Dieumerci !

Sur un scénario co-écrit avec Gregory Boutboul le réalisateur Lucien Jean-Baptiste nous livre à ce jour son film le plus personnel et surtout le plus réussi. La part autobiographique apportée au récit donne à Dieumerci ! une tonalité toute personnelle et surtout très émouvante. Ainsi lorsque Dieumerci sort de prison et brisé par un lourd passé, il décide de donner vie à son rêve d’enfance, c’est-à-dire devenir comédien. Pour cela il décide de prendre des cours de théâtre en les finançant en travaillant comme ouvrier lors de missions d’intérim. Sa rencontre avec un jeune survolté va non seulement l’amener à traverser différentes galères mais surtout à trouver suffisamment d’inspiration pour passer un concours important..

Si Dieumerci ! fonctionne aussi bien à l’écran c’est en parti grâce au duo formé par les deux comédiens Lucien Jean-Baptiste (co-scénariste, réalisateur et comédien) et Baptiste Lecaplain. Le premier avait après une carrière d’acteur de doublage bien remplie (notamment voix de Chris Rock, Don Cheadle, Martin Laxrence) puis obtenu des seconds rôles dans plusieurs films avait connu un véritable succès pour son premier film plébiscité par la presse et le public La première étoile (2009), grand prix et prix du public au festival de l'Alpe-d'Huez 2009. Son second film 30° couleur était passé inaperçu et n’avait pas su convaincre son public. Son troisième film traite avec une vraie sincérité de la seconde chance et des moyens mis en pratique pour y arriver. Son personnage Dieumerci qui ne trouve de réconfort qu’auprès de sa mère souhaite réellement trouver un sens à sa vie et faire fi de son passé. Le théâtre est ainsi au cœur du film. Entre les répétitions et le travail pour faire vivre un texte, Dieumerci ! rend hommage à cet art avec une tendresse rare. A l’opposé, le comédien Baptiste Lecaplain incarne un jeune désabusé qui a abandonné ses études pour devenir avocat pour vivre sa vie comme il l’entend et sans réellement s’attacher. Le jeune comédien Baptiste Lecaplain découvert dans les films Nous York (2012) et Libre et assoupi (2013) a un véritable sens du comique de situation par ses nombreux spectacles sur scène (Baptiste Lecaplain se tape l'affiche, La Tournée du trio et Origines). En interprétant le rôle de Clément, il personnifie à lui seul toute cette génération de jeunes étudiants ayant perdu leur repère et tentant de vivre des petits plaisirs de la vie. Rien que pour sa présence dans le film, Dieumerci ! mérite d’être défendu et apprécié.

Le réalisateur Lucien Jean-Baptiste est également un passionné de cinéma et on sent son impact dans sa manière de proposer cette histoire. Certes il s’est inspiré de nombreuses comédies telles L’épouvantail (1973) et l’Emmerdeur (1973) mais c’est plutôt dans les comédies des années 80 qu’il faut chercher la véritable source de son troisième film. A voir les déboires de ces deux passionnés de théâtre et leur précarité sociale on pense au tandem de Gérard Depardieu et Pierre Richard dans La chèvre soit un duo parfaitement complémentaire et fonctionnant à l’instant. De ma même manière en mettant en scène son film dans un cadre économique difficile et ne cherchant pas constamment à faire rire mais à être sincère Dieumerci ! nous montre une nouvelle fois qu’un film ne doit pas être muselé. Le réalisateur ainsi peut réellement laisser libre court à son inspiration et trouver des comédiens avec lesquels il a envie de tourner sans chercher à recourir à des têtes d’affiches. C’est ainsi un réel plaisir de découvrir la jeune comédienne Delphine Théodore et des comédiens proches du réalisateur tels Firmine Richard, Edouard Montoute mais aussi Michel Jonasz et Jean François Balmer. Dieumerci ! fait donc partie de ses belles surprises de ce début d’année. Rares sont les comédies sociales aussi réussies et traitées avec une telle sincérité qu’elles ne peuvent que retenir notre attention.

Vu le 24 février 2016 à la Salle Universal,

Note de Mulder: