

Le film bénéficie également de reprises de nombreuses chansons telles celles de Guns’n’Roses Sweet Child of mine qui nous laissent sans voix et nous montrent que Captain Fantastic est aisément l’un des meilleurs films de cette année. On comprend que celui-ci ait obtenu le prix de la mise en scène dans la catégorie Un Certain Regard lors du dernier festival de Cannes et le prix du jury et prix du public lors du Festival du cinéma américain de Deauville. Captain Fantastic s’impose comme le film à découvrir d’urgence et surtout marque la naissance d’un grand réalisateur dont on suivra la carrière avec la plus grande attention.

Vu le 3 septembre 2016 au Centre International de Deauville, en VO

Note de Mulder: