Comancheria

Comancheria
Titre original:Comancheria
Réalisateur:David Mackenzie
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:07 septembre 2016
Note:

Après la mort de leur mère, deux frères organisent une série de braquages, visant uniquement les agences d’une même banque. Ils n’ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété familiale, et comptent rembourser la banque avec son propre argent. À leurs trousses, un ranger bientôt à la retraite et son adjoint, bien décidés à les arrêter.

Critique de Mulder

Certains films s’imposent dès leur découverte comme des classiques du genre . Tel est cas du neuvième film du réalisateur David Mackenzie Comanchiera (Hell or High Water). Réunir différents genres de films tels le road movie, le western, la comédie et une étude sociale était pourtant une mission périlleuse et nécessitait une alchimie parfaite entre ces genres. Le réalisateur David Mackenzie se basant sur un scénario de Taylor Sheridan (Sicario (2015)) retrouve toute l’essence du western et dresse ainsi le portrait de deux frères maudits à la destinée tragique. Loin de vouloir dresser le portrait de deux gangsters prêts à tout pour ramasser le maximum d’argent en accumulant des braquages, le film montre plutôt une quête rédemptrice d’un ancien criminel braqueur de banques Tanner (Ben Foster) décidé à aider son frère Toby (Chris Pine) à amasser l’argent nécessaire pour sauver de la saisie sa propriété familiale. D’un premier hold up dans une petite banque de l’Amérique profonde du Texas à une dernière qui se révélera tragique, ces deux anti-héros révèlent aussi bien leur blessures, leurs rêves brisés et représentent ainsi une Amérique blessée dans ses entrailles qui tentent malgré tout de se relever par tous les moyens.

Le film tire son titre Comanchiera de la région dans laquelle les comanches habitaient avant 1860 avant d’en être chassés. Cette région englobe actuellement notamment le Nouveau Mexique et l’Ouest du Texas. Il témoigne bien de cette expatriation d’une nation indienne et dans laquelle la pauvreté et le chomage sont omniprésents. Cette histoire des deux frères liés face à leur destin correspond parfaitement à ce titre. En privilégiant les décors naturels et une mise en scène minimaliste, le film revient au source de la véritable Amérique.

Comancheria dresse surtout le portrait d’un système capitaliste en pleine dérive dans lequel certaines banques sont prêtes à tout y compris les pires méthodes pour profiter des malheurs d’honnêtes citoyens. La méthode utilisée par Toby et Tanner n’est certes pas la meilleure et elle correspond à une certaine volonté de lutter contre un système sans valeur moral. En attaquant des banques rattachées au même groupe bancaire, ces deux personnages montrent clairement leurs revendications et une volonté de lutter par tous les moyens possibles. Loin d’être un nouveau film de braquage, le scénario s’attarde plutôt à montrer une Amérique reculée et bercée par des paysages superbes du Grand Ouest américain.

Le scénario d’une grande richesse est magnifié par une mise en scène crépusculaire et parfaitement maitrisée. Le film s’impose aisément comme l’un des meilleurs découverts depuis longtemps dans nos salles. Sous cette traque lancée par un ancien ranger proche de la retraite, Marcus (Jeff Bridges), le film témoigne plutôt de la volonté des trois protagonistes principaux de se battre pour une cause qui leur parait juste. Alors que Tanner est un criminel tentant de se racheter en sauvant son frère Toby, ce dernier est juste un fermier qui souhaite donner une meilleure vie à sa famille. Le réalisateur aborde également en toile de fond différentes thématiques telles la famille, les travers d’une société sans moralité et surtout la résistance. Le réalisateur après son précédent film remarqué et salué Les Poings contre les murs (2013) a voulu livrer une chronique de l’Amérique des années 2010. C’est derrière un regard européen qu’il aborde ainsi les travers de l’Amérique et ses nombreuses contradictions (vente d’armes, milieu agricole, endettement des travailleurs..). Comment ne pas voir derrière ce film, une ode aux fameux westerns des années 60 et 70 dans lesquels les films reposaient sur des brillants comédiens, des scénarios ingénieux et surtout sur des décors naturels exceptionnels. On pourrait aisément voir dans ce film un hommage à peine déguisé au film Tuez Charley Varrick de Don Siegel mais aussi à certains films déjà interprétés par Jeff Bridges (La dernières séance (1971), Le Canardeur (1974) et La dernière chance (1972)). De la même manière le réalisateur a su parfaitement saisir la vitalité du jeu de comédien de Chris Pine et révéler que derrière un comédien habitué à aligner les blockbusters avec efficacité (Unstoppable (2010), Star Trek (2009), Target (2012), The Ryan Initiative (2014) et prochainement Wonder Woman (2017)) se cache un véritable acteur au magnétisme indéniable. Pour toutes ces raisons, Comanchiera est l’un de nos coups de cœur de ce mois de septembre et risque de remporter un prix en compétition officielle du Festival du cinéma américain de Deauville.

Vu le 29 août 2016 au Club Lincoln, en VO
Revu le 4 septembre au Centre International de Deauville, en VO

 

Note de Mulder: