Elle

Elle
Titre original:Elle
Réalisateur:Paul Verhoeven
Sortie:Cinéma
Durée:130 minutes
Date:25 mai 2016
Note:
Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d'une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d'une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s'installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.

Critique de Mulder

Il aura fallu attendre pratiquement dix années pour retrouver l’illustre réalisateur néerlandais Paul Verhoeven dans nos salles de cinéma. Après de nombreux grands films de studios hollywoodiens la plupart devenu des films culte de toute une génération de spectateurs. On pense notamment au thriller Basic Instinct (1992) qui aura fait fantasmer un large public (c’est à  Cannes que le film fut présenté la première fois) mais aussi des films de science-fiction pétris avec un véritable amour du cinéma (Robocop (1987), Total Recall (1990), Starship Troopers (1997), Hollow man l’homme sans ombre (1997)). Après certaines déconvenues avec les grands studios américains, le réalisateur était revenu en Europe tourné son précédent film Black Book mais n’avait pas totalement su retrouver son public nettement plus habitué à de grosses productions hollywoodiennes. Elle s’impose ainsi comme le retour triomphant d’un réalisateur virtuose. Paul Verhoeven n’a rien oublié, malgré le temps, de son côté subversif déjà présent dans ses premiers films (Spetters (1980), La chair et le sang (1985).

Dès la première scène forte du film le viol de l’héroïne par un homme masqué, l’accent est mis sur cette violence arrivant subitement dans un milieu aisé calme. L’héroïne Michèle déjà troublée dans son passé par les agissements sauvages et meurtriers de son père (et emprisonné à vie) semble avoir une volonté inébranlable. Comme elle ne souhaite pas attirer de nouveau l’attention sur elle et ses proches elle décide de continuer à vivre normalement et surtout se met à jouer( à jeu surprenant) avec cet homme masqué qui semble continuer à l’épier et à vouloir la poursuivre. Le scénario signé David Birke est l’adaptation du roman de Philippe Djian Oh (prix Intérallié 2012).  Le scénario prend également un peu de recul face au roman dont il s’inspire ainsi l’héroïne ne travaille plus dans le milieu de l’écriture de scénarios mais du jeu vidéo (un milieu nettement plus visuel ce qui a plu au réalisateur). De la même manière les personnages ont été revisités avec une réelle envie de leur apporter encore plus de consistance.

Une nouvelle fois le réalisateur sait parfaitement condenser le suspense et surtout peut s’appuyer sur la plus talentueuse des comédiennes françaises Isabelle Huppert. Celle-ci livre là une nouvelle une interprétation tout en retenue et sait capter notre attention par sa présence, sa manière de réagir face à un danger omniprésent. Elle incarne parfaitement son personnage, lui amène une véritable épaisseur de cette femme surprenante qui semble prendre un véritable plaisir à jouer avec son agresseur. Les nombreux et excellents dialogues du film méritent également tout notre intérêt. Cette ambiance malsaine nous rappelle également les grands films de Claude Chabrol avec lequel la comédienne Isabelle Huppert a souvent joué mais aussi les grands thrillers d’Alfred Hitchcock.  Cette ambiance renvoie également à l’excellent film de Roman Polanski Frantic dans lequel le héros à la recherche de sa femme enlevée devra affronter un univers dangereux. La réalisation soignée et surtout recherchée du réalisateur témoigne d’un grand soin du détail.

Une nouvelle fois le savoir-faire du réalisateur Paul Verhoeven fait des merveilles et joue constamment avec les nerfs des spectateurs. Avec la même volonté de vouloir surprendre, provoquer les spectateurs, il sait décrire un univers bourgeois emprunt au mal et un passé très lugubre. En jouant sur différents tableaux, le passé de Michele, sa famille (entre une mère acariâtre, un ex-mari écrivain et un fils au caractère faible) et cette histoire de viol, le film dresse un portrait guère flatteur de notre société actuelle. Face à la franchise de Michèle, tout le monde autour d’elle semble mentir que cela soit ses voisins (campés par Laurent Lafitte et Virginie Efira), son fils et sa compagne (Jonas Bloquet et la trop rare Alice Isaaz) voire son ex –mari et sa professeur de sport (Charles Berning et Vimal Pons). Le réalisateur peut ainsi non seulement s’appuyer sur un excellent scénario mais aussi sur un casting au diapason.

Elle démontrer une nouvelle fois que Paul Verhoeven est bien l’un des meilleurs réalisateurs actuels. Loin de vouloir adapter son langage cinématographique à ces nouveaux mouvements émergents de cinéma actuel, il démontre qu’un film est avant tout un art et non un simple divertissement de masse. Depuis ces premiers films, il n’a rien perdu de son empreinte subversive au contraire il a su l’adapter à notre société actuelle que cela soit dans ses films européens ou américains. Ce film constitue un nouveau chef d’œuvre cinématographique de plus à ses films qui ont inspiré  toute une génération de réalisateurs.

Vu le 3 juin 2016 au Gaumont Disney Village, Salle 15, en VF

Note de Mulder: